Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement no 1902439-1910419 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a, à son article 1er , constaté un non-lieu à statuer à concurrence des sommes dégrevées en cours d'instance, à l'article 2, déchargé M. A... des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la taxation des revenus de capitaux mobiliers ayant résulté de la reconstitution des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la SARL Hallal Meat services au titre des exercices clos en 2014 et en 2015, ainsi que des pénalités s'y rapportant, à l'article 3, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, à l'article 4, rejeté de surplus des demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 mars 2022, 24 janvier 2023 et 13 mars 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de M. A... les impositions, en droits et pénalités, dont la décharge a été prononcée par ce jugement.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la proposition de rectification adressée à M. A... était insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- à titre subsidiaire, l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 21 septembre 2016 doit être qualifiée d'erreur non substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- l'appel incident présenté par M. A... est irrecevable en ce qu'il porte sur des impositions non contestées par l'appel principal ; en tout état de cause, il n'est pas fondé ;
- M. A... ne justifie pas des charges, à hauteur de 220 249,62 euros, qui auraient été supportées par la société Hallal Meat services au titre de l'exercice clos en 2014 alors, au demeurant, que l'administration a admis, au titre de cet exercice, la déduction de charges d'un montant supérieur.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 29 novembre 2022 et le 13 février 2023, M. A..., représenté par Me Guey Balgairies, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué ;
3°) à la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 ;
4°) à ce que la somme de 2 400 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne sont pas fondés ;
- il justifie de la réalité, du montant et du bien-fondé de la déduction, au titre des charges de la société Hallal Meat services de l'exercice clos en 2014, de dépenses d'acquisition de matériels de petit outillage et d'ingrédients nécessaires à son activité de boucherie, de salaires et cotisations sociales, ainsi que de cotisations au régime social des indépendants ;
- à titre incident, il sollicite la décharge totale des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015 ;
- la proposition de rectification du 21 septembre 2016 n'a pas été envoyée à l'adresse qu'il avait transmise à l'administration, de sorte que la procédure est irrégulière ;
- le rôle n'a pas été homologué par un agent disposant d'une délégation de signature régulière.
Par une ordonnance du 13 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 septembre 2023.
Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 26 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Guey Balgairies, représentant M A....
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La SARL Hallal Meat services et la SASU Boucherie C..., qui exploitaient chacune un commerce de détail de viande et de produits à base de viande et dont M. A... était le gérant et l'unique associé, ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les périodes, respectivement, du 1er janvier 2013 au 5 mai 2015 et du 1er juin 2013 au 30 juin 2015, à l'issue de laquelle le vérificateur, après avoir dressé un procès-verbal d'absence de présentation de comptabilité, a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires et des résultats de ces deux sociétés. En conséquence, M. A... a été assujetti, au titre des années 2013 à 2015, à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la réintégration dans ses bases imposables à l'impôt sur le revenu, selon la procédure contradictoire, d'omissions de recettes que l'administration a regardées comme des revenus distribués imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts s'agissant des distributions de la SARL Hallal Meat services et sur le fondement du a de l'article 111 de ce code s'agissant des distributions de la SASU Boucherie C....
2. M. A... a demandé la décharge de ces impositions au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 16 décembre 2021, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 44 964 euros prononcé par l'administration en cours d'instance au titre de l'année 2014, a déchargé le contribuable des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondant à la taxation des revenus de capitaux mobiliers ayant résulté de la reconstitution des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la société Hallal Meat services au titre des exercices clos en 2014 et en 2015, ainsi que des pénalités s'y rapportant, et a rejeté le surplus de la demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement déchargé M. A... des impositions en litige. Par la voie de l'appel incident, M. A... conclut à l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a fait intégralement droit à sa demande de décharge.
Sur la recevabilité de l'appel incident :
3. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal, portant notamment sur des années d'imposition différentes. Les conclusions de M. A... formées par la voie d'un appel incident enregistré le 29 novembre 2022, postérieurement au délai d'appel, en ce qu'elles concernent les impositions mises à sa charge au titre de l'année 2013, soulèvent un litige distinct de celui soulevé par l'appel formé par le ministre qui est relatif aux impositions établies au titre des années 2014 et 2015. Par suite, cet appel incident qui concerne, pour partie, une année d'imposition autre que celles sur lesquelles porte l'appel principal du ministre, est irrecevable en tant qu'il concerne l'année 2013, comme l'oppose à bon droit le ministre, et doit, dès lors, être rejeté dans cette mesure.
Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif :
4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ".
5. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification, l'administration peut satisfaire à cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification consécutive à un autre contrôle et qui a été régulièrement notifiée au contribuable, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.
6. D'autre part, une proposition de rectification doit, en principe, pour satisfaire aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, être notifiée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale aux fins d'y recevoir ses courriers. Cette adresse est celle connue de l'administration fiscale à la date d'envoi du pli contenant la proposition de rectification.
7. Il n'est pas contesté que la proposition de rectification du 21 septembre 2016 relative à la situation de M. A..., notifiée par une lettre recommandée dont l'avis de réception comporte la mention " présenté / avisé le 26/9/16 " avec la case " pli avisé et non réclamé " cochée sur l'étiquette adhésive " restitution de l'information à l'expéditeur ", n'a pas exposé la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires et résultats de la SARL Hallal Meat services.
8. Toutefois, pour le calcul des bases d'imposition, cette proposition de rectification s'est référée aux rehaussements envisagés par l'administration dans la proposition de rectification du 19 septembre 2016 destinée à cette société à la suite de la vérification de sa comptabilité. Pour la première fois en appel, le ministre justifie qu'une copie de la proposition de rectification du 19 septembre 2016 destinée à la société Hallal Meat services a été expédiée le 20 septembre 2016 à l'adresse de M. A... puis retournée au service le 10 octobre 2018 à l'issue du délai de mise en instance, accompagnée de la mention " pli avisé et non réclamé ". Il n'est pas soutenu, ni même allégué, que cette proposition de rectification était insuffisamment motivée.
9. Si M. A... soutient qu'il avait alors déménagé et que la proposition de rectification concernant sa situation personnelle et la copie de la proposition de rectification concernant la société Hallal Meat services n'ont pas été envoyées à l'adresse qu'il avait mentionnée dans ses déclarations de revenus au titre des années 2014 et 2015, il résulte de l'instruction, notamment de ces déclarations, que l'intéressé n'établit pas avoir communiqué à l'administration une autre adresse que celle à laquelle ces documents ont été notifiés. Par suite, le service apporte la preuve que la copie de la proposition de rectification concernant la société Hallal Meat services a été régulièrement adressée à M. A... concomitamment à la proposition de rectification qui lui a été adressée personnellement.
10. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant disposé des informations lui permettant de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
11. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a estimé que la procédure d'imposition suivie était irrégulière au motif que la proposition de rectification adressée personnellement à M. A... était insuffisamment motivée s'agissant des revenus distribués ayant résulté de la rectification du résultat imposable de la société Hallal Meat services au titre des exercices clos en 2014 et 2015.
12. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
13. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, M. A... n'établit pas que l'adresse à laquelle le pli contenant la proposition de rectification qui lui était personnellement adressée a été envoyé n'était pas la dernière adresse connue des services fiscaux à cette date.
14. En second lieu, aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. ".
15. Pour l'application de ces dispositions, l'article 376-0 bis de l'annexe II au code général des impôts précise que le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 de ce code est celui d'administrateur des finances publiques adjoint. L'article 1659 du même code dispose : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables ".
16. Il résulte de l'instruction, et, notamment des avis d'imposition produits par M. A... en première instance, que les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre des années 2014 et 2015 ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2016. Il résulte en outre des décisions d'homologation du rôle d'impôt sur le revenu et de contributions sociales n° 933 produit par le ministre afférent aux années 2014 et 2015, dont sont extraits les avis d'imposition adressés à M. A..., ainsi qu'il résulte du numéro de rôle qu'ils visent, que les rôles dans lesquels sont comprises les impositions contestées ont été homologués par une décision du 1er décembre 2016, laquelle indique que la date de mise en recouvrement a été fixée au 31 décembre 2016.
17. Si M. A... soutient que cette décision d'homologation du rôle a été signée par une personne incompétente, il résulte des pièces produites par l'administration d'une part que le préfet du Nord a donné délégation de pouvoir, par un arrêté du 21 février 2012 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, aux fins de rendre exécutoires les rôles d'impôts directs, aux collaborateurs du directeur régional des finances publiques de la région la région Nord-Pas-de-Calais et du département du Nord ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, à l'exclusion de ceux ayant la qualité de comptable, et d'autre part que le signataire de la décision d'homologation du rôle, qui a le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, et dont il est constant qu'il n'exerçait pas la fonction de comptable, était au nombre des agents ayant régulièrement reçu délégation pour signer la décision en cause.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus distribués par la SARL Hallal Meat services :
18. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".
19. Il est constant que M. A... n'a pas fait parvenir d'observations au service dans le délai de trente jours prévu par l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales en réponse à la proposition de rectification du 21 septembre 2016 qui lui a été régulièrement notifiée. Dès lors, il doit être regardé comme ayant accepté ces redressements et, de ce fait, supporte, devant le juge de l'impôt, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions.
20. Aux termes des dispositions du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. ".
21. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Hallal Meat services, dont M. A... était le gérant et l'unique associé, l'administration a, en l'absence de comptabilité, reconstitué les chiffres d'affaires et résultats de cette société et a estimé que les recettes non déclarées par cette société, s'élevant à la somme de 128 575 euros et de 20 593 euros au titre des exercices clos respectivement les 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015, n'ayant été ni mises en réserve ni incorporées au capital, devaient être considérées comme des revenus distribués imposables au titre des années 2014 et 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, entre les mains de M. A..., en sa qualité de maître de l'affaire qu'il ne conteste pas.
22. Pour reconstituer les chiffres d'affaires et résultats des exercices clos en 2014 et 2015 de la société Hallal Meat services, qui n'avait présenté aucun document comptable ou pièce justificative, le vérificateur a déterminé les montants d'achats de marchandises tels qu'ils avaient pu être révélés par l'exercice du droit de communication auprès des fournisseurs de la société, soit respectivement 869 525 euros et 139 266 euros. Le vérificateur a ensuite appliqué à ces montants le coefficient de marge de 1,211 résultant du rapport entre le chiffre d'affaires déclaré par la société au titre de l'exercice 2013 et le montant d'achat de marchandises au cours de cet exercice. Selon cette méthode retenue par le service, le chiffre d'affaires de la société s'est établi, au titre des exercices 2014 et 2015, à respectivement 998 100 euros et 159 859 euros. Enfin, pour déterminer le résultat imposable, le vérificateur a admis comme charges le montant des achats reconstitués.
23. Au vu des factures produites au contentieux par M. A..., l'administration a admis, en première instance, la déduction de charges complémentaires d'un montant de 53 832 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et a prononcé le dégrèvement correspondant le 7 février 2020. Pour les autres dépenses considérées comme injustifiées par l'administration, M. A... conteste l'imposition entre ses mains des sommes réputées distribuées par la société Hallal Meat services, dont il était le gérant et l'unique associé, au motif qu'il s'agissait d'achats de matériaux, de produits alimentaires et de charges salariales et patronales justifiés par les besoins de l'exploitation.
24. Le contribuable justifie tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.
25. Toutefois, d'une part, M. A... n'a apporté aucun élément de nature à établir que les factures d'achats d'outillages, d'équipements et de matériaux de construction, dont certaines ne sont d'ailleurs pas libellées au nom de la société Hallal Meat services, ont été exposées pour les besoins de cette société qui exerçait une activité de boucherie ou que des factures émises au nom de la société Boucherie C... ont en réalité constitué des dépenses engagées dans l'intérêt de la société Hallal Meat services et supportées par cette dernière.
26. D'autre part, M. A..., en s'abstenant de présenter des factures ou tout autre justificatif, n'a pas davantage justifié de l'achat par la société Hallal Meat services d'épices destinées à l'assaisonnement des viandes.
27. Enfin, si M. A... soutient que la société Hallal Meat services a employé quatre salariés au cours de l'exercice 2014 et que le montant des salaires et charges sociales s'est élevé à la somme totale de 68 740 euros, il n'a pas produit les déclarations annuelles de données sociales remplies par la société et n'a pas justifié de la réalité de l'engagement des charges alléguées par la seule production de bordereaux de cotisations de charges salariales afférents aux premier et troisième trimestres de l'année 2014 et de bulletins de paie concernant les seuls mois de janvier et septembre 2014. L'échéancier prévisionnel de cotisations pour l'année 2014, établi le 14 décembre 2013 par le régime social des indépendants, n'est pas davantage de nature à justifier du caractère certain de la dette alléguée par M. A... tant dans son principe que dans son montant.
28. Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bénéfices reconstitués par l'administration au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et réintégrés dans ses revenus imposables en tant que revenus distribués.
29. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la méthode de reconstitution du chiffres d'affaires de la SARL Hallal Meat services retenue par l'administration était entachée d'erreurs. Par suite, c'est à bon droit que le service a rectifié les résultats imposables de cette société et a imposé entre les mains de M. A... les bénéfices distribués correspondants.
En ce qui concerne l'application de la majoration de 1,25 aux contributions sociales :
30. Si M. A... soutient que la majoration des contributions sociales prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts n'est pas applicable, compte tenu de la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel, il résulte de l'instruction que le dégrèvement de cette majoration a été prononcé le 27 février 2018 par l'admission partielle de la réclamation. Le moyen tiré de la méconnaissance de la réserve d'interprétation donnée par cette décision du Conseil constitutionnel doit donc être écarté.
31. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers résultant de revenus distribués par la société Hallal Meat Service et, d'autre part, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement no 1902439, 1910419 du tribunal administratif de Lille du 16 décembre 2021 sont annulés.
Article 2 : Les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. A... a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 et dont le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, sont remises à sa charge à raison de l'intégralité des droits et pénalités, restant en litige, qui lui ont été assignés.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lille relatives aux impositions et pénalités mentionnées à l'article 2 ainsi que l'ensemble de ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. B...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°22DA00701