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20/03/2025 | FRANCE | N°24DA02229

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 20 mars 2025, 24DA02229


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 20 juillet 2024 par lequel le préfet du Nord a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile et l'a maintenu en rétention administrative le temps de l'examen de sa demande d'asile en procédure prioritaire par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.



Par un jugement n° 2407638 du 7 août 2024, le magistrat désig

né par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 20 juillet 2024 du préfet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 20 juillet 2024 par lequel le préfet du Nord a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile et l'a maintenu en rétention administrative le temps de l'examen de sa demande d'asile en procédure prioritaire par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.

Par un jugement n° 2407638 du 7 août 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 20 juillet 2024 du préfet du Nord.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2024, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Centaure Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- le premier juge a retenu à tort qu'en estimant que la demande d'asile déposée par M. A... B..., alors qu'il était en rétention, avait été présentée dans le seul but de faire échec à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 15 juillet 2024, il avait entaché la décision contestée d'erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. G... A... B..., ressortissant colombien né le 14 juin 1993 à Tulua (Colombie), est entré sur le territoire de l'Union européenne, à savoir en Espagne, le 17 février 2022, muni d'un passeport biométrique colombien en cours de validité l'exemptant de l'obligation de visa, puis, selon ses déclarations, a rejoint ensuite le territoire français, sur lequel il s'est maintenu au-delà de la durée de 90 jours durant laquelle il était autorisé à séjourner dans l'espace Schengen sans être titulaire d'un premier titre de séjour.

2. Interpellé le 15 juillet 2024 dans l'enceinte de la gare de Lille-Flandres, dans le cadre d'un contrôle d'identité, conduit par le service territorial de la police aux frontières de Lille, qui a révélé les conditions irrégulières de son séjour, M. A... B... a fait l'objet, le jour même, d'un arrêté par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, lui a fait interdiction de retour sur ce territoire avant l'expiration d'un délai d'un an, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a placé en rétention administrative. Au cours de son audition, le même jour, par l'officier de police judiciaire, M. A... B... a tenu des propos qui ont été regardés comme révélant son intention de former une demande d'asile et il a été mis à même de formaliser sa demande le 18 juillet 2024 et de la compléter le 20 juillet 2024.

3. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 7 août 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, sur la demande de M. A... B..., annulé son arrêté du 20 juillet 2024 refusant d'admettre l'intéressé au séjour au titre de l'asile et le maintenant en rétention administrative le temps de l'examen de sa demande d'asile en procédure prioritaire par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

4. Aux termes de l 'article L. 754-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger placé ou maintenu en rétention présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut procéder, pendant la rétention, à la détermination de l'État responsable de l'examen de cette demande conformément à l'article L. 571-1 et, le cas échéant, à l'exécution d'office du transfert dans les conditions prévues à l'article L. 751-13 ".

5. Aux termes de l'article L. 754-3 du même code : " Si la France est l'État responsable de l'examen de la demande d'asile et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. / (...) / A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 521-7. ".

6. Il est constant que M. A... B..., qui, comme il a été dit au point 1, a indiqué être entré en Espagne le 17 février 2022, n'a pas présenté de demande d'asile auprès des autorités espagnoles et qu'ayant ensuite rejoint la France, au cours du même mois, selon ses déclarations au cours de son audition, ou " plusieurs mois après ", selon ses écritures de première instance, s'est, quoi qu'il en soit, maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de 90 jours durant laquelle il était autorisé à séjourner dans l'espace Schengen sous couvert de son seul passeport biométrique colombien, puis n'a fait pour la première fois connaître son intention de solliciter l'asile que de deux ans après son entrée en France, c'est-à-dire le 15 juillet 2024 seulement, au cours de l'audition qui a suivi son interpellation en situation irrégulière de séjour, après que l'officier de police judiciaire lui a demandé si la perspective du prononcé d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il possède la nationalité appelait des observations de sa part.

7. Au demeurant, au début de cette audition, M. A... B... a d'abord déclaré être venu en France afin de travailler sur un chantier dans les environs de Lille ainsi que pour rejoindre son concubin avec lequel il a indiqué résider à Paris, tout en donnant une adresse de domiciliation auprès d'une association, pour ne faire état de craintes en cas de retour en Colombie qu'après que la perspective d'un éloignement à destination de ce pays a été évoquée par l'officier de police judiciaire.

8. Dans ces conditions, pour retenir que la demande d'asile déposée par M. A... B..., alors qu'il était en rétention, avait été présentée dans le seul but de faire échec à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 15 juillet 2024, le préfet du Nord n'a pas entaché d'erreur d'appréciation, au regard de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision du 20 juillet 2024 en litige, par laquelle il a refusé d'admettre l'intéressé au séjour au titre de l'asile et l'a maintenu en rétention administrative le temps de l'examen de sa demande d'asile en procédure prioritaire par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.

9. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé à tort sur l'existence d'une telle erreur d'appréciation pour annuler cette décision.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les autres moyens :

11. L'arrêté contesté du 20 juillet 2024 a été signé par Mme F... D..., attachée principale d'administration de l'État, adjointe à la cheffe du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, qui a agi dans le cadre de la délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du 5 mars 2024 publié le même jour au n° 2024-097 du recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord et qui habilitait notamment Mme D..., en cas d'absence ou d'empêchement de Mme E..., cheffe du bureau, à signer les décisions de maintien en rétention administrative d'un étranger en application de l'article L. 754-3 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... n'aurait pas été absente ou empêchée. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait.

12. Il ressort des mentions mêmes de l'arrêté du 20 juillet 2024 contesté que cet acte comporte, dans ses motifs, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels le préfet du Nord s'est fondé pour refuser d'admettre M. A... B... au séjour au titre de l'asile et décider de la maintenir en rétention administrative le temps de l'examen de sa demande d'asile en procédure prioritaire par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, ce dans des termes suffisamment précis pour qu'il puisse les comprendre et les contester utilement. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté au regard des dispositions tant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que du code des relations entre le public et l'administration manque, en tout état de cause, en fait.

13. Pour les motifs énoncés ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance, par le préfet du Nord, des dispositions précitées des articles L. 754-2 et L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé, pour excès de pouvoir, son arrêté du 20 juillet 2024 refusant d'admettre M. A... B... au séjour au titre de l'asile et le maintenant en rétention administrative le temps de l'examen de sa demande d'asile en procédure prioritaire par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides.

15. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Lille doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2407638 du 7 août 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet du Nord, ainsi qu'à M. G... A... B....

Copie en sera adressée à la SELARL Centaure Avocats.

Délibéré après l'audience publique du 6 mars 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

2

No24DA02229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA02229
Date de la décision : 20/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-20;24da02229 ?
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