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19/12/2024 | FRANCE | N°24DA00390

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 19 décembre 2024, 24DA00390


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 9 décembre 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai de trois ans et d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation p

rovisoire de séjour sans délai suivant la notification de la décision à intervenir sous ast...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 9 décembre 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai de trois ans et d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sans délai suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard et de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 2310895 du 18 décembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 décembre 2023 et enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 février 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Rannou, avocat, demande à la cour d'annuler le jugement n° 2310895 du 18 décembre 2023, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 décembre 2023 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A....

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- M. A... a déclaré, au cours de l'audition précédant l'édiction de l'arrêté du 9 décembre 2022, ne pas avoir demandé l'asile en France ou dans un autre pays européen, de sorte qu'il a frauduleusement caché à l'administration l'existence d'une telle demande ;

- les autres moyens présentés par M. A... devant le tribunal ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vérisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 30 mars 1989 à Tipaza (Algérie), est entré irrégulièrement en France en 2019 selon ses déclarations. A la suite d'un contrôle d'identité réalisé à Lille le 8 décembre 2023, M. A... a été placé en rétention. Par arrêté du 9 décembre 2023, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai de trois ans. Par le jugement attaqué du 18 décembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 décembre 2023 et enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 572-1 du même code : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. (...) ". Le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Néanmoins, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile, dont la situation n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 572-1 du même code en vertu desquelles la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un contrôle d'identité réalisé à Lille le 8 décembre 2023, M. A... a été placé en rétention, l'intéressé ne justifiant pas être en situation régulière. Il résulte des termes du procès-verbal de son audition que M. A... s'est alors borné à faire état de ses motivations justifiant son départ d'Algérie, de son parcours migratoire et de sa situation irrégulière. S'agissant de sa situation au titre de l'asile, M. A... a expressément indiqué qu'il n'avait pas déposé de demande d'asile dans l'un des pays membres de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen, conduisant ainsi le préfet à ne pas consulter le fichier Eurodac.

4. Cependant et alors même qu'il n'avait pas indiqué être demandeur d'asile dans un autre Etat de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen à la date de l'arrêté attaqué, il est apparu, comme l'a relevé le juge de première instance, que M. A... avait été identifié en Allemagne le 14 octobre 2021 et aux Pays-Bas le 5 juin 2022, le 28 février 2023 et le 31 octobre 2023, en tant que demandeur d'asile. Aussi, il n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 572-1 du même code en vertu desquelles la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert. Par suite, la décision du 9 décembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit.

5. Dans ces conditions, le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 décembre 2023. Il résulte de ce qui précède que la requête présentée pour le préfet du Nord doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A....

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Borot, présidente de chambre,

- Mme Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vérisson, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. VérissonLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N° 24DA00390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00390
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Damien Vérisson
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;24da00390 ?
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