Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Etablissements Bonnel a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'établissement public de santé mentale (EPSM) des Flandres à lui verser les sommes de 88 426,20 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de 1,5 fois à compter de chaque facture, au titre des travaux supplémentaires réalisés sur le chantier de construction de l'unité de psychiatrie de Cappelle-la-Grande, de 400 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, de 49 000 euros au titre de la retenue de garantie et de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2100945 du 23 avril 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société Etablissements Bonnel.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2024, et un mémoire, enregistré le 26 novembre 2024, la société Etablissements Bonnel, représentée par Me Kevin Holterbach, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'EPSM des Flandres à lui verser la somme de 88 426,20 euros, assortie des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de l'EPSM des Flandres la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les travaux objet des factures en litige ont été expressément commandés par le maître d'œuvre et/ou le maître d'ouvrage, de sorte que le paiement de ces travaux lui est dû ;
- ils étaient en tout état de cause indispensables à la bonne réalisation de l'ouvrage, ce que le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre n'ont jamais contesté.
La requête a été communiquée l'EPSM des Flandres, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Blanco, représentant la société Etablissements Bonnel.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. L'établissement public de santé mentale (EPSM) des Flandres a confié la conception et la réalisation de structures psychiatriques sur le site de Capelle-la-Grande à un groupement d'entreprises ayant pour mandataire la société Scobat. Par une convention du 12 février 2014, cette dernière a sous-traité à la société Etablissements Bonnel l'exécution des travaux de chauffage, eau, glace, ventilation et désenfumage. Par un acte spécial signé le 10 juin 2014, l'EPSM des Flandres a agréé les conditions de paiement de la société Etablissements Bonnel. Par un courrier du 13 octobre 2020, la société Etablissements Bonnel a réclamé à l'EPSM des Flandres le paiement direct de travaux supplémentaires.
2. Sa demande ayant été implicitement rejetée, la société Etablissements Bonnel a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'EPSM des Flandres à lui verser les sommes de 88 426,20 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de 1,5 à compter de chaque facture, au titre des travaux supplémentaires réalisés sur le chantier de construction de l'unité de psychiatrie de Cappelle-la-Grande, de 400 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement et de 49 000 euros au titre de la retenue de garantie. Elle relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Sur le paiement direct des factures en litige :
3. Aux termes de l'article 112 du code des marchés publics, dans sa version applicable au litige : " Le titulaire d'un marché public de travaux, d'un marché public de services ou d'un marché industriel peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché à condition d'avoir obtenu du pouvoir adjudicateur l'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement ".
4. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) / Ce paiement est obligatoire même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites ".
5. Le sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les travaux supplémentaires qu'il a exécutés et qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage, ainsi que pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché, dans les mêmes conditions que pour les travaux dont la sous-traitance a été expressément mentionnée dans le marché ou dans l'acte spécial signé par l'entrepreneur principal et par le maître de l'ouvrage.
6. Ne peuvent toutefois être considérés comme des travaux supplémentaires à payer par le maître d'ouvrage que les travaux qui excèdent ceux confiés à l'entrepreneur principal par le pouvoir adjudicateur. La circonstance que les travaux excéderaient ceux dont la réalisation avait été contractuellement confiée au sous-traitant par l'entrepreneur principal n'est pas de nature à leur conférer ce caractère dans l'hypothèse où le sous-traitant ne fait que se substituer à l'entrepreneur principal dans la réalisation des travaux confiés à ce dernier.
En ce qui concerne les factures nos 116125401, 116125405, et 116125406 :
7. La société Etablissements Bonnel fait valoir que les factures nos 116125401, 116125405 et 116125406 émises le 5 décembre 2016 correspondent à des travaux relatifs au remplacement du système de chauffage qui ont été réalisés sur la base d'un ordre de service de l'EPSM des Flandres et qui sont indispensables aux ouvrages construits.
8. Il résulte de l'instruction qu'en raison d'un avis technique du mois d'avril 2014 précisant que la pose d'un plancher chauffant était contre-indiquée dans les pièces humides, la société Scobat a adressé le 20 octobre 2015 à l'EPSM des Flandres une demande de travaux supplémentaires portant sur la dépose du plancher chauffant et l'installation de radiateurs sèche serviette et de panneaux rayonnants, qui a été validée par l'EPSM des Flandres, par un ordre de service du 2 novembre 2015, pour un montant total de 70 241,04 euros toutes taxes comprises.
9. Il résulte également de l'instruction que la facture n° 116125406 en litige, qui porte sur la dépose du plancher chauffant et l'installation de radiateurs sèche serviettes et de panneaux rayonnants, correspond à des travaux entrant dans le champ de ceux validés par l'EPSM des Flandres. Par ailleurs, ces travaux, qui sont liés à la modification du système de chauffage des locaux humides rendue nécessaire par des raisons techniques, doivent être regardés comme des travaux indispensables à la réalisation de l'ouvrage.
10. En revanche, il résulte des factures nos 116125401 et 116125405 qu'elles concernent respectivement des travaux de repose de plancher chauffant et des travaux d'isolation de salle de bains. A supposer même qu'il s'agisse de travaux supplémentaires par rapport à ceux prévus tant dans le contrat de sous-traitance que dans le contrat de conception réalisation, il n'est démontré ni que ces travaux étaient en lien avec la modification du système de chauffage approuvée par le maître d'ouvrage, ni qu'ils revêtaient un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.
11. Dans ces conditions, la société Etablissements Bonnel est seulement fondée à demander le paiement direct, par l'EPSM des Flandres, de la facture n° 116125406 d'un montant de 39 254 euros toutes taxes comprises.
En ce qui concerne les autres factures :
12. En premier lieu, la société Etablissements Bonnel demande le paiement direct des factures nos 116125402, 116125403, 116125404, 116125407, 11600448 et 2806 émises entre le 29 mars et le 5 décembre 2016, qui portent respectivement sur des travaux d'air frais désenfumage, la pose de grilles extérieures, des travaux de clapet coupe-feu, des travaux de flocage et des travaux de nettoyage.
13. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que la société requérante s'est vue confier par le contrat de sous-traitance, notamment ses articles 3.3, 3.2.6, 4.3.8 et 1.8.4, les travaux de désenfumage, de flocage, de pose de clapets coupe-feu, de pose de grille de ventilation, et de nettoyage. Elle n'apporte aucun élément permettant de démontrer que les travaux objet des factures en cause excéderaient ceux qui lui ont été confiés par l'acte de sous-traitance ou qui ont été confiés à la société Scobat, mandataire du groupement d'entreprises titulaire du marché, et qu'ils présenteraient ainsi le caractère de travaux supplémentaires.
14. D'autre part, en tout état de cause, la société requérante ne démontre pas davantage que les travaux en cause ont été réalisés à la demande de l'EPSM des Flandres ni qu'ils présenteraient un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.
15. En second lieu, la société Etablissements Bonnel demande le paiement direct de la facture n° 116125400, d'un montant de 3 900 euros, émise le 5 décembre 2016 et relative à la réalisation de travaux de tuyauterie de gaz dont elle soutient qu'ils portaient sur la tuyauterie extérieure relevant des missions de l'entreprise en charge des travaux VRD. Elle produit, à l'appui de sa demande, un certificat de conformité de l'installation de gaz faisant état de la réalisation, par ses soins, de travaux de tuyauterie intérieure et extérieure.
16. Toutefois, la partie du document ainsi invoqué relative à la consistance des travaux a été remplie par la société Etablissements Bonnel elle-même et la signature du chargé d'exploitation apposée sur le certificat, qui est d'ailleurs dépourvue de tout cachet d'entreprise, n'atteste que de la mise en service de l'installation de gaz.
17. En se bornant à produire ce document, la société requérante n'apporte pas d'élément suffisamment probant permettant de démontrer à la fois que les travaux objet de la facture n° 116125400 correspondaient à des travaux du réseau extérieur de gaz, lesquels avaient été initialement confiés à l'entreprise en charge du lot VRD, et que c'est à la demande du maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre qu'elle avait réalisé ces travaux.
18. Dans ces conditions, la société Etablissements Bonnel n'est pas fondée à demander le paiement direct des factures nos 116125400, 116125402, 116125403, 116125404, 116125407, 11600448 et 2806.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Etablissements Bonnel est seulement fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant au paiement direct par l'EPSM des Flandres en tant qu'elles portent sur la facture n°116125406 d'un montant de 39 254 euros et qu'il y a lieu de condamner l'EPSM des Flandres à lui verser cette somme.
Sur les intérêts :
20. Les intérêts moratoires dus en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, repris à l'article 1231-6 du même code, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.
21. Ainsi qu'elle le demande, la société Etablissements Bonnel a droit aux intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'EPSM des Flandres de sa demande préalable le 15 octobre 2020.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EPSM des Flandres la somme de 2 000 euros à verser à la société Etablissements Bonnel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'EPSM des Flandres est condamné à verser à la société Etablissements Bonnel la somme de 39 254 euros assorties des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2020.
Article 2 : Le jugement n° 2100945 du 23 avril 2024 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'EPSM des Flandres versera une somme de 2 000 euros à la société Etablissements Bonnel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Etablissements Bonnel et à l'EPSM des Flandres.
Délibéré après l'audience publique du 20 février 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
La rapporteure,
Signé : A. Minet Le président de la formation
de jugement,
signé : M. A...
La greffière,
Signé : Elisabeth Héléniak
La République mande et ordonne au préfet du Nord, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24DA01216