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20/03/2025 | FRANCE | N°24DA00290

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 20 mars 2025, 24DA00290


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2101377-2101378 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 14 février 2024, M. et Mme C..., représentés par Me Pauchet, demandent à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2101377-2101378 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2024, M. et Mme C..., représentés par Me Pauchet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de répondre à un moyen qui n'était pas inopérant et ont insuffisamment motivé ce jugement ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- compte tenu d'un désaccord persistant, l'administration les a privés de la garantie prévue à l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales et a méconnu son devoir de loyauté en ne répondant pas favorablement à leur demande de saisine de la commission des impôts directs et des taches sur le chiffre d'affaires ;

- le dégrèvement, prononcé le 4 août 2020, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société A... C... finances avait été assujettie au titre des exercices clos entre 2013 et 2015, a nécessairement pour effet d'entraîner la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des revenus distribués au titre des années 2013 à 2015 ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'appréhension des bénéfices sociaux redressés, alors qu'il n'est pas démontré qu'ils auraient bénéficié d'un enrichissement personnel ;

- il n'est pas établi que les frais litigieux ont la nature de revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

- les frais litigieux ont été justifiés ;

- l'administration ne démontre pas que les redressements litigieux étaient imposables au titre des années 2013 à 2016 alors qu'il est constant que ces impositions supplémentaires ne correspondent pas à un redressement du bénéfice social de la société A... C... finances au titre de l'exercice clos l'année précédente, en méconnaissance de l'article 12 du code général des impôts ;

- l'application du coefficient de 1,25 aux revenus distribués, en application du 7 de l'article 158 du code général des impôts, méconnaît, ainsi que l'a relevé la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt du 7 décembre 2023, l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la majoration pour manquement délibéré qui a été appliquée n'est pas justifiée ;

- l'administration ne peut pas se prévaloir de l'importance du montant des frais remboursés, alors qu'elle n'a pas fait état de ce motif avant la mise en recouvrement des impositions, en méconnaissance de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société civile (SC) A... C... finances, dont M. C... est gérant et associé à parts égales avec son épouse et qui exerce une activité de détention de titres de la société Sofamed et de prestations de services pour cette société ainsi que de location de biens immobiliers meublés et professionnels, portant sur les exercices clos entre 2013 et 2016, l'administration a regardé M. et Mme C... comme ayant été les bénéficiaires des revenus réputés distribués correspondant à des frais de déplacement et de restauration dont la déductibilité avait été remise en cause et, par voie de conséquence, a assujetti les intéressés à des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013 à 2016, ainsi qu'à des majorations pour manquement délibéré. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 14 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif a, par une motivation suffisante, répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'année d'imposition soulevé par M. et Mme C... en indiquant, d'une part, que les revenus sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date, et, d'autre part, que les revenus en litige, taxés entre les mains des contribuables au titre des années 2013 à 2016, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, correspondaient aux sommes que la société avait déduites à titre de remboursement de frais de déplacement, de restauration et d'hébergement et que le service vérificateur avait réintégrées à ses résultats imposables au titre des exercices clos entre 2013 à 2016 et en relevant que M. et Mme C... n'apportaient pas la preuve que les distributions en litige auraient été postérieures aux dates de clôture de ces exercices.

3. Par suite, le moyen invoqué par M. et Mme C... et tiré de l'irrégularité du jugement attaqué à raison d'une omission à statuer et de son insuffisante motivation ne peut qu'être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la motivation des propositions de rectification des 12 décembre 2016 et 23 août 2018 :

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) En cas d'application des dispositions de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués ".

5. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. S'agissant de revenus distribués, cette motivation peut résulter, soit de la reproduction de la teneur de la proposition de rectification adressée à la société distributrice, soit de la jonction de cette proposition de rectification en annexe du document adressé au bénéficiaire des distributions, dès lors du moins que le document concernant la société est lui-même suffisamment motivé.

6. Il résulte de l'instruction que les propositions de rectification des 12 décembre 2016 et 23 août 2018 adressées à M. et Mme C... au titre respectivement des années 2013 à 2015 et de l'année 2016, précisent les montants des revenus distribués par la société A... C... finances, leur fondement légal, la catégorie de revenus et les années d'imposition.

7. S'agissant du calcul des bases d'imposition, les propositions de rectification se réfèrent aux rehaussements des bénéfices de la société A... C... finances, exposés dans les propositions de rectification des 12 décembre 2016 et 25 janvier 2018 adressées à cette société, indiquent que les justificatifs qui ont été présentés lors de la vérification de comptabilité étaient insuffisants pour justifier de la réalité des frais de déplacement et de restauration de M. et Mme C... et mentionnent que ces bénéfices ont été désinvestis et leur ont été distribués.

8. En reproduisant ainsi la teneur des propositions de rectification adressées à la société distributrice, l'administration a suffisamment motivé, dans les propositions de rectification des 12 décembre 2016 et 23 août 2018, la décision de réintégrer dans le revenu imposable de M. et Mme C... le montant des sommes qui sont réputées leur avoir été distribuées et a mis en mesure les contribuables d'en discuter utilement, ce qu'ils ont d'ailleurs fait.

9. Au surplus et alors même que les propositions de rectification énoncent suffisamment la base d'imposition et les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier les redressements envisagés, si M. et Mme C... relèvent que les annexes qui étaient jointes à celles adressées à la société les 12 décembre 2016 et 25 janvier 2018 et détaillant les montants des bénéfices rehaussés n'ont pas été reproduites dans les envois qui leur ont été personnellement adressés, il résulte de l'instruction que ces documents ont été envoyés soit concomitamment soit quelques mois auparavant à l'adresse du siège de l'entreprise, qui est également l'adresse de leur domicile personnel de sorte que M. et Mme C... disposaient de ces informations.

10. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :

11. La mention, dans la réponse aux observations du contribuable, de ce qu'il est ou non possible à celui-ci de demander la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires compte tenu de la nature des rectifications maintenues et de la procédure utilisée, prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ne constitue pas une garantie dont la méconnaissance aurait le caractère d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge de l'imposition, l'absence de cette mention n'étant pas susceptible de priver le contribuable du droit qu'il tient de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales de saisir cette commission en cas de désaccord persistant.

12. Si le vérificateur a mentionné, dans ses réponses aux observations de M. et Mme C... des 5 avril 2017 et 12 novembre 2018, que ceux-ci avaient la possibilité de saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, alors que le différend opposant les contribuables à l'administration fiscale portant sur les revenus distribués par la société A... C... finances ne figure pas au nombre des matières relevant de la compétence de la commission en application de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, une telle indication erronée, qui ne saurait avoir créé pour les contribuables une droit à obtenir un avis de la commission ni avoir eu pour effet de rendre la saisine de celle-ci recevable, n'a pas eu pour effet de priver les requérants d'une garantie. Il suit de là que le moyen tiré de la violation de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales et de la méconnaissance, par l'administration, de son obligation de loyauté doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le dégrèvement des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société A... C... finances :

13. Le dégrèvement prononcé par l'administration des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge d'une entreprise est, par lui-même, et pas plus que l'éventuelle irrégularité dont il découle, sans influence sur l'imposition de l'associé de cette entreprise à l'impôt sur le revenu à raison de l'excédent de distribution révélé par le redressement des bénéfices de la société.

14. Il suit de là que M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir de ce que, par une décision du 4 août 2020, le directeur du contrôle fiscal Nord a accordé à la société A... C... finances le dégrèvement des impositions à l'impôt sur les sociétés correspondant aux redressements ci-dessus indiqués au titre des exercices clos entre 2013 et 2015.

En ce qui concerne l'existence et le montant des distributions :

S'agissant des années 2013 à 2015 :

15. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". En vertu de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".

16. En cas de refus des rectifications par le contribuable que l'administration entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe au service d'apporter la preuve que l'intéressé a appréhendé ces sommes.

17. L'administration a remis en cause les frais de déplacement et de restauration déduits par la société A... C... finances de ses résultats imposables des exercices clos entre 2013 et 2015, pour des montants respectifs de 63 939 euros, 60 780 euros et 59 410 euros, et dont elle avait opéré le remboursement à M. et Mme C..., au motif qu'il était impossible, au vu des seuls éléments produits, de considérer que les charges afférentes au remboursement de ces frais avaient été exposées dans l'intérêt de la société et que le service était donc fondé à réintégrer dans les bénéfices imposables de la société ces remboursements de frais dès lors qu'ils ne correspondaient pas effectivement à des missions de caractère professionnel effectuées pour son compte.

18. M. et Mme C... soutiennent que les frais remis en cause par le service ont été justifiés au cours de la vérification de comptabilité de la société A... C... finances. Toutefois, et alors que les requérants n'apportent aucun élément susceptible de justifier leur allégation, l'administration a notamment relevé que les tickets d'achat de carburant présentés ne permettaient pas d'établir une corrélation avec les déplacements allégués, que les kilomètres parcourus avaient été indiqués de manière globale, par quinzaine, sans indication précise, que les repas de M. et Mme C... avaient été remboursés de manière forfaitaire chaque jour ouvré de l'année, sans justificatif, que la plupart des factures d'hôtel produites ne comportaient pas le nom du client, alors que les mêmes factures obtenues par le service dans l'exercice de son droit de communication étaient établies au nom d'un tiers, et que des frais divers, remboursés mensuellement aux intéressés, n'étaient pas justifiés.

19. Au vu de ces éléments, il résulte des pièces versées au dossier que ces frais n'ont pas été exposés à l'occasion de déplacements en rapport avec les fonctions exercées par M. et Mme C... dans la société. Ainsi, l'administration, qui conteste expressément que ces dépenses ont été exposées à l'occasion de déplacement professionnels, doit être regardée comme démontrant leur caractère personnel de sorte que c'est à bon droit qu'elle a estimé que ces sommes correspondaient à des revenus distribués aux intéressés imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

S'agissant de l'année 2016 :

20. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".

21. Les frais de transport, hôtellerie et restauration exposés par une société pour les besoins des déplacements effectués par un salarié ou par un dirigeant dans l'exercice de leurs fonctions constituent en principe des charges déductibles de son bénéfice. Il en va de même des charges exposées pour le remboursement au salarié ou au dirigeant de telles dépenses, qui ont la nature de frais professionnels, lorsque celui-ci en a fait l'avance. Dans un tel cas, ces sommes ne sont pas taxables entre les mains de l'intéressé.

22. En revanche les dépenses exposées pour les besoins du déplacement du salarié ou du dirigeant depuis son domicile vers lieu où il exerce ses fonctions ont la nature d'une dépense personnelle de ce dernier. S'il est loisible à l'employeur d'en assurer la prise en charge, celle-ci, sous réserve qu'elle ne conduise pas à porter la rémunération à un niveau excessif, a la nature, pour le salarié ou le dirigeant, d'un avantage en nature taxable entre ses mains dans la catégorie des traitements et salaires ou en application de l'article 62 du code général des impôts. Symétriquement, elle constitue, sous la même réserve, une charge déductible des bénéfices de l'employeur. Ce traitement fiscal est toutefois subordonné à la condition que les avantages en nature ainsi accordés par la société à son personnel, y compris ses dirigeants soient, conformément aux prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts, inscrits explicitement comme tels en comptabilité. A défaut, ils constituent des avantages occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts, imposables entre les mains du bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non déductibles des bénéfices de la société.

23. Les sommes réintégrées par l'administration dans le résultat imposable d'une société ayant fait l'objet d'un redressement ne peuvent être regardées comme des revenus distribués au sens de la disposition précitée que dans la mesure où elles ont été effectivement appréhendées par leur bénéficiaire.

24. M. et Mme C... contestent l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement de ces dispositions, de frais de déplacement et de repas, d'un montant total de 46 364 euros, pris en charge par la société A... C... finances dont la déduction a été refusée à la suite de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet.

25. Il résulte de l'instruction que les frais kilométriques en litige ont été comptabilisés par la société A... C... finances à partir de notes des frais établies par M. et Mme C..., lesquels avaient déclaré avoir parcouru 81 575 kilomètres et 26 280 kilomètres. L'administration, après avoir exercé son droit de communication auprès du service chargé de l'immatriculation des véhicules, a relevé que les deux véhicules utilisés par M. et Mme C... avaient été mis en circulation en 2014 et cédés les 8 février 2017 et 18 octobre 2017 et présentaient un kilométrage, à la date de leur cession, de 72 994 et 23 741, qui était inférieur au nombre de kilomètres déclarés comme parcourus au moyen de ces véhicules pour les besoins de l'entreprise au cours du seul exercice clos en 2016. En outre, le service a également constaté qu'entre les mois de juillet et décembre 2016, les frais de déplacement en cause avaient été comptabilisés selon un forfait mensuel de 4 200 euros.

26. L'administration a également relevé que la société avait déduit des frais de restauration, d'un montant de 4574,60 euros, sur le fondement de notes de frais produites par M. et Mme C... et faisant état, pour 257 jours au cours de l'année 2016, de frais de repas d'un montant unitaire de 8,90 euros. Après avoir relevé que le nombre de jours indiqué par la société pour le calcul des frais de repas ne correspondait pas au nombre de jours de déplacements de M. et Mme C..., l'administration a estimé que la société n'avait présenté aucun élément, en dehors de tickets d'achats alimentaires dans des supermarchés, pouvant justifier les dépenses exposées.

27. Comme l'a relevé le vérificateur, les frais en cause ont donné lieu à des écritures au débit du compte 625 " déplacements missions et réceptions ", qui est un compte de frais généraux, et non comptabilisées dans le compte 6414 retraçant les avantages en nature et indemnités diverses fournis par une société à son personnel, de sorte qu'ils ne peuvent pas être regardés comme ayant donné lieu à la comptabilisation explicite d'un avantage en nature ou d'une indemnité.

28. Il résulte de l'instruction, notamment des propositions de rectification qui ont relevé que les notes de frais ont été établies au nom de M. et Mme C... et que les écritures comptabilisées dans la société ont été enregistrées directement dans le journal banque sans utiliser de comptes de tiers, que les sommes en litige ont intégralement bénéficié aux contribuables.

29. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'appréhension, par les intéressés, des revenus distribués par la société A... C... finances.

30. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes en litige dans les revenus imposables de l'année 2016 de M. et Mme C..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne les années d'imposition :

S'agissant des années 2013 à 2015 :

31. Aux termes de l'article 47 de l'annexe II du code général des impôts : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ".

32. Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les bénéfices sociaux visés par cette disposition sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date. Le principe d'annualité de l'impôt sur le revenu ne fait pas obstacle à l'application de cette règle, dès lors que ni l'administration ni le contribuable, qui est imposé sur la base de fonds sociaux qu'il a appréhendés, ne sont en mesure d'établir qu'il doit être procédé à la répartition de ces sommes en fonction de la date à laquelle le contribuable en a effectivement disposé.

33. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., le principe d'annualité de l'impôt, prévu à l'article 12 du code général des impôts, ne fait pas obstacle au principe selon lequel les bénéfices sociaux visés par le 1° du 1 de l'article 109 sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, soit, en l'espèce, les 31 décembre 2013, 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015.

34. M. et Mme C... n'apportant aucun élément de nature à établir qu'ils auraient effectivement disposé des distributions litigieuses à d'autres dates, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les bases des cotisations à l'impôt sur le revenu assignées au titre des années 2013, 2014 et 2015 les sommes correspondant à ces distributions.

S'agissant de l'année 2016 :

35. Dans la proposition de rectification du 23 août 2018, le vérificateur a relevé que les distributions de revenus réalisées par la société A... C... finances à hauteur de 46 364 euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2016 s'étaient matérialisées par des virements bancaires ou l'encaissement de chèques, effectués au cours de l'année 2016, sur les comptes bancaires personnels de M. et Mme C.... Il suit de là que c'est à bon droit que le service a taxé ces revenus au titre de l'année 2016, au cours de laquelle ils ont été effectivement perçus.

En ce qui concerne l'application de la majoration d'assiette prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts :

36. En premier lieu, d'une part, aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

37. D'autre part, aux termes de l'article 158 du code général des impôts : " (...) 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : (...) 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111 (...) et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice (...) ".

38. M. et Mme C... soutiennent que l'application de la majoration prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts aux revenus distribués au sens de l'article 109 et du c de l'article 111 du même code lui impose une charge excessive et se prévaut de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 dans l'affaire 26604/16 Waldner c/ France, qui s'est prononcée sur la conventionnalité, au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la majoration prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts.

39. Toutefois, cet arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 s'est prononcé sur la conventionnalité d'une majoration distincte applicable aux titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, de bénéfices non commerciaux ou de bénéfices agricoles quand ils ne sont pas adhérents à un organisme de gestion agréé, et non sur la majoration applicable aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 et aux c à e de l'article 111, prévue au 2° du 7 du même article.

40. En tout état de cause, d'une part, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019 déclarant conformes à la Constitution la référence " c " et les mots " et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice " figurant au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, le législateur a entendu, en adoptant cette disposition, soumettre à une imposition plus forte certains revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes, afin de dissuader de telles opérations, et a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. La majoration en cause repose donc suffisamment sur une base raisonnable.

41. D'autre part, ainsi que l'a également rappelé le Conseil constitutionnel, l'application de cette majoration, qui porte sur des revenus de capitaux mobiliers dissimulés, non spontanément déclarés par le contribuable, ne conduit pas à une charge excessive au regard des facultés contributives des contribuables. La majoration en cause n'entraîne donc pas une surcharge financière disproportionnée à l'encontre du contribuable.

42. Dans ces conditions, la méthode retenue par le législateur, pour les revenus distribués de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts, au 2° du 7 de l'article 158 du même code n'a pas rompu le juste équilibre qui doit exister entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.

43. Le moyen tiré de ce que cette dernière disposition est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

44. En second lieu, comme il a été dit ci-dessus, les sommes correspondant aux revenus distribués par la société A... C... finances à M. et Mme C... au titre respectivement des années 2013 à 2015 et au titre de l'année 2016 et 2017 sont imposables à l'impôt sur le revenu sur le fondement, respectivement, de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts.

45. Par suite, c'est à bon droit que le service vérificateur a multiplié ces sommes par 1,25 pour le calcul de l'impôt en application des dispositions précitées de l'article 158 du code général des impôts.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

46. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

47. Pour justifier l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a notamment relevé, dans les propositions de rectification des 12 décembre 2016 et 23 août 2018 ainsi que dans les réponses aux observations des contribuables des 5 avril 2017 et 12 novembre 2018, que les notes de frais prises en compte par la société A... C... finances, dont M. et Mme C... étaient associés chacun à hauteur de 50 % et dont M. C... était le gérant, avaient été établies par eux-mêmes et à leur profit, de sorte qu'ils ne pouvaient pas ignorer que, compte tenu de leur caractère forfaitaire et de l'absence de justification, elles ne correspondaient pas à la réalité des dépenses engagées.

48. En outre, le service a relevé, au titre de l'année 2016, que le cumul des kilométrages indiqués sur les notes de frais était largement supérieur aux kilométrages réels des véhicules pour effectuer les déplacements allégués.

49. L'administration qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas ainsi fondé la pénalité sur des motifs nouveaux, a également relevé dans les propositions de rectification le caractère répété, sur quatre années, des sommes soustraites à l'impôt.

50. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. et Mme C... de se soustraire au paiement de l'impôt dû, justifiant l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

51. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et à la ministre chargée des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA00290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00290
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : FIDAL ST OMER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-20;24da00290 ?
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