Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 2 août 2019 par laquelle le conseil d'administration de l'office public de l'habitat émeraude habitat (OPHEH) l'a suspendu à titre conservatoire et d'enjoindre à celui-ci de le réintégrer en qualité de ... dans un délai de 7 jours à compter du jugement à intervenir.
Par une ordonnance n°1904931 du 13 mars 2023, le Président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes lui a donné acte du désistement de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2023, M. A..., représenté par Me Arvis, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 13 mars 2023 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la délibération du 2 août 2019 par laquelle le conseil d'administration de l'OPHEH l'a suspendu à titre conservatoire ;
3°) d'enjoindre à l'OPHEH de le réintégrer en qualité de ...dans un délai de 7 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu'elle ne vise pas l'ensemble de la procédure :
* elle ne vise ni le moyen d'ordre public communiqué aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ni les observations du requérant et de la partie adverse sur ce moyen ;
* elle ne vise pas le mémoire complémentaire et en réplique du 4 février 2021 ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit et d'appréciation dès lors que rien ne permettait de s'interroger sur l'intérêt que conservait sa demande pour le requérant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2023, l'OPHEH conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Rennes et à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,
- et les observations de Me Turpin pour l'office public de l'habitat émeraude habitat.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté, le 7 janvier 2013, en qualité de ... par l'office public de l'habitat ... (OPHEH) en contrat à durée indéterminée. Par décision du 2 août 2019, le conseil d'administration de l'office a décidé de le suspendre à titre conservatoire de ses fonctions. M. A... relève appel de l'ordonnance du 13 mars 2023 laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes, en application des dispositions de l'article R.612-5-1 du code de justice administrative, lui a donné acte de son désistement des conclusions qu'il avait présentées devant ce tribunal.
2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ".
3. Il ressort des pièces des dossiers que M. A... a saisi le tribunal administratif de Rennes, le 2 octobre 2019, d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 2 août 2019 par laquelle le conseil d'administration de l'office public l'a suspendu à titre conservatoire. Le requérant, en parallèle, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, pour obtenir la suspension de l'exécution de la délibération du 2 août 2019. Cette demande a été rejetée par une ordonnance n°1904932 du 23 octobre 2019. M. A... a alors expressément maintenu sa requête au fond, en application des dispositions de l'article R. 612-5-2, par un courrier du 23 octobre 2019. Par un courrier du 4 janvier 2021, le requérant a informé le tribunal de son changement d'adresse puis, par un mémoire du 5 janvier 2021, il a présenté ses observations sur un moyen d'ordre public, communiqué le 22 décembre 2020. Il a ensuite produit un mémoire complémentaire, le 4 février 2021. A la suite de la communication d'un mémoire en défense et de la réouverture de l'instruction, M. A... a produit un nouveau mémoire complémentaire et en réplique le 30 mars 2021. Par un courrier du 27 décembre 2022, notifié par la voie de l'application informatique Télérecours le même jour à 13 heures 25, le président de la 4ème chambre du tribunal a demandé au requérant de confirmer le maintien de ses conclusions, en précisant qu'à défaut de réception de cette confirmation dans un délai d'un mois, il serait réputé s'être désisté de ses conclusions en application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative. M. A... n'ayant pas répondu à cette demande dans le délai fixé, le président de la 4ème chambre a, par une ordonnance du 13 mars 2023, donné acte de son désistement.
4. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. Il incombe également au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que le premier juge a pris en compte, notamment, l'objet du litige, son évolution au cours de la procédure, la chronologie de l'instruction menée devant le tribunal, ainsi que la teneur des écritures échangées, les conditions de réception de la demande de confirmation du maintien des conclusions et, le cas échéant, les motifs ayant empêché que cette demande reçoive une réponse dans le délai fixé.
5. Eu égard à la date d'introduction de la demande, au courrier de M. A... du 23 octobre 2019, par lequel il a signifié au tribunal, à la suite de sa demande en référé, qu'il entendait maintenir sa requête au fond, en application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, à l'importance des écritures échangées, caractérisée notamment par un dernier mémoire en réplique du requérant, enregistré au greffe du tribunal le 30 mars 2021, l'auteur de l'ordonnance attaquée n'a pas fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative en regardant l'absence de réponse de M. A... au courrier du 27 décembre 2022, comme traduisant une renonciation de sa part à l'instance introduite, alors que la circonstance qu'un délai de plus d'un an et demi se soit écoulé entre le dernier mémoire en réplique du requérant et le courrier du 27 décembre 2022, ne saurait, en l'espèce, être imputable au requérant. L'ordonnance attaquée est, par suite, entachée d'irrégularité et doit être annulée.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes.
7. M. A... soutient, en premier lieu, que la délibération du 2 août 2019 est entachée d'un vice de procédure, l'ordre du jour ayant été modifié au dernier moment, sans convocation préalable des membres du conseil d'administration, qui n'ont pas, dans ces conditions, été régulièrement convoqués. Selon lui, le conseil d'administration a été conduit à se prononcer sur une mesure de suspension provisoire sans avoir pu bénéficier du délai de dix jours permettant une analyse plus sérieuse de la situation, ce qui n'a pas permis une information complète du conseil d'administration, aucune urgence ne justifiait en l'espèce que le délai de dix jours ne soit pas respecté.
8. Aux termes de l'article R.421-13 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable : " Le conseil d'administration se réunit au moins trois fois par an, sur convocation de son président. La convocation du conseil d'administration est de droit lorsqu'elle est demandée par le tiers au moins de ses membres. L'ordre du jour des délibérations doit être porté à la connaissance des membres du conseil au moins dix jours à l'avance, sauf urgence dûment motivée. Les décisions sont prises à la majorité des membres du conseil ayant voix délibérative, présents ou représentés, à l'exception des décisions relatives à la nomination du ... et à la cessation de ses fonctions qui sont prises à la majorité des deux tiers des membres ayant voix délibérative, présents ou représentés. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. Le conseil ne peut valablement délibérer que si les deux tiers des membres ayant voix délibérative au moins participent à la séance ou sont représentés. Lorsque le quorum n'est pas atteint, les décisions sur les questions portées à l'ordre du jour de la séance peuvent être prises, après convocation régulière, à la séance suivante à la majorité des membres ayant voix délibérative, présents ou représentés. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 22 juillet 2019, l'ordre du jour de la séance du conseil d'administration de l'Office a été diffusé à l'ensemble des membres du conseil d'administration de l'office public. Toutefois, les éléments portés à la connaissance du président du conseil d'administration de l'Office, à compter du 24 juillet 2019, justifiaient que l'ordre du jour de la séance du conseil d'administration du 2 août 2019 soit modifié. L'urgence, dûment motivée par une information expresse du conseil d'administration, était en l'espèce de nature à permettre une dérogation à la règle prévue par les dispositions précitées selon laquelle l'ordre du jour des délibérations est porté à la connaissance des membres du conseil au moins dix jours avant la réunion dudit conseil. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la délibération du 2 août 2019 est entachée d'un vice de procédure.
10. M. A... soutient, en deuxième lieu, que la délibération attaquée est irrégulière et méconnait les dispositions de l'article R. 421-13 du code de la construction et de l'habitation, dès lors qu'il n'est pas démontré que la majorité des deux tiers du conseil d'administration a été effectivement réunie en faveur de sa suspension.
11. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de l'extrait du registre des délibérations du conseil d'administration, que ledit conseil s'est prononcé à 19 voix en faveur de la suspension de l'intéressé, qu'aucun membre n'a voté contre cette suspension et que deux membres se sont abstenus. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la délibération attaquée est irrégulière et méconnait les dispositions de l'article R. 421-13 du code de la construction et de l'habitation.
12. M. A... soutient, en troisième lieu, que la délibération attaquée méconnait l'article R. 421-21 du code de la construction et de l'habitation en ce qu'elle lui est inopposable en l'absence de communication au contrôle de légalité.
13. Aux termes de l'article R. 421-21 du code de la construction et de l'habitation : " Le préfet peut se faire représenter pour l'exercice des fonctions de commissaire du Gouvernement. Il assiste, avec voix consultative, aux séances du conseil d'administration. Il reçoit dans les mêmes conditions que les membres du conseil d'administration les convocations, ordres du jour et tous autres documents qui doivent leur être adressés avant chaque séance. Il reçoit également copie des procès-verbaux desdites séances ainsi que des décisions prises par délégation du conseil d'administration. (...) ".
14. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la délibération attaquée a été adressée, le 7 août 2019, à la Direction départementale des territoires et de la mer d'Ille-et-Vilaine. Dès lors qu'il n'est pas contesté que ce service est un service technique interministériel, chargé de mettre en œuvre les politiques publiques agricole, maritime, environnementale, d'urbanisme, de logement, de risques et de transports, placé sous l'autorité du préfet d'Ille-et-Vilaine, la circonstance que cette délibération n'a pas été adressée à la direction des collectivités territoriales et de la citoyenneté de la préfecture d'Ille-et-Vilaine est sans incidence sur la légalité de cette délibération.
15. M. A... soutient, en quatrième lieu, qu'à supposer même que la délibération du 2 août 2019 ait été régulièrement transmise au contrôle de légalité, les conditions de sa notification méconnaissent le principe de non-rétroactivité des décisions administratives, l'Office lui ayant appliqué et notifié la délibération avant qu'elle ne soit exécutoire.
16. Toutefois, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que les conditions de notification de la délibération en cause méconnaissent le principe de non-rétroactivité des décisions administratives.
17. Le tribunal a, en cinquième lieu, par un courrier en date du 22 décembre 2020, communiqué aux parties par Télérecours, soulevé un moyen d'ordre public tiré de l'incompétence du conseil d'administration pour prononcer la suspension du directeur de l'Office Public de l'Habitat ....
18. Aux termes de l'article R. 421-16 du code de la construction et de l'habitation : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'office, et notamment : (...) 10° Nomme le ... et autorise le président du conseil d'administration à signer le contrat et ses avenants entre l'office et le ... (...) ". Aux termes de l'article R.421-17 du même code : " Le président du conseil d'administration fixe l'ordre du jour du conseil d'administration. (...) Il propose au conseil d'administration la nomination du ... et signe son contrat. Le cas échéant, il propose au conseil d'administration la cessation des fonctions du ... (...) ".
19. Le conseil d'administration de l'Office public de l'habitat détient, en vertu des articles précités, une compétence générale pour régler les affaires de l'office, dès lors que ces dispositions ne listent pas limitativement les matières dans lesquelles il intervient. Le président du conseil d'administration ne tire, de ces mêmes dispositions, aucune compétence propre pour prononcer la suspension du ... de l'office. Dans ces conditions, la compétence générale du conseil d'administration, qui règle par ses délibérations les affaires de l'office, donne à ce conseil compétence pour prononcer la suspension de son ....
20. M. A... soutient, en sixième lieu, que la décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation, car aucun des griefs qui lui sont opposés n'est de nature à justifier sa suspension.
21. Il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige, d'écarter provisoirement de son emploi un agent, en attendant qu'il soit statué disciplinairement sur sa situation. Une telle suspension peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'agent des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave. Saisi d'un recours contre une telle mesure, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, qui exerce un contrôle normal sur la qualification juridique opérée par l'administration, de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision
22. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, qu'alors même qu'il se trouvait sous le coup d'une suspension administrative du permis de conduire, M. A... a fait usage de son véhicule de fonction à de nombreuses reprises. Le 23 juillet 2019, à l'occasion de l'un de ces déplacements, les forces de l'ordre l'ont interpellé alors qu'il conduisait sans permis de conduire et ont immobilisé son véhicule. En outre, l'intéressé a également utilisé les moyens de l'office pour le financement de déplacements à caractère personnel. Ces motifs étaient suffisants, à eux seuls, pour justifier que soit prise à l'encontre de M. A..., dans l'intérêt du service, une mesure conservatoire de suspension de fonctions à compter du 2 août 2019, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les faits rapportés.
23. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la délibération du 2 août 2019 par laquelle le conseil d'administration de l'office public de l'habitat émeraude habitat l'a suspendu à titre conservatoire doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
24. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par ce dernier doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'office public le versement à M. A... de la somme sollicitée au titre des frais de même nature exposés en première instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'office public une somme au titre des frais exposés en appel par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n°1904931 du 13 mars 2023 du Président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes est annulée.
Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que ses conclusions en appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'office public de l'habitat émeraude habitat.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2023.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°23NT01413