Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 30 janvier 2020 par laquelle le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de Lille a prononcé la suspension de ses conditions matérielles d'accueil ainsi que la décision implicite par laquelle le directeur territorial a rejeté son recours gracieux formé contre cette décision.
Par un jugement n° 2003558 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2024, Mme C... représentée par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 30 janvier 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à l'OFII de procéder rétroactivement au rétablissement de ses conditions matérielles d'accueil, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision attaquée méconnaît les articles L. 744-7 et D. 744-39 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas été informée, lorsqu'elle a accepté les conditions matérielles d'accueil, de la possibilité qu'elles lui soient retirées ;
- c'est à tort qu'elle a été déclarée en fuite dès lors qu'elle apporte la preuve que son état de santé ne lui permettait pas de se présenter à la préfecture ;
- la décision contestée méconnaît le paragraphe 5 de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle au regard de son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2024, l'OFII, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juillet 2024.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Mme A... C..., ressortissante guinéenne, née le 10 août 1989, a déposé une demande d'asile enregistrée le 26 février 2019 au guichet unique de la préfecture du Nord. Elle a accepté l'offre de prise en charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le même jour et a bénéficié des conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile. Par un arrêté du 3 mai 2019, le préfet du Nord a décidé de remettre Mme C... aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile à la suite de leur accord de prise en charge du 15 mars 2019. Le 13 décembre 2019, Mme C... ne s'est pas rendue à la convocation de la préfecture du Nord et ne s'est pas présentée au vol à destination de l'Espagne le 19 décembre 2019. Le 24 décembre suivant, le préfet du Nord a considéré que Mme C... était en fuite au sens de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et a, en conséquence, avisé les autorités espagnoles que le délai de transfert était porté à dix-huit mois. En conséquence, le directeur territorial de l'OFII de Lille a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil par décision du 30 janvier 2020. Mme C... relève appel du jugement du 10 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux.
Sur le cadre juridique applicable :
2. Aux termes de l'article L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévues à l'article L. 744-1 est subordonné : 1° A l'acceptation par le demandeur de la proposition d'hébergement ou, le cas échéant, de la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 744-2. Ces propositions tiennent compte des besoins, de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur au regard de l'évaluation prévue à l'article L. 744-6, des capacités d'hébergement disponibles et de la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région ; 2° Au respect des exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes. / Le demandeur est préalablement informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, que le fait de refuser ou de quitter le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation mentionnés au 1° du présent article ainsi que le non-respect des exigences des autorités chargées de l'asile prévues au 2° entraîne de plein droit le refus ou, le cas échéant, le retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil. / (...) ".
3. Par sa décision n° 428530, 428564 du 31 juillet 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que les dispositions des articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui créaient, dans leur rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d'accueil sans appréciation des circonstances particulières et excluaient, en cas de retrait, toute possibilité de rétablissement de ces conditions, étaient incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Il a, par suite, annulé les dispositions réglementaires prises pour leur application. Toutefois, le Conseil d'Etat a, par la même décision, précisé les conditions dans lesquelles les autorités compétentes pouvaient, dans l'attente de la modification des articles L. 744-7 et L. 744-8 par le législateur, limiter ou supprimer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil aux demandeurs d'asile qui quittent leur lieu d'hébergement ou la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 744-2 du même code ou qui ne respectent pas les exigences des autorités chargées de l'asile. Ainsi, il reste possible à l'OFII de refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, après examen de sa situation particulière et par une décision motivée, au demandeur qui a refusé le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation. Il lui est également possible, dans les mêmes conditions et après avoir mis, sauf impossibilité, l'intéressé en mesure de présenter ses observations, de suspendre le bénéfice de ces conditions lorsque le demandeur a quitté le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation ou n'a pas respecté les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment de se rendre aux entretiens, de se présenter aux autorités et de fournir les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes.
Sur la légalité externe :
4. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le demandeur est préalablement informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, (...) que le non-respect des exigences des autorités chargées de l'asile prévues au 2° entraîne de plein droit le refus ou, le cas échéant, le retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ".
5. Mme C..., qui a déposé une demande d'asile le 26 février 2019, a accepté l'offre de prise en charge au titre du dispositif national d'accueil qui lui a été soumise le même jour après avoir certifié, ainsi qu'il ressort du formulaire versé au dossier, été informée, dans une langue qu'elle comprenait, des conditions et modalités de suspension, de retrait et de refus des conditions matérielles d'accueil. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été informée des conséquences de l'acceptation des conditions matérielles d'accueil et de la possibilité que ces conditions soient suspendues.
En ce qui concerne la légalité interne :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévues à l'article L. 744-1 est subordonné : (...) 2° Au respect des exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes. (...) ".
7. Pour prononcer la suspension des conditions matérielles d'accueil dont bénéficiait Mme C..., le directeur territorial de l'OFII a retenu que l'intéressée n'avait pas respecté les exigences des autorités chargées de l'asile en ne se présentant pas à la convocation des services de la préfecture du Nord le 13 décembre 2019. Si Mme C... fait valoir que son état de santé l'a empêchée de se rendre à cette convocation du 13 décembre 2019, elle se borne à produire au soutien de cette allégation un certificat médical, établi le même jour, indiquant que son état de santé nécessitait de " rester à domicile pendant trois jours ". La seule production de ce certificat, non circonstancié et dépourvu de toute autre précision, alors en outre que Mme C... s'est abstenue de prévenir les autorités chargées de l'asile de l'impossibilité qu'elle allègue de se présenter à la convocation du 13 décembre 2019 et n'a pas repris contact avec elles ultérieurement, ne permet pas de justifier de l'absence de présentation de l'intéressée à la convocation fixée par les services de la préfecture. Par suite, c'est à bon droit que le directeur territorial de l'OFII de Lille a, pour ce motif, prononcé la suspension des conditions matérielles d'accueil de Mme C....
8. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 5 de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les Etats membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs ".
9. Mme C... ne soutient pas que l'Etat n'aurait pas pris, dans les délais impartis par ce texte, les mesures nécessaires à la transposition du paragraphe 5 de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par suite, alors qu'elle ne fait pas état de l'incompatibilité à ces dispositions de celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont l'OFII a fait application, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir, en tout état de cause, à l'appui de son recours dirigé contre la décision attaquée, qui est dépourvue de caractère réglementaire, des dispositions de cette directive.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur territorial de l'OFII n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme C... avant de prendre la décision attaquée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Sophie Danset-Vergoten.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. B...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth HELENIAK
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N°24DA00031