Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité, et de fixer à 15 %, à compter du 16 juin 2015, le taux d'invalidité au titre de l'infirmité de séquelles de fracture de la cheville gauche.
Par un jugement n° 1901511 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Eon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 novembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 11 juillet 2018 ;
3°) de juger qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % à compter du 16 juin 2015 au titre de l'infirmité de séquelles de fracture de la cheville gauche ;
4°) de juger qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au taux de 10 %, à compter de la même date, pour gonalgies droites ;
5°) de juger qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'imputabilité au service de l'infirmité de coxalgies droites compte tenu du taux d'invalidité attribué à celle-ci ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens.
Il soutient que :
- il rapporte la preuve de l'existence d'un fait précis de service, survenu le 30 juillet 1987, à l'origine directe des infirmités en cause, par la production de trois attestations convergentes d'officiers corroborées par les mentions de son livret médical et un certificat de visite ;
- sont donc imputables au service les séquelles de fracture de la cheville gauche, au taux d'invalidité de 15 % et par voie de conséquence, les gonalgies droites.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 octobre 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2023, à 12 heures, puis par une ordonnance du 23 octobre 2023, a été reportée au 14 novembre 2023, à 12 heures.
M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., engagé dans l'armée de terre le 1er mars 1964 et radié des contrôles le 23 novembre 1999, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, au taux global de 65 %, dont il a demandé les 18 juin et 16 novembre 2015 la révision pour trois infirmités nouvelles : séquelles d'une fracture de la cheville gauche, raideurs articulaires du genou droit, et raideurs articulaires de la hanche droite. Par une décision du 11 juillet 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Compte tenu de son argumentation présentée devant la Cour, M. B... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de révision de pension au titre des infirmités liées aux séquelles de fracture de la cheville gauche et aux raideurs du genou droit.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... relatives à la révision de sa pension pour séquelles de fracture de la cheville gauche :
2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date des demandes de révision de pension de M. B... : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai.
La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ".
3. En outre, aux termes de l'article L. 2 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". L'article L. 3 de ce code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
5. Les principes exposés au point précédent n'interdisent pas au juge des pensions de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former sa conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité au service doit, par dérogation à ces principes, être regardée comme établie.
6. Pour solliciter la révision de sa pension militaire d'invalidité, M. B... affirme avoir été victime, le 30 juillet 1987, alors qu'il était affecté à la 11ème compagnie du
3ème régiment militaire de marine (RIMA), au camp d'entraînement de Meucon, et qu'il effectuait avec son unité un exercice programmé de parcours naturel, d'une chute lui ayant causé une fracture du péroné gauche et une entorse de la cheville du même membre. S'il est constant que, malgré les recherches engagées à la demande de M. B... en 2015 et en 2021 par la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives du ministère des armées, un tel incident n'a donné lieu ni à un rapport circonstancié, ni à une inscription, contemporaine de cette circonstance, sur le registre des constatations et des blessures, le livret médical militaire de l'intéressé porte quant à lui la mention, confirmée par le certificat de visite du même jour, d'une fracture du péroné gauche le 30 juillet 1987, des arrêts de travail qui lui ont été consécutifs, et du retour au service du militaire à compter du 23 septembre 1987. Il résulte en outre de trois attestations concordantes et assorties de précisions suffisamment circonstanciées, établies le 21 mai 2018 par le général de brigade, ayant commandé le 3ème RIMA de 1985 à 1987, le 24 avril 2018 par le colonel ayant commandé à cette époque la 11ème compagnie, et le 26 avril 2015 par un adjudant-chef affecté dans la même unité que M. B..., que celui-ci, dont les déclarations sont de la sorte corroborées, a fait une chute lors d'une course pédestre le 30 juillet 1987 lui ayant causé une fracture du péroné gauche et ayant justifié son admission en infirmerie. Compte tenu de l'ensemble des pièces ainsi versées au dossier par M. B..., et bien que les attestations produites, dont le contenu est confirmé par les mentions du livret médical militaire de l'intéressé datées des mois de décembre 1998 et d'octobre 1999, soient nettement postérieures par rapport à l'incident auquel il impute l'infirmité à pensionner, celui-ci doit être regardé comme rapportant la preuve de l'existence d'un fait précis de service à l'origine d'une fracture du péroné gauche avec entorse de la cheville gauche, constitutive d'une blessure.
7. Néanmoins, s'il ressort d'une prescription médicale du 26 mai 1988 que
M. B... a bénéficié à cette date d'une quinzaine de séances de rééducation et des mentions de son livret médical qu'il a souffert en décembre 1998 de douleurs persistantes au péroné gauche, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait reçu des soins continus, en lien avec sa fracture survenue en 1987, jusqu'à la date à laquelle il a fait état, pour la première fois, de séquelles de cette fracture pour solliciter la révision de sa pension les 18 juin et 16 novembre 2015. Par ailleurs, ni le rapport du médecin généraliste expert du 4 juillet 2017, ni le certificat du médecin traitant de M. B... ne se prononcent précisément sur la filiation médicale qui existerait entre cet incident et son syndrome douloureux avec gêne fonctionnelle, consistant en un léger handicap à la marche et une diminution à la flexion. Ainsi M. B... ne rapporte pas la preuve, qui pourtant lui incombe en l'absence de présomption légale, de l'existence d'un lien, direct, certain et exclusif entre le fait précis de service du 30 juillet 1987 et l'affection qu'il invoque. Il n'est donc pas fondé à solliciter à ce titre la révision de sa pension.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... relatives à la révision de sa pension pour raideurs du genou droit :
8. Dans la mesure où M. B... prétend que les raideurs du genou droit dont il souffre sont la conséquence directe des séquelles de la fracture du péroné gauche avec entorse de la cheville, et où il ne prouve pas l'imputabilité au service de cette seconde infirmité ainsi qu'il a été dit au point précédent, il n'est pas fondé à soutenir que la première serait elle-même imputable au service. En tout état de cause, ni le certificat de son médecin traitant du 18 mai 2015, ni le rapport du médecin généraliste expert du 4 juillet 2017 ne précisent la nature et les causes de la filiation médicale qui existerait entre ces deux affections.
9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise judiciaire, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Eon et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
N° 22MA028002