Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Sites et Monuments, Mme C... B..., et l'association pour la protection du patrimoine et de l'esthétisme de Vernon et de Vernonnet ont demandé au tribunal administratif de Rouen :
- d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel le maire de Vernon a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) Vernonnet-Fieschi un permis de construire trois bâtiments d'un total de 86 logements, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux ;
- de mettre à la charge de la commune de Vernon une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2204966 du 23 novembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a donné acte du désistement des héritiers de Mme B... (article 1), rejeté l'intervention de l'association pour la protection du patrimoine et de l'esthétisme de Vernon et de Vernonnet (article 2), annulé l'arrêté du 27 juin 2022 en tant qu'il autorise l'implantation de l'aile Ogereau à une distance de l'aile Soret inférieure à la hauteur du bâtiment (article 3), mis à la charge de la commune de Vernon la somme de 1 500 euros à verser à l'association Sites et Monuments en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4), rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 5), rejeté les conclusions présentées par la SCCV Vernonnet-Fieschi sur le fondement des articles L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 6) et rejeté les conclusions présentées par la commune de Vernon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 7).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2024 et des mémoires enregistrés les 7 février, 11 juin et 15 juillet 2024, l'association Sites et Monuments, représentée par Me Guillaume Gourdin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 dans son intégralité, ainsi que la décision du maire de Vernon rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vernon la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance et sa requête d'appel sont recevables ;
- la demande incidente, tardive, de la commune de Vernon d'annuler le jugement est irrecevable ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article UA 1.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Vernon, dès lors que le projet porte atteinte au caractère des lieux avoisinants, au paysage urbain et à la perspective monumentale ;
- l'arrêté attaqué ne prend pas suffisamment en compte les risques d'inondation au regard du plan de prévention des risques inondation (PPRI) en cours d'élaboration ;
- le dossier de permis ne permet pas de vérifier la conformité du réseau d'assainissement aux futures prescriptions du PPRI ;
- il n'est pas justifié du respect des règles prescrites par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ni de celles de l'article UA2.72 du règlement du PLU de Vernon ;
- l'arrêté ne respecte pas le programme d'action foncière conclu entre l'établissement public foncier de Normandie et la commune de Vernon ;
- le dossier de permis ne permet pas de vérifier la prise en compte de la collecte des eaux usées et pluviales au regard des exigences posées par l'article UA du règlement du PLU de Vernon ;
- le dossier de permis ne permet pas de vérifier la conformité de la distance de la construction par rapport à la limite de la parcelle BH 59 ; l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article UA 7.1.2 du règlement du PLU de Vernon relatives à l'implantation des constructions ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article UA 8.1.1 du règlement du PLU de Vernon relatives aux distances des constructions tant en ce qui concerne l'aile Ogereau et l'aile Soret qu'en ce qui concerne l'aile Goche et l'aile Soret, dont les bâtiments ne sont pas contigus ;
- le dossier de permis ne comporte aucun relevé de la hauteur des constructions avoisinantes ; l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article UA 10.1.1 du règlement du PLU de Vernon relatives à la hauteur des constructions ;
- le dossier de permis ne comporte pas suffisamment de documents graphiques permettant de se rendre compte de l'impact visuel du projet ; l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles UA 11.1, UA 11.2.a., UA 11.2.c. et UA 11.31.f. du règlement du PLU de Vernon relatives à l'aspect extérieur des constructions ;
- l'arrêté attaqué est fondé sur un avis de l'architecte des bâtiments de France illégal comme dépourvu de motivation, entaché d'erreur manifeste d'appréciation, de défaut de base légale et de rupture du principe d'égalité.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 avril et 27 juin 2024, la SCCV Vernonnet-Fieschi, représentée par Me Pierre-Xavier Boyer, demande à la cour :
- à titre principal, de rejeter la requête ;
- à titre subsidiaire, de l'inviter à régulariser les vices entachant l'arrêté par un permis de construire modificatif en application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- en tout état de cause, de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mai et 26 juillet 2024, la commune de Vernon, représentée par Me Jérôme Duvignau, demande à la cour :
- de rejeter la requête comme irrecevable ;
- de réformer le jugement en tant qu'il annule partiellement l'arrêté du 27 juin 2022 ;
- de rejeter la requête comme infondée ;
- de mettre à la charge de l'association appelante la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'association Sites et Monuments n'est pas recevable à attaquer l'arrêté du 27 juin 2022 car elle est dépourvue d'intérêt à agir ;
- le moyen d'annulation partielle retenu par le tribunal n'est pas fondé ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Par une lettre du 3 octobre 2024 et en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour a invité les parties à présenter, dans un délai de cinq jours, leurs observations sur l'éventuelle régularisation des vices tirés de :
- la méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme concernant les incidences du projet sur le château des Tourelles et le Vieux Moulin et, d'une manière générale, son insertion dans l'environnement ;
- l'irrégularité de l'avis de l'architecte des bâtiments de France au regard de l'incomplétude du dossier ;
- la méconnaissance de l'article UA 2.72 du règlement du PLU concernant la hauteur des voies d'accès au regard des risques d'inondation ;
- la méconnaissance de l'article UA 8.1.1 du règlement du PLU concernant la distance d'éloignement entre, d'une part, les bâtiments Ogereau et Soret, d'autre part, les bâtiments Soret et Goche ;
- la méconnaissance de l'article UA 10.1.1 du règlement du PLU concernant la hauteur maximale des bâtiments Ogereau et Soret ;
- la méconnaissance des articles UA1.1 et UA11.1 du règlement du PLU concernant la protection du caractère des lieu avoisinants.
L'association Sites et Monuments, représentée par Me Guillaume Gourdin, a présenté le 7 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse.
La SCCV Vernonnet-Fieschi, représentée par Me Pierre-Xavier Boyer, a présenté le 8 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse.
La commune de Vernon, représentée par Me Jérôme Duvignau, a présenté le 8 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- les observations de Me Guillaume Gourdin, représentant l'association Sites et Monuments,
- et les observations de Me Marine Pedro, substituant Me Pierre-Xavier Boyer, représentant la SCCV Vernonnet-Fieschi.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile de construction vente (SCCV) Vernonnet-Fieschi a sollicité le 22 décembre 2021 la délivrance d'un permis de construire trois bâtiments comprenant 86 logements sur les parcelles cadastrées BH 106, BH 107 et BH 90 situées sur le territoire de la commune de Vernon (27200) et classées en zone UA du règlement graphique du plan local d'urbanisme (PLU) de Vernon. Par un arrêté du 27 juin 2022, le maire de Vernon a délivré le permis de construire sollicité et l'a assorti de prescriptions. Par une décision du 14 octobre 2022, il a rejeté le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté par l'association Sites et Monuments, l'association pour la protection du patrimoine et de l'esthétisme de Vernon et de Vernonnet et Mme C... B..., qui ont alors saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande d'annulation de l'arrêté du 27 juin 2022 et de la décision du 14 octobre 2022 rejetant leur recours gracieux. Par un jugement n° 2204966 du 23 novembre 2023, le tribunal a notamment annulé l'arrêté du 27 juin 2022 mais seulement en tant qu'il autorise l'implantation de l'aile Ogereau à une distance de l'aile Soret inférieure à la hauteur du bâtiment. Par la présente requête, l'association Sites et Monuments demande l'annulation, d'une part, du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 27 juin 2022, d'autre part, de l'arrêté, confirmé sur recours gracieux, dans son intégralité. Par la voie de l'appel incident, la commune de Vernon demande à la cour d'annuler le jugement en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du 27 juin 2022.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Vernon à la demande de première instance et à la requête d'appel et tirée de l'absence d'intérêt à agir de l'association Sites et Monuments :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ". Pour apprécier l'intérêt à agir d'une association, seules les modifications de ses statuts déposées en préfecture avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire sont prises en compte par le juge.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 (...) justifie [ ...] d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ".
4. Pour justifier de son intérêt à agir, l'association Sites et Monuments fait valoir que le permis de construire litigieux porte atteinte au patrimoine historique et au cadre de vie à Vernon que son objet statutaire et son agrément national d'association de protection de l'environnement lui donnent vocation à protéger.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté du 3 août 2022 du ministre de l'intérieur et des outre-mer approuvant les modifications apportées au titre et aux statuts de l'association reconnue d'utilité publique dite " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France " (SPPEF), que l'association Sites et Monuments ne constitue pas une personnalité morale distincte de cette association dont elle poursuit l'objet statutaire sous une nouvelle dénomination.
6. Si, conformément aux dispositions de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, l'association Sites et Monuments ne peut pas se prévaloir de ses nouveaux statuts du 15 juillet 2022 enregistrés le 3 août 2022, postérieurement à l'affichage en mairie, le 27 décembre 2021, de la demande de la société pétitionnaire, elle peut se prévaloir des statuts enregistrés sous l'ancienne dénomination de SPPEF au moins un an avant cet affichage. Ces statuts énoncent en leur article 1er que l'objet de l'association est " 1° de défendre les paysages contre les enlaidissements de toute réclame commerciale ou autre, de tout affichage imposé avec un abus manifeste. / 2° d'empêcher que les sites naturels ou urbains qui font la beauté du visage de la France, ne soient dégradés ou détruits par des spéculations des industries, des constructions, des travaux publics, conçus, installés, exécutés sans aucun souci de l'aspect de la région et des intérêts matériels mêmes qui sont attachés à cet aspect. (...) ". Cet objet statutaire, libellé en termes très généraux et couvrant tout le territoire national, ne peut fonder l'intérêt à agir de l'association contre le projet de permis.
7. Cependant, il ressort de l'arrêté du 31 mai 2021 du ministre de la transition écologique portant publication de la liste des associations agréées au titre de la protection de l'environnement dans le cadre national que l'association SPPEF bénéficie d'un agrément au titre de la protection de l'environnement pour cinq ans depuis le 1er janvier 2018, soit antérieurement à la date du permis attaqué, conformément aux dispositions de l'article L. 142-1 du code de l'environnement. Le projet litigieux, qui consiste à construire trois bâtiments d'une hauteur allant jusqu'à 17 mètres et comprenant 86 logements au total, va transformer la configuration et l'affectation d'un terrain d'une superficie de 5 469 m² situé à moins de cent mètres du château des Tourelles et du Vieux Moulin, monument et site emblématiques de Vernon. Par suite, par application de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, l'association Sites et Monuments justifie d'un intérêt à agir contre le projet de construction autorisé par l'arrêté du maire de Vernon du 27 juin 2022. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Vernon doit ainsi être écartée.
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'association Sites et Monuments aux conclusions de la commune de Vernon à fin d'annulation du jugement dans son intégralité :
8. Dans un mémoire enregistré le 17 mai 2024, la commune de Vernon demande à la cour d'annuler le jugement du 23 novembre 2023 du tribunal administratif de Rouen, qui lui a été notifié le même jour, en tant qu'il a prononcé l'annulation partielle de l'arrêté du 27 juin 2022. Ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, doivent être regardées comme un appel incident. L'appel principal de l'association Sites et Monuments tend, pour sa part, à l'annulation de ce même jugement en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation de l'arrêté du 27 juin 2022 dans sa totalité. Les conclusions d'appel incident présentées par la commune de Vernon ne soulèvent pas un litige distinct de celui né de l'appel principal, dès lors que la contestation de celle-ci porte sur des dispositions indivisibles du même permis de construire. En conséquence, la fin de non-recevoir opposée par l'association aux conclusions d'appel incident présentées par la commune de Vernon doit être écartée.
Sur l'office du juge :
9. D'une part, aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le juge administratif décide, sur ce fondement, de limiter à une partie du projet l'annulation de l'autorisation d'urbanisme qu'il prononce, il lui appartient de constater préalablement qu'aucun des autres moyens présentés devant lui susceptibles de fonder une annulation totale de cette autorisation ne peut être accueilli et d'indiquer dans sa décision pour quels motifs ces moyens doivent être écartés.
11. Lorsque le tribunal administratif a prononcé l'annulation partielle d'un acte intervenu en matière d'urbanisme et que le jugement est contesté en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation totale de cet acte, il appartient au juge d'appel de se prononcer sur le bien-fondé des différents motifs retenus par les premiers juges pour prononcer l'annulation partielle de l'acte et d'examiner les autres moyens invoqués au soutien de la demande d'annulation totale.
Sur l'appel principal :
12. Par son appel principal, l'association Sites et Monuments poursuit l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a seulement annulé l'arrêté du 17 juin 2022 en tant qu'il autorise l'implantation de l'aile Ogereau à une distance de l'aile Soret inférieure à la hauteur du bâtiment.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de permis de construire :
13. D'une part, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : /a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 ; / c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1. / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ".
14. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...)/ 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...)/ b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions (...) ou aménagements situés en limite de terrain ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. (...) Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce code : " Le projet architectural comprend également : (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. (...) ".
15. Enfin, aux termes de l'article R. 431-16 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) / f) Lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou un plan de prévention des risques miniers approuvés, ou rendus immédiatement opposables en application de l'article L. 562-2 du code de l'environnement (...) à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception ; (...) ". Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme de s'assurer de la production, par le pétitionnaire, d'un document établi par l'architecte du projet ou par un expert attestant qu'une étude a été menée conformément aux exigences de la règlementation et que ses résultats ont été pris en compte au stade de la conception du projet. Il ne saurait en revanche dans ce cadre porter une appréciation sur le contenu de l'étude et son caractère suffisant au regard des exigences des plans de prévention des risques qui en imposent la réalisation.
16. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
17. Premièrement, l'association soutient qu'aucun élément du dossier ne permet de vérifier que les réseaux d'assainissement et d'eau potable prennent en compte le risque inondation et sont conformes aux prescriptions du futur plan de prévention des risques inondation (PPRI) de la Seine dans l'Eure.
18. D'une part, l'association ne peut utilement se prévaloir des prescriptions du PPRI de la Seine dans l'Eure relatives à l'emprise au sol, à la conception et à l'adaptation des réseaux d'assainissement et de distribution d'eau potable des constructions nouvelles, dans la mesure où, à la date du permis litigieux, ce plan, en cours d'élaboration, était seulement au stade des études préalables. Cependant, en vertu des dispositions de l'article L. 132-2 du code de l'urbanisme, le préfet transmet " à titre d'information " aux communes " l'ensemble des études techniques nécessaires à l'exercice de leur compétence en matière d'urbanisme " dont il dispose. Le maire a ainsi été dûment informé des cartographies des risques déjà réalisées par un porter à connaissance du préfet de l'Eure du 28 avril 2021 qui précise que " dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de construire qui vous sont soumises, les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doivent désormais s'appliquer sur la base de ces nouvelles cartographies ". Cette cartographie et les termes dont le préfet a assorti le porter à connaissance qu'il en a fait sont destinés à orienter de manière significative les autorités compétentes dans l'instruction des autorisations d'urbanisme.
19. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le risque inondation a été pris en compte dans le cadre de l'instruction de la demande de permis puisque la communauté d'agglomération Seine Normandie Agglomération a été consultée. Après avoir constaté que la parcelle était concernée par un risque de remontée de nappe, elle a rendu, le 9 février 2022, un avis favorable assorti de plusieurs prescriptions destinées à tenir compte du risque d'inondation. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que la société pétitionnaire a modifié les plans initiaux du dossier de permis en mai 2022 en supprimant le sous-sol conformément aux prescriptions émises. En outre, le service de la prévention des risques et de l'aménagement du territoire de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de l'Eure a été consulté et a rendu le 1er juin 2022 un avis favorable avec prescription. Par référence aux cartes d'aléa, il relève que le terrain d'assiette est en lit majeur de la Seine, que cette zone est particulièrement exposée au risque d'inondation par remontée de nappe et indique la cote de crue de référence au droit du projet. L'arrêté attaqué impose d'ailleurs au pétitionnaire de respecter les prescriptions des deux services techniques.
20. Deuxièmement, l'association soutient qu'aucun élément du dossier ne permet de vérifier la prise en compte des prescriptions envisagées du futur PPRI en ce qui concerne la gestion des eaux pluviales.
21. Il ressort des pièces du dossier que la notice descriptive et le plan détaillé des réseaux joints au dossier de permis de construire décrivent les modalités de gestion des eaux pluviales. Les services de la communauté d'agglomération, dûment consultés, ont indiqué, d'une part, dans un avis du 3 février 2022, que le pétitionnaire devrait tenir compte des contraintes d'environnement de la parcelle liées au ruissellement des eaux pluviales et des eaux de source, d'autre part, dans un avis du 9 février 2022, que la gestion des eaux pluviales provenant notamment des toitures et des surfaces imperméabilisées devrait être réalisée sur la parcelle sans rejet en domaine public. L'arrêté attaqué impose d'ailleurs au pétitionnaire de respecter les prescriptions de ces services.
22. Troisièmement, l'association soutient que le dossier ne comporte aucun plan permettant de mesurer la distance entre la limite séparative de la parcelle BH 59 et l'aplomb des balcons des façades rue Ogereau afin de vérifier la distance entre la construction et la limite de la parcelle, conformément aux dispositions de l'article UA 7.12 du règlement du PLU.
23. Il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a considéré que la parcelle BH 59 était incorporée à la voirie publique et n'a en conséquence mentionné, sur aucun plan du dossier, la distance entre l'aplomb des balcons des façades rue Ogereau et la limite séparative de cette parcelle. Toutefois, malgré cette absence de mention expresse, il apparaît possible de déterminer cette distance sur le plan de masse, ainsi que cela résulte d'ailleurs de l'extrait annoté par l'association dans ses écritures, et de vérifier, le cas échéant, le respect des prescriptions posées à l'article UA 7.12.
24. Quatrièmement, l'association reproche au dossier de ne pas comporter de relevé de la hauteur des façades des immeubles avoisinants, afin de s'assurer que la règle de hauteur des constructions posée à l'article UA 10.1.1 du règlement du PLU est respectée.
25. Si l'article UA 10.1.1 du règlement du PLU de Vernon dispose que " la hauteur maximale [de la construction projetée] est déterminée par référence à la hauteur des immeubles voisins, ou des hauteurs les plus fréquentes des immeubles (+ ou - 2m) ", il n'impose pas au pétitionnaire de mesurer précisément la hauteur de chacun des immeubles voisins. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a évalué la hauteur de l'immeuble qu'elle a choisi comme référence à douze mètres, sans dissimuler l'existence d'un bâti avoisinant hétérogène et la présence d'immeubles moins hauts, de type R+1+combles.
26. Cinquièmement, l'association soutient qu'aucun document graphique ne permet de se rendre compte de l'impact visuel du projet depuis les rues Maurice Pinard et Léon Goche et par rapport au château des Tourelles pour ce qui concerne le bâtiment donnant sur la rue Frédéric Ogereau.
27. Il ressort du dossier de demande de permis de construire qu'aucune des pièces fournies ne localise avec une précision suffisante le château des Tourelles et le Vieux Moulin, alors que, par son implantation, sa hauteur et son gabarit, le projet entretiendra nécessairement une réelle covisibilité ou intervisibilité avec ces monuments et sites. La production d'une vue aérienne lointaine et d'un extrait du plan cadastral n'est pas suffisante, en l'absence de légende explicative, pour permettre d'apprécier la consistance de ceux-ci et les incidences sur eux du projet, tandis que les plans des façades n'offrent qu'une vue rapprochée du projet depuis la voie publique, sans recul sur l'environnement, même proche. Il est vrai que la notice descriptive relève que le " projet est situé dans le périmètre de protection du château des Tourelles ", mais, d'une part, cette mention laconique ne permet pas à elle seule d'apprécier les incidences du projet en l'absence de vue d'ensemble, d'autre part, la notice ne fait pas état du Vieux Moulin qui bénéficie également d'une protection légale. Dans ces conditions, eu égard, d'une part, aux incidences prévisibles du projet sur le château des Tourelles et le Vieux Moulin, d'autre part, à la qualité de ces monuments et sites, les éléments versés dans la demande pour apprécier l'insertion du projet dans son environnement méconnaissent les prescriptions des c) et d) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. Cette lacune a été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur la conformité du projet au regard des articles UA 1.1 et UA 11.1 du règlement du PLU, qui imposent de respecter le " caractère des lieux avoisinants ".
28. Il résulte de ce qui précède que l'association est fondée à soutenir que la commune de Vernon s'est prononcée sur la demande de permis de construire au vu d'un dossier incomplet en ce qui concerne l'insertion du projet dans son environnement.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'architecte des bâtiments de France :
29. Aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées (...). ". Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. / II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. / (...) / La protection au titre des abords n'est pas applicable aux immeubles ou parties d'immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable classé en application des articles L. 631-1 et L. 631-2. (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 ". Aux termes de l'article L. 632-1 de ce code : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. (...). ".
30. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige est localisé à moins de cent mètres du château des Tourelles et à moins de 65 mètres du Vieux Moulin, situés sur la rive droite de la Seine et classés respectivement au titre des monuments historiques et des sites et monuments naturels. Saisi en application des dispositions précitées des codes de l'urbanisme et du patrimoine, l'architecte des Bâtiments de France (ABF) a donné son accord sur le projet, le 3 janvier 2022, sans l'assortir de prescriptions.
31. Si l'association critique, d'abord, l'absence de motivation de l'avis de l'ABF, il ne ressort pas des dispositions précitées, ni des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, que les décisions favorables, à l'instar de l'accord donné à un projet par l'ABF, doivent être motivées. Si l'association se plaint, ensuite, de l'instruction accélérée de la demande d'avis, reçue le 29 décembre 2021 et traitée le 3 janvier 2022, aucun texte n'impose de délai minimum d'instruction entre l'enregistrement de la demande d'avis et l'avis rendu.
32. Par ailleurs, si l'ABF a émis son avis avant que des compléments et modifications soient apportés au projet par le pétitionnaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments nouveaux produits en mai 2022 au sujet de l'espace de stationnement des véhicules étaient indispensables pour lui permettre de rendre un avis éclairé sur le projet et auraient rendu nécessaire une nouvelle consultation.
33. En outre, la circonstance que l'ABF ait émis des réserves quant à la présence de parements rocheux dans le cadre d'un autre projet, sans en émettre dans le cadre du projet litigieux qui prévoit également de tels parements, n'est pas de nature à créer une rupture d'égalité de traitement, alors que les projets sont différents et que le projet litigieux prévoit le réemploi, sous forme de parements, d'anciennes pierres locales.
34. Cependant, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 27, l'avis de l'ABF est irrégulier pour avoir été rendu au vu d'un dossier de demande de permis de construire incomplet au regard de l'insertion du projet dans le paysage. D'ailleurs, si son avis fait état des " monuments historiques désignés ci-dessus ", il ne les identifie nullement.
35. Par suite, l'association est fondée à soutenir que l'avis de l'ABF est entaché d'irrégularité.
En ce qui concerne le moyen tiré du non-respect du programme d'action foncière conclu entre la commune de Vernon et l'établissement public foncier de Normandie :
36. L'association fait grief à l'arrêté attaqué de ne pas respecter le programme d'action foncière conclu entre la commune de Vernon et l'établissement public foncier (EPF) de Normandie qui prévoyait l'acquisition de deux parcelles d'assiette du projet exploitées précédemment en supermarché en vue de la " recommercialisation du site et projet mixte ".
37. Toutefois, d'une part, elle produit une convention entre la commune et l'EPF non signée, donc inopposable, d'autre part, elle ne fait état d'aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux autorisations d'urbanisme qui aurait été méconnue, à l'instar de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme ou de l'annexe au règlement du PLU de Vernon relative aux emplacements réservés. Elle ne démontre ainsi pas que le contenu du programme d'action foncière était opposable à la demande de permis de construire déposée par la SCCV Vernonnet-Fieschi.
38. Le moyen tiré du non-respect du programme d'action foncière conclu entre la commune de Vernon et l'établissement public foncier de Normandie doit donc être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 12.2 du règlement du PLU de Vernon :
39. Aux termes de l'article UA 12.2 du règlement du PLU de Vernon : " Pour les aires de stationnement de plus de dix emplacements, l'installation d'un séparateur d'hydrocarbures pour l'évacuation des eaux pluviales avant rejet au réseau est exigée ou toute autre disposition permettant de contenir ou de traiter la pollution. ".
40. Toutefois, l'association ne produit aucun élément précis et circonstancié à l'appui de ce moyen, alors qu'en matière de gestion des eaux pluviales, le projet a reçu l'avis favorable des services compétents.
41. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 12.2 du règlement du PLU de Vernon ne peut donc qu'être écarté.
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des articles UA 1.1. et UA 11.1. du règlement du PLU de Vernon :
42. L'association appelante soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles UA 1.1 et UA. 11.1 du règlement du PLU de Vernon, relatifs à la protection du caractère des lieux avoisinants et de l'extérieur des constructions.
43. Aux termes de l'article UA 1.1 du règlement du PLU de Vernon : " Sont interdits : les constructions et établissements qui sont de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants. ". Aux termes de l'article UA 11.1 du règlement du PLU : " Généralités : La situation des constructions, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur ne doivent pas porter atteinte au caractère des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales./ Dès lors qu'une construction existante présente un intérêt architectural au regard notamment des matériaux constructifs employés, de sa composition, de son ordonnancement, tous travaux réalisés doivent mettre en valeur les caractéristiques de la construction ".
44. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.
45. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige est situé à moins de cent mètres d'un monument historique et d'un site naturel emblématiques de Vernon, et qu'il sera visible depuis ces éléments patrimoniaux en dépit de la présence d'arbres de haute tige plantés le long de la rue Ogereau. Il ressort, en outre, des pièces du dossier, qu'hormis le bâtiment actuellement présent sur le terrain d'assiette du projet - qu'il est prévu de démolir et qui ne doit donc pas être pris en compte - et un immeuble collectif de type R + 3 situé en retrait de la rue Léon Goche en arrière du front de Seine, le secteur dans lequel s'insère le projet est composé d'immeubles majoritairement individuels ou de petits immeubles collectifs de type R+1 ou R+2 dont le front bâti ne dépasse pas quelques mètres de hauteur et abrite majoritairement des logements. Les bâtiments projetés présenteraient ainsi un effet de bloc massif au regard des éléments patrimoniaux protégés, avec, notamment, un front bâti de près de soixante mètres de long face à la Seine, sans que les plantations d'arbres ne les dissimulent complètement et de manière permanente, et un front bâti représentant un linéaire de près de 90 mètres du côté de la rue Soret. Dans ces conditions, le projet, dont l'architecture traduit une rupture avec le bâti environnant apprécié dans son ensemble, porte atteinte, en l'état, au caractère des lieux avoisinants.
46. L'association appelante est donc fondée à soutenir que le projet méconnaît les dispositions de l'article UA 1.1 et de l'article UA 11.1 du règlement du PLU de Vernon.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UA 2.72 du règlement du PLU de Vernon :
47. L'association appelante soutient que l'arrêté du 27 juin 2022 n'a pas suffisamment pris en compte le risque inondation identifié par la carte des aléas du PPRI et méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UA 2.72 du règlement du PLU de Vernon.
48. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
49. Aux termes de l'article UA 2.72 du règlement du PLU de Vernon : " Dans les secteurs urbanisés à risque d'inondation, les constructions sont autorisées à condition que la hauteur de submersion, en référence à la crue de 1910, n'excède pas 1 mètre au-dessus du terrain naturel et que le niveau de plancher bas soit réalisé à 0,20 mètre au-dessus de la cote de référence de la crue de Seine de 1910, calculée par extrapolation entre les deux côtes caractéristiques des limites amont et aval de la commune, soit : *limite amont PK 147.150-- + 16,89 A... normalisé ; *limite aval PK 152.200 --+ 16,02 A... normalisé. / Les accès doivent être réalisés au-dessus de cette cote diminuée de 0,20 mètre. / Dans ces secteurs, les projets pouvant être autorisés devront faire l'objet de mesures compensatoires en cas de nuisances à l'écoulement des eaux. ".
50. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment des cartes d'aléa portées par le préfet de l'Eure à la connaissance du maire de Vernon le 28 avril 2021 que le terrain d'assiette n'est pas directement concerné par le risque inondation. Toutefois, il se situe dans l'emprise hydro géomorphologique (HGM) du lit majeur de la Seine qui est une zone sensible aux remontées de nappe d'accompagnement. En outre, il y a lieu de constater, d'une part, qu'à l'est du terrain, de l'autre côté de la rue Soret, l'îlot construit de bâtiments est concerné par un aléa inondation allant, selon les parcelles, du niveau faible au niveau fort, d'autre part, qu'à l'ouest du terrain, de l'autre côté de la rue Maurice Pinard, l'îlot construit de bâtiments est concerné par une problématique de remontée de nappe ponctuelle. Par conséquent, les parcelles d'assiette du terrain, situées au surplus en contrebas de la rue Ogereau parallèle à la Seine, peuvent être regardées comme intégrées à un " secteur urbanisé à risque d'inondation ", assujetties, par conséquent, au respect de l'article UA 2.72 du règlement du PLU de Vernon.
51. D'autre part, il ressort des motifs de l'arrêté attaqué que, comme indiqué au point 19, le maire a pris en considération les cartes d'aléa portées à sa connaissance par le préfet et a notamment relevé que le terrain d'assiette était situé dans le lit majeur de la Seine, que la cote de la crue de référence au droit du projet était de 16,5 mètres A... et que des adaptations aux dispositions constructives étaient rendues nécessaires par la nature du sol et la configuration de la parcelle dans le cadre du respect de la prévention des risques d'inondation, notamment du risque de remontée de nappe. Il ressort des pièces du dossier que le permis a été accordé après la modification en mai 2022 des plans afin de supprimer le sous-sol initialement prévu et sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales émises par le service Eaux pluviales de la communauté d'agglomération Seine Normandie Agglomération et par le service prévention des risques et aménagement du territoire de la DDTM de l'Eure, tenant précisément au risque d'inondation. Ainsi, l'article 3 de l'arrêté rappelle l'interdiction de la construction d'un sous-sol, l'obligation que la hauteur de plancher soit située au moins 20 centimètres au-dessus du terrain naturel, qu'un certain nombre d'installations soit mis hors d'eau, que le choix des matériaux prenne en compte le risque d'inondation, que le stockage de produits polluants soit effectué au minimum 50 cm au-dessus du niveau du terrain naturel et que le dimensionnement de la dalle des parkings soit adapté pour pallier le risque de remontée de nappe. Il n'est ainsi pas établi que l'arrêté méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, même si l'attention de la société pétitionnaire est attirée par les services de l'Etat sur le fait que " pour un débit de la Seine de l'ordre de 15 % supérieur à la crue centennale, prise comme référence dans les études du PPRI, le site serait inondé. Les eaux seraient alors d'autant plus difficiles à évacuer que le terrain est en cuvette ".
52. Cependant, si l'arrêté attaqué comporte des prescriptions pour prévenir la réalisation du risque inondation, la référence contenue dans certaines d'entre elles au terrain naturel ne permet pas de s'assurer du respect des dispositions de l'article UA 2.72 du règlement du PLU qui se réfèrent non pas au terrain naturel mais à la cote de référence de la crue de Seine de 1910. En outre, alors que l'arrêté détermine la cote de la crue de référence au droit du projet à 16,5 mètres A..., mesure à partir de laquelle l'article UA 2.72 du règlement du PLU prescrit que le niveau de plancher bas doit être fixé, à 0,20 mètre au-dessus, et les accès à 0,20 mètres en dessous, il ressort des plans substitutifs déposés par la société pétitionnaire en mai 2022 que si les rez-de-chaussée sont situés selon les bâtiments entre 18,2 m A... et 18,5 m A..., satisfaisant ainsi à la règle relative au niveau minimum de plancher bas, l'accès au parking n'est pas situé à au moins 16,3 m A... mais à 15,5 m A....
53. L'association est ainsi fondée à soutenir que l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article UA 2.72 du règlement du PLU de Vernon.
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des articles UA 11.2.a, UA 11.2.c. et UA 11.31.f. du règlement du PLU de Vernon :
54. Outre la méconnaissance de l'aspect général des constructions régi par l'article UA 11.1 du règlement du PLU, examiné au point 45, l'association appelante invoque la méconnaissance des articles UA 11.2.a, UA 11.2.c. et UA 11.31.f. du règlement du PLU de Vernon.
55. D'une part, si l'association critique la teinte des façades au-delà de neuf mètres de hauteur, les dispositions de l'article UA 11.2.a. qu'elle invoque, concernent les seules constructions situées dans le périmètre de sensibilité architecturale indiqué au plan de zonage, ce qui n'est pas le cas du projet litigieux. D'autre part, si elle soutient que les trames, moulures et petit-bois ne répondent pas aux prescriptions de l'article UA 11.2.c. relatif aux ouvertures, percements, fenêtres et volets - sans d'ailleurs assortir son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé - les dispositions de cet article concernent " le cas d'intervention sur des bâtiments existants ou d'architecture d'accompagnement ", ce qui n'est pas le cas du projet litigieux. Enfin, l'article UA 11.31.f., relatif aux constructions nouvelles concerne les " maisons ou ensembles bâtis présentant un intérêt patrimonial ", décrits dans les annexes 5 et 9 du règlement du PLU, au nombre desquelles les constructions existant sur les parcelles d'assiette du projet ne figurent pas.
56. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des articles UA 11.2.a, UA 11.2.c. et UA 11.31.f. du règlement du PLU de Vernon doivent être écartés comme inopérants.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 10.1.1 du règlement du PLU de Vernon :
57. L'association appelante soutient que la hauteur des constructions est supérieure à celle des immeubles avoisinants et méconnaît les dispositions de l'article UA 10.1.1 du règlement du PLU de Vernon.
58. Aux termes de l'article UA 10.1 du règlement du PLU de Vernon : " En zone UA et UAa : / 10.1.1 Pour faciliter l'intégration des nouvelles constructions dans l'existant et l'homogénéité du bâti, la hauteur maximale est déterminée par référence à la hauteur des immeubles voisins, ou des hauteurs les plus fréquentes des immeubles (+ ou - 2m) : / * de la façade de l'îlot dans lequel s'insère la construction, * ou de la place dans laquelle s'insère la construction, * ou de l'intersection dans laquelle s'insère la construction. / 10.1.2 Toutefois, ne devra pas être choisi comme référence un immeuble isolé, ou un immeuble dont la hauteur apparaît comme exceptionnelle par rapport aux autres immeubles de référence (qui sont les immeubles de la façade de l'ilot, de la place ou de l'intersection). ". Le glossaire annexé au règlement du PLU définit la " hauteur de la construction " comme " égale à la plus grande différence de cote possible entre le sol naturel mesuré au milieu de chaque façade et le faîtage ou le sommet de l'acrotère. Cette hauteur doit respecter sur chacune des façades la hauteur totale autorisée fixée à l'article 10 ".
59. Il résulte des dispositions de l'article UA.10.1.1 du règlement du PLU que, dans le cas où un projet de construction se développe sur plusieurs façades de rue en bâtiments distincts, la hauteur de ceux-ci doit être en adéquation avec la hauteur des bâtiments situés en regard.
60. Il ressort de la notice décrivant le terrain et présentant le projet que " les hauteurs des constructions ont été déterminées par le vis-à-vis sur l'espace public rue Goche avec le collectif de logements en R+3 et toiture terrasse d'une hauteur estimée à plus de 12 m " et que les constructions neuves " sont limitées à 14 m de hauteur par rapport au terrain naturel ".
61. Il ressort des pièces du dossier que le projet s'inscrit dans un îlot bordé de quatre rues qui ne comprendra, après destruction de l'ancien supermarché, qu'une seule construction individuelle, de type R+1+combles, située sur la parcelle contiguë cadastrée BH 50, à l'intersection des rues Goche et Maurice Pinard. En application de l'article UA 10.1.1, cette construction isolée ne peut servir de référence pour déterminer la hauteur des immeubles voisins ou des hauteurs les plus fréquentes des immeubles avoisinants.
62. En l'absence d'immeubles de référence figurant dans l'îlot, la hauteur maximale des constructions du projet doit être déterminée en fonction de la hauteur des immeubles situés dans les places ou aux intersections de la parcelle d'assiette du terrain. S'agissant d'une parcelle qui donne sur quatre rues et d'un projet de construction qui se déploie en trois bâtiments distincts le long de trois rues, un bâtiment situé en regard d'une place ou d'une intersection ne peut servir de référence pour l'ensemble des bâtiments mais seulement pour le bâtiment projeté qui lui fait face. Ainsi, si pour le bâtiment situé rue Goche, la société pétitionnaire pouvait prendre comme référence l'immeuble de type R + 3, situé en face, de l'autre côté de la place du square Pierre Nicolas, dont la hauteur n'apparaît pas exceptionnelle par rapport à celle des bâtiments situés à proximité, cet immeuble ne pouvait servir de référence pour les bâtiments implantés le long des rues Soret et Ogereau. S'agissant du bâtiment situé côté rue Soret, il ressort des pièces du dossier que la hauteur des bâtiments devait être déterminée par rapport à la hauteur moyenne des bâtiments situés de l'autre côté de la rue, qui sont de type R+1 à R+2. S'agissant du bâtiment donnant sur la rue Ogereau, sans vis-à-vis bâtimentaire, cette hauteur devait être déterminée, d'une part, par rapport au bâtiment figurant à l'intersection de la rue Maurice Pinard, constitué d'un immeuble de type R+1+combles, d'autre part, par rapport aux bâtiments figurant de l'autre côté du " rond-point de l'espace " à l'angle de la rue Jules Soret, composés de bâtiments en R+1 et R+1+combles.
63. Il n'est pas sérieusement contesté que la hauteur d'un bâtiment de type R+3 qui dispose d'une toiture terrasse, comme celui qui sert de point de référence à la société pétitionnaire, est d'environ 12 mètres. En revanche, la hauteur des bâtiments de type R+1, R+1+combles et R+2, même dotés d'un toit en pente, ne saurait excéder 10 mètres. Par suite, si la hauteur alléguée de 14 mètres du bâtiment situé du côté de la rue Goche ne contrevient pas à la fourchette admise de plus ou moins 2 mètres par rapport à l'immeuble de type R+3 qui lui sert de référence, cette même hauteur alléguée pour les deux autres bâtiments excède la fourchette autorisée, dès lors que les bâtiments qui leur servent de référence n'excèdent pas 10 mètres de hauteur.
64. L'association appelante est ainsi fondée à soutenir que le projet méconnaît les dispositions de l'article UA 10.1.1 en ce qui concerne les deux bâtiments situés du côté de la rue Ogereau et du côté de la rue Soret.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA7.1.2 du règlement du PLU de Vernon :
65. L'association appelante soutient que la distance de retrait entre le bâtiment situé le long de la rue Ogereau et la parcelle BH 59 qui la jouxte est inférieure aux prévisions de l'article UA 7.1.2 du règlement du PLU de Vernon.
66. Aux termes de l'article UA 7.1. du règlement du PLU de Vernon, s'agissant de l'édification des constructions nouvelles vis-à-vis des limites séparatives de fond de parcelle : " 7.1.2. En cas d'implantation en retrait, la distance comptée horizontalement (L) de tout point de la façade au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la hauteur (H) de la façade par rapport au terrain fini, sans pouvoir être inférieure à 3 mètres. (L=H/2 avec L= 3mètres). ". Le glossaire annexé au règlement du PLU définit la limite séparative comme la " limite autre que celles qui séparent une unité foncière d'une voie (alignement) et séparant une unité foncière de sa voisine. / Une parcelle comporte plusieurs limites séparatives dont généralement au minimum deux limites latérales aboutissant à une voie de desserte (publique ou privée) et une limite de fond de parcelle, dont aucune extrémité n'aboutit à une voie. ". Pour l'application de ces dispositions, les limites séparatives, qu'il s'agisse de limites latérales ou de limites de fond de terrain, s'entendent de chacune des limites entre la propriété constituant le terrain d'assiette de la construction et l'une des propriétés qui la jouxtent, quelles que soient les caractéristiques de ces propriétés, dès lors qu'il ne s'agit pas de voies ou d'emprises publiques. La règle d'implantation applicable, qui diffère en l'espèce selon que la limite séparative prise en compte est une limite latérale ou une limite de fond de terrain, doit ainsi être déterminée au regard de chaque limite séparative avec une propriété voisine et non au regard de la limite, même constituée d'une droite, séparant la parcelle du projet des propriétés qui la jouxtent prises dans leur ensemble.
67. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. ". Aux termes de l'article L. 2111-2 de ce code : " Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable. ". Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la voirie routière : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens du domaine public de l'Etat, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées. (...) ".
68. Il ressort des plans du dossier de permis de construire que le bâtiment situé du côté de la rue Ogereau est situé en retrait de la parcelle BH 59 qui la jouxte. Il ressort également des pièces du dossier que la parcelle BH 59 est constituée d'un talus herbeux, planté d'arbres et/ou d'arbustes et bordé partiellement d'une rambarde anti franchissement pour les voitures. Cette parcelle, qui appartient à l'Etat (direction départementale de l'équipement d'Evreux), jouxte la rue Frédéric Ogereau, anciennement route nationale devenue route départementale n° 181. Nécessaire au soutien de cette voie publique, à la protection de ses usagers et des biens et personnes situés en contrebas, elle constitue ainsi une dépendance de la route appartenant au domaine public. Dans ces conditions, la limite entre l'unité foncière et la parcelle BH 59 ne saurait s'analyser comme une limite séparative de fond de parcelle, dans la mesure où elle sépare l'unité foncière de l'emprise publique incorporée à la route.
69. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 7.1. du règlement du PLU de Vernon, qui concerne l'édification des constructions nouvelles vis-à-vis des limites séparatives de fond de parcelle est inopérant.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA8.1.1 du règlement du PLU de Vernon :
70. L'association appelante soutient que les distances entre les bâtiments ne respectent pas les règles posées à l'article UA.8.1.1 du règlement du PLU de Vernon.
71. Aux termes de l'article UA 8.1.1 du règlement du PLU de Vernon : " Les bâtiments non contigus situés sur la même unité foncière, doivent être implantés à une distance " L " comptée horizontalement en tout point de la construction et définie comme suit : /' Égale à la hauteur à l'égout de la façade la plus haute par rapport au sol après travaux avec un minimum de 6 mètres en cas de vue directe sur l'une des façades. (L=H avec L = 6 mètres). / ' Égale à la moitié de la hauteur à l'égout de la façade la plus haute par rapport au sol après travaux avec un minimum de 2,5 mètres en cas de murs aveugles ou d'absence de vue directe sur les deux façades. (L=H/2 avec L = 2,5 mètres). ". Le glossaire annexé au règlement du PLU définit les " murs aveugles ", par référence aux articles 677 et 678 du code civil, comme des " murs ne comportant aucune ouverture, ni baie, ni jour. / Sont assimilés aux murs aveugles : - des façades percées de baies dont la hauteur de l'allège se situe au moins à 1,90 m au-dessus du plancher fini, et au moins à 2,60 m si c'est un rez-de-chaussée, - des façades comportant au rez-de-chaussée des portes d'accès opaques donnant sur des dégagements ou comportant des issues ou des escaliers de secours, - les murs comportant des ouvertures traitées en châssis fixes avec parois translucides, des jours de souffrance. / Dans le cas des façades dont une seule partie correspondrait à la définition des murs aveugles, on considère que la partie non aveugle possédant une baie se prolonge sur une longueur de façade de 2,50 m à compter de la dernière baie. Au-delà, on applique le prospect correspondant aux murs aveugles. ".
72. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que les bâtiments donnant rue Ogereau et rue Soret ne comportent aucune liaison, le bâtiment donnant sur la rue Soret et celui donnant sur la rue Goche sont reliés par une passerelle située au deuxième étage. Cependant, hormis cette passerelle qui relie fonctionnellement ces deux bâtiments, ils ont été conçus comme distincts, sont physiquement séparés de quelques mètres et disposent chacun d'un accès autonome. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme contigus et sont soumis, au même titre que les bâtiments donnant rue Ogereau et rue Soret, aux règles de distance d'implantation posées par l'article UA.8.1.1 du règlement du PLU de Vernon.
73. S'agissant de la distance entre les bâtiments donnant sur les rues Ogereau et Soret, il ressort des pièces du dossier et notamment des plans joints au dossier de permis de construire que les bâtiments présentent des vues directes réciproques sur leurs façades internes. La hauteur à l'égout de la façade la plus haute, qui correspond à la façade interne du bâtiment donnant sur la rue Soret, mesurée par rapport au sol après travaux, est de 17 mètres. Or, il ne ressort pas des plans fournis qu'une distance de 17 mètres ait été respectée entre les deux bâtiments.
74. S'agissant de la distance entre les bâtiments donnant sur les rues Soret et Goche, il ressort des pièces du dossier et notamment des plans joints au dossier de permis de construire que ces bâtiments présentent des vues directes réciproques sur leurs façades internes et, s'agissant du bâtiment Goche, une vue directe sur le pignon nord-est du bâtiment donnant sur l'aile Soret. La hauteur à l'égout de la façade la plus haute, qui correspond à la façade interne du bâtiment donnant sur la rue Soret, mesurée par rapport au sol après travaux, est de 17 mètres. Or, il ne ressort pas des plans fournis qu'une distance de 17 mètres ait été respectée entre les deux bâtiments.
75. Par suite, l'association est fondée à soutenir qu'en prévoyant une distance inférieure à 17 mètres entre, d'une part, les bâtiments donnant sur les rues Soret et Ogereau, d'autre part, les bâtiments donnant sur les rues Soret et Goche, le projet méconnaît les dispositions de l'article 8.1.1. du règlement du PLU de Vernon.
Sur l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
76. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
77. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme si les conditions posées par cet article sont réunies ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Lorsqu'il décide de recourir à l'article L. 600-5-1, il lui appartient, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, de constater préalablement qu'aucun des autres moyens n'est fondé et n'est susceptible d'être régularisé et d'indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés.
78. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Le juge ne peut pas fonder son appréciation sur le seul projet existant, sans tenir compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci et d'en revoir, le cas échéant, l'économie générale sans en changer la nature.
79. En l'état de l'instruction, les vices tirés de la méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme concernant les incidences du projet sur le château des Tourelles et le Vieux Moulin et, d'une manière générale, son insertion dans l'environnement (points 27 et 28 de l'arrêt), de l'irrégularité de l'avis de l'architecte des bâtiments de France au regard de l'incomplétude du dossier (points 34 et 35), de la méconnaissance des articles UA 1.1 et UA 11.1 du règlement du PLU concernant la protection du caractère des lieu avoisinants (points 45 et 46), de la méconnaissance de l'article UA 2.72 du règlement du PLU concernant la hauteur des voies d'accès au regard des risques d'inondation (points 52 et 53), de la méconnaissance de l'article UA 10.1.1 du règlement du PLU concernant la hauteur maximale des bâtiments Ogereau et Soret (points 62 à 64), de la méconnaissance de l'article UA8.1.1 du règlement du PLU concernant la distance d'éloignement entre, d'une part, les bâtiments Ogereau et Soret, d'autre part, les bâtiments Soret et Goche (points 73 à 75) apparaissent susceptibles de régularisation par la délivrance d'un arrêté portant permis de construire modificatif, délivré après le dépôt de documents complémentaires sur l'insertion du projet de l'environnement et après un nouvel avis de l'ABF rendu au vu d'un dossier de demande complet. A l'initiative de la cour, les parties ont présenté leurs observations sur ces points.
80. En premier lieu, l'association Sites et Monuments fait valoir plusieurs éléments qui s'opposent, selon elle, à la régularisation du permis.
81. D'une part, elle soutient que la régularisation de plusieurs vices entraînera une modification des surfaces d'activités et du nombre de places de stationnement. Toutefois, ces modifications, à les supposer nécessaires, ne sont pas susceptibles de modifier la nature du projet.
D'autre part, si elle soutient que le projet revu à la baisse ne permettra pas de satisfaire les besoins de logements à Vernon, elle ne produit, en tout état de cause, aucun élément précis à l'appui de ses allégations et ne se prévaut d'aucune disposition du PLU qui serait méconnue, à l'instar d'une orientation d'aménagement et de programmation. Au demeurant, alors que la parcelle d'assiette du terrain comporte un supermarché désaffecté et des places de stationnement, le projet, même réduit, contribuera à l'offre de logements à Vernon. En outre, si l'association fait valoir que la société d'économie mixte départementale Eure Aménagement, qui a conclu une " convention " avec la commune de Vernon pour la réalisation du projet litigieux, pourrait s'opposer à un bouleversement de son économie générale, cette circonstance, à la supposer avérée, est sans incidence sur le projet litigieux dès lors que celui-ci respecte les règles d'urbanisme qui lui sont applicables et que la régularisation des vices ne change pas la nature même du projet. Enfin, l'association soutient que la société civile immobilière qui possède une des trois parcelles d'assiette du projet, la parcelle BH 106, a délivré une promesse de vente sous condition d'obtention d'un permis de construire et de purge des recours dans un délai expiré depuis avril 2023. Cependant, elle ne démontre pas que la SCCV Vernonnet-Fieschi aurait perdu la maîtrise foncière de cette parcelle. Toutefois, en application des articles R. 423-1 et R. 431-5 du code de l'urbanisme, il appartiendra à la société d'attester de sa maîtrise foncière complète du terrain d'assiette par des éléments actualisés lors du dépôt de sa demande de permis de construire modificatif.
82. En second lieu, la commune de Vernon fait valoir qu'un permis de construire modificatif a déjà été sollicité et qu'il est susceptible de recevoir un avis défavorable " bloquant " de l'ABF. Toutefois, elle ne fournit aucune indication sur la portée de la demande de permis modificatif et n'établit pas que l'ABF aurait émis à ce stade un désaccord de nature à faire obstacle à la régularisation envisagée.
83. Par suite, en dépit du nombre et de la nature des vices concernés, la régularisation envisagée n'implique pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même et ne paraît pas, en l'état du dossier, se heurter à des obstacles qui la rendraient impossible. Il y a donc lieu, en l'espèce, d'impartir à SCCV Vernonnet-Fieschi un délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt, aux fins d'obtenir la régularisation de l'arrêté du 27 juin 2022, confirmé sur recours gracieux.
Sur l'appel incident :
84. Compte tenu de ce qui a dit précédemment, la réponse aux conclusions de la SCCV Vernonnet-Fieschi tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du 27 juin 2022 doit être réservée.
Sur les frais liés au litige :
85. Les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'association Sites et Monuments, la commune de Vernon et la SCCV Vernonnet-Fieschi dans le cadre de la première instance et de la requête d'appel sont réservées jusqu'à la fin de la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel le maire de Vernon a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) Vernonnet-Fieschi un permis de construire trois bâtiments d'un total de 86 logements, ainsi que sur la légalité de la décision de rejet du recours gracieux de l'association Sites et Monuments, jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt, dans lequel la régularisation de ce permis doit être notifiée à la cour par la commune de Vernon et la SCCV Vernonnet-Fieschi.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance d'appel.
Article 3 : Le présent arrêté sera notifié à l'association Sites et Monuments, à la commune de Vernon et à la SCCV Vernonnet-Fieschi.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°24DA00127 2