Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le maire de Linguizzetta a refusé de lui délivrer un permis de construire valant division parcellaire, en vue de la réalisation de deux maisons d'habitation, avec garage, sur une parcelle cadastrée section B n° 1266, située au lieu-dit B..., sur le territoire communal, et, d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Linguizetta une somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000765 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande de M. A... et mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter les conclusions que la commune de Linguizzetta avait présentées sur le même fondement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Finalteri, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 21 octobre 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du maire de Linguizzetta du 2 juin 2020 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Linguizzetta la somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du même code.
Il soutient que :
- depuis le 25 mai 2020, il est titulaire d'une autorisation tacite de construire ;
- en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté du maire de Linguizzetta du 2 juin 2020 est insuffisamment motivé tant en droit et qu'en fait ;
- cet arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- aucun classement des espaces stratégiques agricoles (ESA) ne pouvait lui être opposé suite à l'annulation des cartographies de ces espaces.
La requête a été communiquée à la commune de Linguizzetta qui n'a pas présenté de mémoire.
Par une ordonnance du 28 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 octobre 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 novembre 2019, M. A... a demandé au maire de Linguizzetta de lui délivrer un permis de construire valant division parcellaire, en vue de la réalisation de deux maisons d'habitation avec garage, pour une surface de plancher de 404 m², sur la parcelle cadastrée section B n° 1266 qui est située au lieu-dit B..., sur le territoire communal. Par un arrêté du 2 juin 2020, le maire de Linguizzetta a refusé de faire droit à cette demande. M. A... relève appel du jugement du 21 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. A... persiste à se prévaloir en appel, dans les mêmes termes que devant les premiers juges, de l'existence d'un permis de construire qui lui aurait été tacitement accordé. Il y a toutefois lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par lesdits juges aux points 4 à 6 de leur jugement attaqué du 21 octobre 2022, l'appelant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à leur appréciation qu'il ne critique au demeurant même pas.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque la décision rejette la demande (...), elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...), notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. (...) ". Aux termes de l'article A. 424-1 du même code : " La décision expresse prise sur une demande de permis de construire (...) prend la forme d'un arrêté. " Selon l'article A. 424-3 de ce code : " L'arrêté indique, selon les cas ; / (...) b) Si le permis est refusé (...) ". Aux termes de l'article A. 424-4 dudit code : " Dans les cas prévus aux b à f de l'article A. 424-3, l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision (...) ".
4. L'arrêté contesté du maire de Linguizetta du 2 juin 2020 vise les textes dont il est fait application, à savoir le code de l'urbanisme, le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et le plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 23 mai 2012. Cet arrêté indique également que le projet de construction porté par M. A... contrevient, d'une part, aux dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors que le terrain d'assiette est situé dans une zone où la présence de quelques constructions implantées de manière diffuse et éparse ne permet pas de lui conférer un caractère urbanisé et, d'autre part, aux dispositions de l'article L. 101-2 du même code, ce terrain présentant également un potentiel agronomique qu'il convient de préserver. Par suite, et alors qu'au demeurant, l'appelant ne peut, en présence des dispositions spéciales du code de l'urbanisme citées au point précédent du présent arrêt, utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de cette loi du 23 novembre 2018 prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ". La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et, M. A... ayant déposé auprès des services de la commune de Linguizzeta sa demande de permis de construire le 13 novembre 2019, les dispositions du V sont applicables en l'espèce.
6. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.
7. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.
8. Enfin, le respect du principe de continuité posé par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme s'apprécie en resituant le terrain d'assiette du projet dans l'ensemble de son environnement, sans s'en tenir aux constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain (Conseil d'Etat, 22 avril 2022, n° 450229, B).
9. Par ailleurs, le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui précise les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune, ces critères s'appliquant de façon cumulative. Le PADDUC prévoit par ailleurs la possibilité de permettre le renforcement et la structuration, sans extension de l'urbanisation, des espaces urbanisés qui ne constituent ni une agglomération ni un village, sous réserve qu'ils soient identifiés et délimités dans les documents d'urbanisme locaux. Enfin, il prescrit que l'extension de l'urbanisation sous forme de hameau nouveau intégré à l'environnement est exceptionnelle, précisément motivée dans le plan local d'urbanisme et répond soit à un impératif social ou économique soit à un impératif environnemental, technique ou légal. Ces prescriptions du PADDUC mentionnées ci-dessus apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme citées au point 5.
10. En l'espèce, il ressort, tout d'abord, des pièces du dossier, et en particulier des documents photographiques et cartographiques qui y sont joints, que, bien que classée en zone urbaine dans le PLU de la commune de Linguizzetta, d'une superficie de 1 000 m², la parcelle cadastrée section B n° 1266, qui est située à plus de sept kilomètres du centre-ville, est certes entourée par quelques constructions, dont quelques-unes sont mitoyennes, mais celles-ci s'inscrivent dans un vaste secteur de parcelles à dominante agricole, supportant un habitat diffus et dispersé de part et d'autre de la route territoriale (RT) n° 10. Dans ces conditions, ce secteur, compte tenu de sa faible densité de constructions et de son absence de structuration, sans lieux publics, quand bien même il serait desservi par des réseaux et des équipements publics, ne peut constituer ni une agglomération, ni un village au sens du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme tel que précisé par le PADDUC.
11. Ensuite, si M. A... soutient que le terrain d'assiette de son projet se situe au sein d'un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, il est n'est ni établi, ni même allégué que l'espace dessiné par la parcelle cadastrée section B n° 1266 et les quatre constructions mitoyennes aurait été identifié comme tel par un schéma de cohérence territoriale, ni délimité par le plan local d'urbanisme. Pour l'application des dispositions transitoires du III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018, si, ainsi qu'il a été dit, la zone est composée de quelques parcelles bâties, celles-ci sont éparses et réparties de part et d'autre de la route territoriale (RT) n° 10, sans constituer un espace continu et homogène. Par suite, par sa densité insuffisante, sa discontinuité et son absence de structuration, cette zone ne saurait en tout état de cause être regardée comme un secteur urbanisé autre qu'une agglomération ou un village, alors même qu'elle serait desservie par les réseaux publics.
12. Il suit de là que le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme doit être écarté dans toutes ses branches.
13. En quatrième et dernier lieu, si M. A... persiste à se prévaloir devant la Cour de l'annulation de la délibération de l'assemblée de Corse du 2 octobre 2015 approuvant le PADDUC en tant qu'elle a arrêté la carte des espaces stratégiques agricoles par des jugements du tribunal administratif de Bastia, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, au point 11 de leur jugement attaqué, il ne saurait utilement le faire dès lors qu'aucun motif de l'arrêté contesté du maire de Linguizzetta du 2 juin 2020 ne repose sur la définition de ces espaces.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par son jugement attaqué du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées.
Sur les dépens :
15. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. A... présentées sur ce fondement ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Linguizetta, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... sollicite au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune de Linguizzetta.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
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No 22MA03116
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