Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2201697 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er mars 2023 et le 19 juin 2023, Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 400 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ; le tribunal n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la préfète du Bas-Rhin n'a pas méconnu la procédure contradictoire avant de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle avait dénoncé le réseau de prostitution qui l'exploitait ; en particulier, la préfète du Bas-Rhin ne l'a pas informée de l'existence d'un délai de réflexion et des droits ouverts aux victimes de la traite des êtres humains prévues par l'article R. 425- du code de l'entré et du séjour des étrangers en France ; c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'erreur de droit tenant au défaut d'examen de sa situation personnelle ; c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle n'était pas en situation de se voir délivrer un titre de séjour de plein droit ; c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et ne méconnaissait pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ; la décision méconnait l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur de droit ;
- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ; sa vie est menacée en cas de retour dans son pays d'origine ; la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle est entachée d'erreur de droit et constitue une mesure disproportionnée ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été communiqué à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2023 modifiée par ordonnance du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane née 1996, est entrée sur le territoire français en septembre 2015, afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 novembre 2020 et le 12 novembre 2021. Par un arrêté du 23 février 2022, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 13 mai 2022, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Contrairement à ce que soutient Mme B..., le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mai 2022 est suffisamment motivé au regard de l'ensemble des moyens soulevés devant lui. Par conséquent le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier faute de motivation suffisante doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
5. D'une part, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois dans le cas prévu au 4° du I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.
6. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
7. Mme B... qui a sollicité son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile a, à l'occasion de cette demande, été amenée à préciser à l'administration les motifs de sa demande et a pu produire tous les éléments relatifs à sa situation personnelle susceptibles de venir au soutien de cette demande. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par la préfète du Bas-Rhin sur le fondement 4° du I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnait le droit d'être entendue qu'elle tire du principe général du droit de l'Union européenne.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
9. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un étranger lorsqu'une loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé est en situation de se voir délivrer de plein droit un titre de séjour.
10. Si Mme B... soutient qu'elle a dénoncé en décembre 2021 le réseau de prostitution qui l'exploitait, il ressort des pièces du dossier que la lettre qu'elle a adressée le 10 décembre 2021 au procureur de la République de Strasbourg relate des faits qui se sont produits en dehors du territoire français et que les personnes qu'elle mentionne ne sont pas identifiées précisément. Si elle indique également dans ce courrier qu'elle s'est prostituée en France, elle ne désigne cependant aucune personne qui l'y aurait contrainte. Dans ces conditions, Mme B... ne peut être regardée comme ayant porté plainte contre une ou plusieurs personnes qu'elle aurait accusé d'avoir commis des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal. Par suite, elle ne saurait utilement soutenir que les dispositions de l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative à l'information des victimes de telles infractions concernant notamment l'existence d'un droit au séjour et d'un délai de réflexion ont été méconnues. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir qu'elle était en situation de se voir délivrer un titre de séjour de plein droit en application de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et qu'elle ne pouvait à ce titre faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
11. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B... il ressort des termes même de l'arrêté du 23 février 2022 que la préfète du Bas-Rhin a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre la mesure d'éloignement.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
13. Mme B... est entrée en France en 2015 où elle s'est maintenue durant le temps de l'instruction de sa demande d'asile et de sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Elle fait valoir qu'elle parle français, qu'elle a noués des relations en France grâce à l'association le Nid à Strasbourg, que son fils est né et scolarisé en France où il bénéficie d'une prise en charge orthophonique. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le fils de Mme B... ne puisse la suivre au Nigéria où il pourra suivre sa scolarité. Dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour de Mme B... en France, alors qu'elle ne soutient pas être dépourvue d'attaches familiales au Nigéria où demeurent des membres de sa famille, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. La préfète du Bas-Rhin n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle, en particulier au regard des circonstances humanitaires que Mme B... fait valoir.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
15. Les moyens dirigés contre les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions, invoquée par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. En premier lieu, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. Mme B... fait valoir qu'elle encourt des représailles de la part des membres du réseau de proxénètes auquel elle a échappé en Espagne en cas de retour au Nigéria et qu'elle est tenue par une dette qu'elle n'est pas en mesure de rembourser. Toutefois, elle n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ses affirmations, alors que sa demande d'asile et sa demande de réexamen de sa demande d'asile ont été rejetées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
19. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux point 11 et 12 du présent arrêté, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi prise à l'encontre de Mme B... par la préfète du Bas-Rhin porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise et serait contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
20. En premier lieu, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
21. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
22. La décision par laquelle la préfète du Bas-Rhin a interdit à Mme B... le retour sur le territoire français pour une durée d'un an comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. En particulier, la préfète a mentionné que Mme B... avait fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français à laquelle elle n'a pas déféré, que son conjoint fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, que son enfant mineur pourra la suivre au Nigéria et qu'elle s'est maintenue en France durant le temps de l'instruction de sa demande d'asile et de sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin a mentionné les raisons pour lesquelles elle a interdit à Mme B... le retour sur le territoire français pour une durée d'un an au regard des critères prévus par l'article L. 212-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le moyen tiré du défaut de motivation de la décision doit être écarté.
23. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B... la préfète du Bas-Rhin a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et a, en particulier, vérifié qu'aucune circonstance propre à sa situation n'y faisait obstacle avant de prendre la mesure en litige qui, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 13 et 14 du présent arrêt ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et n'est pas contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
25. Le présent arrêt qui rejette la requête de Mme B... n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
26. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC00684