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06/03/2025 | FRANCE | N°23DA01580

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 06 mars 2025, 23DA01580


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n°2008347 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté c

ette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 4 aoû...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2008347 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2023, M. B..., représenté par Me François Wibaut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a droit au bénéfice de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévue par le I de l'article 293 B du code général des impôts dès lors que son chiffre d'affaires est inférieur aux seuils prévus par cet article ;

- les énonciations du paragraphe n° 130 de la doctrine administrative publiée sous les références BOI-TVA-DECLA-40-10-10 confortent cette analyse ;

- il n'était pas soumis à l'obligation de déclaration prévue par l'article 287 du code général des impôts dans la mesure où son chiffre d'affaires, qui est inférieur aux seuils de l'article 293 B du même code, lui permet de bénéficier de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée et puisqu'il a inscrit son activité au répertoire des entreprises et des établissements et au registre national des entreprises depuis le 1er mai 2010, de sorte que son activité, qui ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, ne peut être qualifiée d'occulte et être exclue du champ de la franchise ;

- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est radicalement viciée dès lors que l'administration a tenu compte des encaissements constatés sur ses comptes bancaires alors qu'en matière de livraison de biens, le fait générateur et l'exigibilité de la TVA ne dépendent pas de la date d'encaissement du prix mais de la date de livraison.

- la pénalité de 80 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts qui lui a été infligée n'est pas justifiée, en l'absence d'activité occulte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale au titre des années 2016 et 2017. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que M. B... avait exercé une activité commerciale non déclarée de marchand ambulant au cours de ces deux années et elle l'a assujetti à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis en recouvrement par un avis du 31 janvier 2020.

2. Sa réclamation ayant été rejetée, M. B... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. M. B... relève appel du jugement du 8 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le droit au bénéfice de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

3. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ".

4. Aux termes de l'article 293 B du même code, dans sa rédaction applicable à l'année 2016 : " I. - Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé : 1° Un chiffre d'affaires supérieur à : a) 82 200 € l'année civile précédente ; b) Ou 90 300 € l'année civile précédente, lorsque le chiffre d'affaires de la pénultième année n'a pas excédé le montant mentionné au a ; 2° Et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, supérieur à : a) 32 900 € l'année civile précédente ; b) Ou 34 900 € l'année civile précédente, lorsque la pénultième année il n'a pas excédé le montant mentionné au a (...) ".

5. Dans la rédaction applicable à l'année 2017 de ces dispositions de l'article 293 B du code général des impôts, le plafond fixé au b) du 1° du I de cet article est porté à 91 000 euros et les plafonds prévus au a) du 2° ainsi qu'au b) du 2° du même I sont portés, respectivement, à 33 200 euros et à 35 200 euros.

6. Aux termes de l'article 286 du code général des impôts : " I. I. Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : 1° Dans les quinze jours du commencement de ses opérations, souscrire au bureau désigné par un arrêté une déclaration conforme au modèle fourni par l'administration (...) ".

7. Aux termes de l'article 287 du même code : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée identifié conformément aux dispositions combinées des articles 286 ter et 286 ter A est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration fiscale doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

10. Il résulte de l'instruction qu'après avoir estimé que M. B... avait exercé une activité commerciale de marchand ambulant au cours des années 2016 et 2017, l'administration fiscale a, dans la proposition de rectification du 11 octobre 2019, exclu cette activité du bénéfice de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle présentait un caractère occulte.

11. M. B... conteste cette analyse en soutenant que son activité ne remplissait pas les conditions d'une activité occulte dès lors d'une part qu'il n'était pas soumis à l'obligation de déclaration prévue par l'article 287 du code général des impôts, dans la mesure où son chiffre d'affaires, qui était inférieur aux seuils de l'article 293 B du même code, lui permettait de bénéficier de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée et dès lors d'autre part qu'il avait inscrit son activité au répertoire des entreprises et des établissements et au registre national des entreprises depuis le 1er mai 2010.

12. Toutefois, à supposer même que le montant du chiffre d'affaires de M. B... ait été inférieur aux seuils prévus à l'article 293 B du code général des impôts en-dessous desquels le contribuable bénéficie de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée et est dispensé de souscrire les déclarations prévues par l'article 287 du même code, il résulte de l'instruction que M. B..., d'une part, n'a pas souscrit, dans les quinze jours du commencement de l'activité, la déclaration d'existence prévue au 1° du I de l'article 286 de ce code, laquelle doit même être souscrite lorsque l'assujetti bénéficie de la franchise, d'autre part, n'a pas satisfait aux obligations déclaratives prévues par les textes pour les autres impositions.

13. Si M. B... fait valoir qu'il a déclaré, au répertoire des entreprises et des établissements et au registre national des entreprises, une activité de commerce de détail avec une date de début d'activité au 1er mai 2010, il résulte de l'instruction que cette inscription a été réalisée postérieurement au redressement fiscal en litige et ne saurait permettre de considérer que M. B... avait, pour les années 2016 et 2017, fait connaître son activité, dans le délai qui lui était imparti, à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce.

14. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que M. B... avait exercé une activité occulte du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et a exclu, de ce fait, son activité du bénéfice de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée.

S'agissant de l'invocation de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

15. M. B... soutient que le chiffre d'affaires de son activité, qui est inférieur aux plafonds prévus par les dispositions du I de l'article 293 B du code général des impôts, lui permettait de bénéficier du régime de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée, comme le prévoit le paragraphe n° 130 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-TVA-DECLA-40-10-10.

16. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit que l'activité de M. B... présentait un caractère occulte et qu'elle était donc, comme le I de l'article L. 293 B du code général des impôts le prévoit expressément, exclue du bénéfice de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée.

17. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'extrait de la doctrine administrative qu'il invoque, selon lequel " Pour bénéficier de la franchise de TVA au titre d'une année donnée, les assujettis ne doivent pas avoir réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires supérieur aux seuils prévus au a du 1° ou au a du 2° du I de l'article 293 B du CGI et exposés au BOI-BAREME-000036 " et dans les prévisions desquelles il n'entre pas.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

S'agissant de la charge de la preuve :

18. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

19. Il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à l'activité commerciale de M. B... pour la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ont été établis d'office, faute pour l'intéressé d'avoir présenté une comptabilité de l'activité en cause se rapportant à cette période. M. B... supporte, en conséquence, la charge de la preuve, en application des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales et il lui revient donc, en application de l'article R. 193-1 du même livre, de démontrer le caractère exagéré de ces rappels de taxe.

S'agissant de la méthode de reconstitution :

20. Pour reconstituer les recettes de l'activité de M. B..., l'administration, qui ne disposait d'aucune pièce comptable, a déterminé les chiffres d'affaires taxables des années 2016 et 2017 en se fondant sur les encaissements constatés sur les comptes bancaires dont les relevés financiers lui avaient été présentés par M. B... lors du premier entretien réalisé dans le cadre de l'examen contradictoire de sa situation fiscale.

21. M. B... soutient que cette méthode de reconstitution, fondée sur les encaissements bancaires, est radicalement viciée dans son principe dès lors que l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, s'agissant d'une activité de livraison de bien, ne dépend pas de la date d'encaissement du prix mais de la date de livraison.

22. Toutefois, en l'absence de toute comptabilité et de présentation de factures, l'administration, qui était dans l'impossibilité de déterminer les dates de livraison des biens, était fondée à se prévaloir des seuls éléments en sa possession pour reconstituer le chiffre d'affaires taxable et à retenir les encaissements figurant sur les comptes bancaires de M. B..., lequel avait au surplus reconnu, au cours de l'examen contradictoire de sa situation fiscale, que les sommes en cause étaient en lien avec son activité commerciale.

23. Par ailleurs, M. B... n'a apporté aucun élément de preuve susceptible de démontrer que l'évaluation du chiffre d'affaires de son activité par l'administration est excessive.

24. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'établit pas que la méthode de reconstitution retenue par l'administration était radicalement viciée ni qu'elle aboutirait à un résultat exagéré.

Sur les pénalités :

25. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ".

26. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'administration administre la preuve, dont la charge lui incombe, du caractère occulte de l'activité professionnelle exercée par M. B.... C'est donc à bon droit que l'administration a mis à sa charge la majoration de 80 % prévue par le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de décharge, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 20 février 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA01580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01580
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL WIBLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-06;23da01580 ?
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