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29/08/2024 | FRANCE | N°23DA01197

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 29 août 2024, 23DA01197


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler a décision par laquelle le président de la métropole européenne de Lille (MEL) a implicitement rejeté sa demande du 2 mars 2022 tendant à l'abrogation partielle de la délibération du 12 décembre 2019 approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) en tant que ce dernier classe en zone agricole la parcelle cadastrée AL 365 située sur le territoire de la commune de Toufflers.



Par un jugement n° 2204746 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler a décision par laquelle le président de la métropole européenne de Lille (MEL) a implicitement rejeté sa demande du 2 mars 2022 tendant à l'abrogation partielle de la délibération du 12 décembre 2019 approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) en tant que ce dernier classe en zone agricole la parcelle cadastrée AL 365 située sur le territoire de la commune de Toufflers.

Par un jugement n° 2204746 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2023 et un mémoire enregistré le 27 mars 2024, M. B..., représenté par Me Paul-Guillaume Balaÿ et par Me Arnaud Fourquet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du président de la métropole européenne de Lille rejetant sa demande ;

3°) d'enjoindre au président de la métropole européenne de Lille d'inscrire à l'ordre du jour du conseil métropolitain, l'abrogation du plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'il classe en zone A la parcelle cadastrée Section AL n° 365, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la métropole européenne de Lille la somme de 5 000 euros, à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus d'abroger un règlement illégal doit être annulé ;

- le classement des parcelles en zone agricole est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- ce classement est incohérent avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable ;

- il est également incompatible avec le schéma de cohérence territoriale et avec les objectifs généraux du code de l'urbanisme ;

- ce terrain constitue une dent creuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2024, la métropole européenne de Lille, représentée par Me Guillaume Chaineau, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 mai 2024, la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des article R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Roels, représentant M. B..., et de Me Dury, représentant la métropole européenne de Lille.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B... est propriétaire de la parcelle AL 365, située rue de l'église sur le territoire de la commune de Toufflers qui est couvert par le plan local d'urbanisme intercommunal que le conseil de la métropole européenne de Lille a approuvé par une délibération du 12 décembre 2019. Il a demandé par courrier du 1er mars 2022 au président de la métropole d'abroger cette délibération en tant qu'elle a classé cette parcelle en zone agricole. Faute de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Lille. Il relève appel du jugement du 28 avril 2023 qui a rejeté ses conclusions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative (CJA), pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation. Lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.

En ce qui concerne la cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables et la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d' urbanisme( PLU) entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou à un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

4. Le projet d'aménagement et de développement durables vise à optimiser l'utilisation du foncier et à dynamiser la production de logements neufs. Toutefois, ce projet s'est également fixé pour objectifs de limiter l'étalement urbain, de favoriser la préservation des espaces agricoles et de " développer de nouvelles activités agricoles dans la tâche urbaine existante, sur des terrains actuellement artificialisés ou pas ". Il a retenu à ce titre un objectif que 50 % des surfaces soient classées en zones naturelles ou agricoles. Il a entendu également " préserver la cohérence des plaines agricoles en évitant leur morcellement et maintenir les coupures urbaines dans le développement périphérique des communes ", ces espaces non bâtis qui séparent les villes et les villages constituant " une respiration nécessaire pour préserver la plaine agricole ". Dans ces conditions, compte tenu que le terrain de l'appelant est entouré par le cimetière communal, classé en zone agricole, ouvre sur une plaine agricole et n'est pas situé en front à rue dans l'enveloppe bâtie, son classement en zone agricole ne contrarie pas les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...) ". A l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale (SCOT) peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les plans locaux d'urbanisme (PLU) sont soumis à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs. Si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des PLU, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des SCOT, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'un PLU avec un SCOT, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

6. Si le schéma de cohérence territoriale de Lille métropole préconise la construction de 130 000 logements neufs et a pour objectif de limiter l'étalement urbain, il ne résulte pas de ce qui précède que le classement en zone agricole de la parcelle de M. B... d'une superficie de 1 080 m² contrarie la réalisation de cet objectif. De même, si les objectifs généraux fixés par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme prévoit également une optimisation de la consommation foncière, il ne résulte pas non plus de ce qui précède que le règlement du plan local d'urbanisme soit incompatible avec ces objectifs en classant en zone agricole la propriété de M. B....

En ce qui concerne le classement en zone agricole :

7. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme relatif à l'affectation des sols dans les plans locaux d'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". Aux termes de l'article R. 151-18 du même code : " Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ". Aux termes de l'article R. 151 22 de ce code : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ".

8. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

9. Il résulte des dispositions citées au point 7 qu'une zone agricole a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

10. Comme indiqué au point 3, le projet d'aménagement et de développement durables s'est fixé pour objectifs de limiter l'étalement urbain et de favoriser la préservation des espaces agricoles.

11. La propriété de l'appelant est séparée de la rue de l'église qui constitue une voie bâtie quasi continûment des deux côtés, par une parcelle non construite. Elle est vierge de toute construction et n'est pas artificialisée. Elle est bordée au sud et à l'ouest par le cimetière communal lui-même classé en zone agricole. Elle s'inscrit dans un compartiment qui s'ouvre ensuite à l'ouest sur une vaste zone de grandes cultures située sur le flanc est du cœur urbain de la conurbation de Lille, Roubaix et Tourcoing. Si deux parcelles contiguës et situées au nord du terrain de l'appelant ont fait l'objet de permis de construire, ceux-ci ont été délivrés sous l'empire du précédent document d'urbanisme qui classait cette zone en UB. Ces parcelles sont désormais également classées en zone agricole. A la date à laquelle la cour se prononce, les travaux de construction autorisés sous le régime du précédent document d'urbanisme sur deux des parcelles voisines du projet ne constituent pas un changement de circonstances pour l'appréciation de ce classement. Dès lors, les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal n'ont pas commis, compte tenu des orientations du projet d'aménagement et de développement durables, une erreur manifeste d'appréciation, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges et à la date à laquelle la cour statue, aucun changement de circonstances de fait ou de droit n'a rendu ce classement manifestement illégal. La métropole européenne de Lille n'était donc pas tenue d'abroger le plan local d'urbanisme intercommunal en tant qu'il classe en zone agricole la propriété de M. B....

12. Si l'appelant soutient que son terrain est une dent creuse, le glossaire du règlement du plan local d'urbanisme définit celle-ci notamment comme " bordée d'unités foncières bâties en limite séparatives avec elle. ". Or, ainsi qu'il a été dit, le terrain est bordé au sud et à l'ouest par le cimetière et au nord-est par un terrain de superficie équivalente et non bâti.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande d'abrogation de délibération du conseil de la métropole européenne de Lille du 12 décembre 2019, en tant qu'elle a classé sa parcelle en zone agricole. Par suite, ses conclusions à fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. La métropole européenne de Lille n'étant pas la partie perdante à la présente instance, la demande présentée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme réclamée au même titre par la métropole européenne de Lille.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la métropole européenne de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la métropole européenne de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 août 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA01197 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01197
Date de la décision : 29/08/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARLU GUILLAUME CHAINEAU AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-08-29;23da01197 ?
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