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06/03/2025 | FRANCE | N°23DA01567

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 06 mars 2025, 23DA01567


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.



Par un jugement n°2102531 du 15 juin 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée

le 2 août 2023, et un mémoire, enregistré le 17 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Olivier Briche, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014.

Par un jugement n°2102531 du 15 juin 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2023, et un mémoire, enregistré le 17 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Olivier Briche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de cotisations sociales en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'opération d'apports qu'il a réalisée le 29 juillet 2014 et par laquelle il a apporté les parts de six sociétés au capital de la société Holding C... qu'il contrôle, constitue une seule opération de sorte que l'appréciation de la valeur de la soulte par rapport à la valeur nominale des titres reçus, pour l'application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts doit être faite de manière globale ;

- cette interprétation de l'article 150-0 B ter du code général des impôts s'impose dès lors que cet article exige seulement que le montant de la soulte soit inférieur à 10 % de la valeur nominale des titres reçus, qu'il n'a procédé à une répartition de la soulte entre les différents apports qui ont généré une plus-value que pour les besoins de la déclaration au fisc et qu'en cas de cessions partielles des titres reçus, leur fongibilité fait obstacle à ce qu'une différenciation puisse être opérée en fonction de l'origine des titres cédés ;

- les énonciations des paragraphes n° 150 et n° 160 de la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-10, du paragraphe n° 270 de la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10 et de la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20, dans sa version publiée le 31 octobre 2012, confortent cette analyse ;

- une appréciation individualisée de la soulte par apport serait contraire au principe d'égalité constitutionnellement garanti dès lors qu'elle présente le risque de traiter différemment deux contribuables qui opèrent une même opération d'apports multiples mais qui répartissent différemment la soulte.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 octobre 2023 et 3 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Le 29 juillet 2014, M. C... a apporté à la SAS Holding C..., qu'il a créée, 98 parts de la SCI C..., 98 parts de la SCI Flav, 98 parts de la SCI PHD, 30 parts de la SARL FPP industries, 4 996 parts de la SARL FPP et 98 actions de la SAS Phil animations. En contrepartie de ces apports, il a reçu un total de 149 732 actions de la SAS Holding C... d'une valeur nominale de 10 euros chacune et a perçu trois soultes de 18 000 euros, 40 000 euros et 90 000 euros pour les apports provenant respectivement de la SCI C..., de la SCI Flav et de la SARL FPP. M. C... a estimé pouvoir placer les plus-values réalisées à l'occasion de ces apports sous le régime du report d'imposition prévu par l'article 150-0 B ter du code général des impôts.

2. A l'issue d'un examen fiscal de sa situation personnelle, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice du report d'imposition de la plus-value générée par cette restructuration au motif que les conditions d'application de ce régime n'étaient pas remplies s'agissant des apports de parts de la SCI C... et de la SCI Flav, le montant de la soulte étant supérieur à 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de ces deux apports. En conséquence, le service a soumis les sommes en cause à l'impôt sur le revenu entre les mains de M. C... ainsi qu'à la contribution sur les hauts revenus et aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2014.

3. M. C... a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de cotisations sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014. Il relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 150-0 B ter du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I. - L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. Le contribuable mentionne le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. / Les apports avec soulte demeurent soumis à l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus. (...) ".

5. En application de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value qu'une personne physique retire d'un apport de titres ou droits est soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de sa réalisation. Toutefois, le contribuable bénéficie, en vertu des dispositions précitées de l'article 150-0 B ter du même code, d'un report d'imposition si l'apport est effectué à une société qu'il contrôle et que le montant de la soulte perçue, le cas échéant, n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus à l'échange. Le champ de ce régime de faveur est réservé aux seules opérations qui donnent lieu au versement d'une soulte d'un montant inférieur ou égal à 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange de l'apport.

6. Pour remettre partiellement en cause le bénéfice du report d'imposition sous le régime duquel s'était placé M. C... à l'occasion des apports de titres réalisés le 29 juillet 2014 au profit de la SAS Holding C..., l'administration a relevé que les apports de titres des sociétés SCI C... et SCI Flav avaient été assortis d'une soulte supérieure à 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange.

7. M. C... soutient que le service ne pouvait pas prendre en compte individuellement chaque apport dès lors qu'ils avaient été réalisés lors d'une même opération et qu'envisagés ensemble, les apports avaient donné lieu au versement d'une soulte globale de 148 000 euros qui demeurait inférieure à 10 % de la valeur nominale de l'ensemble des titres reçus, laquelle s'établissait à la somme de 1 497 320 euros.

8. Toutefois, d'une part, il résulte de l'acte d'apports du 29 juillet 2014 que les apports de titres des sociétés PHD, FPP Industries et Phil animations réalisés par M. C... au profit de la SAS Holding C..., dont le montant correspondait au montant des titres reçus en contrepartie, n'ont été assortis d'aucune soulte, que l'apport de 98 parts de la SCI C... pour un montant de 194 430 euros a été opéré en échange de 17 643 actions d'une valeur de 10 euros de la SAS Holding C... et d'une soulte de 18 000 euros, que l'apport de 98 parts de la SCI Flav pour un montant de 434 730 euros l'a été en échange de 39 473 actions d'une valeur de 10 euros de la SAS Holding C... et d'une soulte de 40 000 euros et que l'apport de 4 996 parts de la SARL FPP pour un montant de 999 200 euros l'a été en échange de 90 920 actions d'une valeur de 10 euros de la SAS Holding C... et d'une soulte de 90 000 euros. Le contribuable a donc lui-même fait apparaître dans l'acte d'apports une individualisation de la valorisation des différents apports.

9. D'autre part, si une soulte peut avoir pour fonction de compenser l'inconvénient pour l'apporteur pouvant résulter de la dilution de sa participation dans la nouvelle société, cette situation n'était pas celle de l'espèce puisque M. C... apportait 98 des 100 parts des sociétés SCI C... et SCI Flav. La seule fonction de la soulte retenue par l'acte d'apports était donc d'ajuster l'inégale valeur des biens apportés et reçus.

10. Enfin, ces différents apports concernaient des structures juridiques différentes, puisqu'étaient en cause trois SCI, deux SARL et une SAS, ainsi que des secteurs d'activité très diversifiés. Ils appelaient dès lors nécessairement une valorisation, propre à chaque situation, des parts apportées par M. C... et des parts reçues par lui en échange.

11. Dans ces conditions, alors que les valorisations de l'acte d'apports ont été certifiées par le commissaire aux comptes, c'est à bon droit que l'administration a apprécié non pas globalement mais pour chaque apport réalisé avec soulte, le seuil de 10 % du montant de cette dernière par rapport à la valeur nominale des titres reçus.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... ne peut utilement invoquer ni les exigences formelles de la déclaration fiscale à souscrire au titre des plus-values, ni les difficultés qu'il rencontrerait en cas de cessions partielles des actions qu'il détient au sein de la SAS Holding C... et dont la fongibilité ferait obstacle à ce qu'une différenciation puisse être opérée en fonction de l'origine des titres cédés.

13. Dans ces conditions, M. C... ne pouvait pas bénéficier du report d'imposition prévu à l'article 150-0 B ter du code général des impôts pour les apports de titres de la SCI C... et de la SCI Flav.

Sur le bénéfice de la doctrine administrative :

14. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales alors applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut néanmoins poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

15. En premier lieu, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir des énonciations des paragraphes n° 150 et n° 160 de la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-10 du 4 mars 2016 et du paragraphe n° 270 de la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10 du 20 décembre 2019, qui ont été publiées postérieurement tant à la réalisation de l'opération génératrice de l'imposition concernée qu'à l'expiration du délai de déclaration dont le contribuable disposait.

16. En second lieu, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir des énonciations de la doctrine référencée BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20 dans sa version publiée le 31 octobre 2012 relative au régime du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du code général des impôts, dans les prévisions desquelles il n'entre pas puisqu'elle ne concerne pas l'article 150-0 B ter.

Sur le principe d'égalité :

17. M. C... soutient qu'en cas de pluralité d'apports de titres par un même contribuable à une seule société qu'il contrôle, une appréciation individualisée du montant de la soulte pour chaque apport méconnaît le principe d'égalité constitutionnellement garanti, puisqu'elle présente le risque d'un traitement différent de deux contribuables qui, pour une même opération d'apports multiples, répartissent différemment la soulte entre les apports de titres.

18. Toutefois, les impositions contestées ont été établies conformément à la loi fiscale. Par suite, M. C..., qui n'a soumis à la cour par mémoire distinct aucune question prioritaire de constitutionnalité, ne saurait utilement soutenir que ces impositions méconnaîtraient le principe d'égalité.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de décharge, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 20 février 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA01567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01567
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : RDB ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-06;23da01567 ?
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