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19/12/2024 | FRANCE | N°24BX01340

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 19 décembre 2024, 24BX01340


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2305897 du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requê

te enregistrée le 4 juin 2024, Mme C..., représentée par Me Aymard, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2305897 du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2024, Mme C..., représentée par Me Aymard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 mars 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer, dans le même délai, sa situation et de le munir, dans l'attente, dans un délai de Huit jours, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ; sa demande de titre de séjour en qualité de conjointe de ressortissante française n'a pas été examinée ;

- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle est fondée ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 12 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au

12 novembre 2024.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2024, enregistré après clôture et qui n'a pas été communiqué, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en se bornant à faire valoir qu'il confirme les termes de son mémoire de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure,

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... épouse C..., ressortissante ivoirienne née le

31 décembre 1973, est entrée sur le territoire français au mois d'avril 2019, selon ses déclarations. Le 13 octobre 2022, elle a demandé un titre de séjour en qualité de conjointe de français. Par un arrêté du 2 mai 2023, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement du 20 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Si Mme C... n'établit pas être entrée régulièrement en France en avril 2019 comme elle le déclare, il est néanmoins constant que celle-ci est mariée avec un ressortissant français depuis le 5 mars 2022 et que la réalité de la vie commune n'a pas cessée depuis le mariage. Il ressort également des pièces du dossier, telles que produites en première instance, complétées en appel, que la requérante a, avant même son mariage, vécu en concubinage stable avec son futur époux, à la même adresse, depuis le mois de décembre 2019. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et en particulier des attestations et certificats médicaux produits, établis certes postérieurement à la date de l'arrêté attaqué mais qui révèlent un état de fait antérieur, que l'état de santé de l'époux de la requérante, qui souffre d'un adenocarcinome, nécessite la présence d'une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne que Mme C... est le plus à même de lui apporter. Dans ces conditions, et alors même que cette dernière n'est pas dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où vivent encore ses deux enfants majeurs nés en 1985 et 2000, sa mère et une de ses sœurs, l'arrêté attaqué portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que le préfet de la Gironde a méconnu les stipulations précotées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, la délivrance à Mme C... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1200 euros à Me Aymard, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 mars 2024 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Gironde du 2 mai 2023 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de cette notification.

Article 4 : L'Etat versera à Me Aymard la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du

10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

Béatrice Molina-Andréo

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01340
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : AYMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;24bx01340 ?
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