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09/01/2024 | FRANCE | N°23NT02481

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 09 janvier 2024, 23NT02481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités tchèques, responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n°2309421 du 13 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enre

gistrée le 16 août 2023, M. B..., représenté par Me Ndeko, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités tchèques, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n°2309421 du 13 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2023, M. B..., représenté par Me Ndeko, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de prendre en charge sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 7 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier :

- il est insuffisamment motivé ;

- le jugement attaqué est infondé :

- l'arrêté du 12 juin 2023 est entaché d'une erreur d'appréciation sur la situation du pays responsable de sa demande d'asile et méconnait les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2013 :

* des défaillances systémiques affectent actuellement le système de prise en charge des demandeurs d'asile en République Tchèque ;

- l'administration aurait dû reconnaitre sa compétence pour étudier sa demande d'asile au titre des articles 10 et 17 du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2013 :

* il a des membres de sa famille en France et verse au débat l'attestation signée par ses frères et sœurs présents en France et en situation régulière avec leur titre de séjour ;

* son état de santé s'est dégradé depuis son entrée sur le sol français ;

- son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc, né le 5 février 2002, est entré irrégulièrement en France le 20 janvier 2023 selon ses déclarations. Le 9 mai 2023, il a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. Suite à la consultation du fichier " Eurodac ", il a été constaté que l'intéressé avait sollicité l'asile auprès des autorités tchèques préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France. Saisies d'une demande de reprise en charge, les autorités tchèques ont fait connaître leur accord explicite le 17 mai 2023. Par un arrêté du 12 juin 2023, le préfet de Maine-et-Loire a alors décidé son transfert aux autorités tchèques, responsables de l'examen de sa demande d'asile M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qui est allégué, le jugement attaqué s'est prononcé expressément sur le moyen soulevé par le requérant tiré du défaut d'examen de sa vulnérabilité liée à son état de santé, en cas de transfert en Italie, dans le paragraphe 9 dudit jugement. Cette motivation est suffisante en l'espèce.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. (...) ".

4. La République Tchèque étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités tchèques répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

5. M. B... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en République Tchèque, mais en l'espèce, il ne produit aucun élément de nature à établir que les conditions matérielles d'accueil en République Tchèque seraient caractérisées par des carences structurelles d'une ampleur telle qu'il y aurait lieu de conclure à l'existence de défaillances systémiques ou de risques réels et concrets qu'indépendamment de leur situation personnelle, tous les demandeurs d'asiles seraient systématiquement placés dans une situation de dénuement matériel et d'impossibilité d'avoir accès à une prise en charge adaptée et conforme au droit d'asile. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités tchèques dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert en cause méconnait l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison des défaillances systémiques que connaît l'Italie.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui leur est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne leur incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Le requérant fait valoir qu'il a des membres de sa famille en France, des frères et sœurs en situation régulière avec leur titre de séjour. Toutefois, il n'établit pas, par la seule production d'une attestation qui serait signée par ses frères et sœurs, le lien familial allégué, en l'absence de production d'actes de naissance ou de tout autre document d'état civil permettant d'établir sa filiation. Si le requérant soutient par ailleurs que son état de santé s'est dégradé depuis son entrée sur le sol français, il ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations. Aucun élément du dossier ne permet de démontrer que son état de santé le placerait dans une situation de vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen du risque de renvoi par ricochet et qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et aurait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté contesté, du droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2024.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT02481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02481
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : NDEKO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;23nt02481 ?
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