Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 18 juillet 2024 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant un an.
Par un jugement n° 2402867 du 25 juillet 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de supprimer le signalement de M. A... dans le système d'information Schengen et de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour et a condamné l'Etat à verser à Me Sileymane Sow, s'il renonce à percevoir l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2024, le préfet du Finistère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif ;
3°) de prononcer le remboursement des frais versés en première instance au titre de l'année L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que son arrêté n'a pas violé l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée à M. A... et à Me Sow qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal :
En ce qui concerne l'entrée et le maintien irréguliers en France :
1. M. A... ne peut justifier être entré régulièrement en France et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité.
2. Il résulte des articles L. 411-1, L. 435-3, L. 611-1, L. 611-3 et R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger entré mineur en France doit demander un titre de séjour dans les deux mois suivant sa majorité. Il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 que s'il s'est abstenu de solliciter un titre pendant cette période.
3. M. A... a exposé en première instance qu'il est né en juin 2006, qu'il est entré en France en 2022, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre 16 et 18 ans, qu'il était donc éligible au titre de séjour de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le délai de deux mois après la majorité imparti pour demander un titre de séjour n'était pas expiré à la date de l'arrêté.
4. Toutefois, M. A... est dépourvu de tout document d'état civil ou d'identité. Il s'est présenté, lors de ses interpellations par la police, sous six identités différentes. Les rapports de la protection judiciaire de la jeunesse n'ont pas évoqué un placement à l'aide sociale à l'enfance. Il ne peut donc pas être regardé comme ayant justifié de sa minorité lors de son entrée en France.
5. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préfet n'a pas fait une inexacte application du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant seulement sur le 5° de cet article L. 611-1.
En ce qui concerne la menace pour l'ordre public :
7. M. A... a été interpellé pour recel de vol le 4 décembre 2022, rébellion et violence aggravée le 6 mai 2023, détention de stupéfiants le 1er août 2023, tentative de vol par effraction le 18 août 2023, vol en réunion le 26 août 2023, transport, détention et acquisition de stupéfiants le 21 septembre 2023, détention et acquisition de stupéfiants le 23 décembre 2023 et acquisition de stupéfiants le 25 janvier 2024. Lors des interpellations, il a communiqué des renseignements erronés sur son identité.
8. M. A... a été interpellé le 18 juillet 2024 et convoqué devant le tribunal correctionnel pour des violences sur concubin commises dans un hôpital. La vidéo-surveillance a révélé qu'il avait porté " au moins deux coups de poing " à sa compagne " avant d'être repoussé par un individu qui intervient pour faire cesser les violences " puis qu'il avait " tenté de s'en prendre " à ce tiers " étant retenu par le personnel des urgences arrivé entre temps ".
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'a pas modifié son comportement après sa prise en charge par les services de la protection judiciaire de la jeunesse en octobre 2023.
10. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préfet n'a pas fait une inexacte application du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les autres moyens invoqués par M. A... :
11. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal et la cour.
En ce qui concerne la légalité externe :
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a pu présenter des observations circonstanciées sur sa situation lors de son audition, avec un interprète, avant l'arrêté. A la fin de cette audition, il a déclaré ne pas avoir d'autres éléments à communiquer au préfet.
13. En tout état de cause, il n'est pas démontré que l'intéressé ait été effectivement privé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
14. Le droit d'être entendu, principe repris par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, n'a ainsi pas été violé.
15. L'auteure de l'arrêté, cheffe du service de l'immigration et de l'intégration, bénéficiait d'une délégation de signature sur le fondement de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 et d'un arrêté du 22 mars 2024 signé par le préfet et publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour.
16. Conformément aux articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 613-1 et L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté a énoncé dans ses visas, ses considérants ou son dispositif les motifs de droit et de fait qui ont fondé ses différentes décisions.
En ce qui concerne la légalité interne :
17. Il ressort de la motivation de l'arrêté que le préfet a procédé à un examen sérieux des éléments relatifs à la situation de l'intéressé alors portés à sa connaissance.
18. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas démontré que M. A... relevait de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la violation de cette disposition est donc inopérant.
19. M. A... a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie où réside sa mère. Il a dû avoir recours à un interprète en langue arabe lors de son audition. Il n'a justifié ni de la date ni de la régularité de son entrée en France. Il n'a jamais cherché à régulariser sa situation. Sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. S'il a déclaré avoir une compagne à Brest depuis juillet 2023, il est logé par une association à Bobigny. Il a déclaré son intention de ne pas se conformer à une mesure d'éloignement.
20. Dans ces conditions, même si M. A... a suivi une formation à la coiffure pendant sept semaines et alors que l'interdiction de retour en France a été limitée à un an, l'arrêté n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, n'a pas violé les articles L. 612-2, L. 612-3, L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal a annulé son arrêté.
Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :
22. La présente décision n'implique aucune mesure d'exécution.
Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
23. La demande présentée par M. A... et son conseil, partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.
24. Il n'appartient pas au juge d'enjoindre à M. A... et à son conseil de rembourser à l'Etat la somme qu'il a versée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application du jugement attaqué.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 25 juillet 2024 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A... à fin d'annulation, à fin d'injonction et au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet du Finistère est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Finistère, au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Sileymane Sow.
Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Marc Heinis, président de chambre,
M. François-Xavier Pin, président assesseur,
M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : M. Heinis L'assesseur le plus ancien,
Signé : F-X. Pin
La greffière,
Signé : Elisabeth Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24DA01614