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03/04/2025 | FRANCE | N°24DA00007

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 avril 2025, 24DA00007


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Keller Fondations Spéciales a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Valenciennes à lui verser la somme totale de 592 393,55 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires arrêtés au 9 juin 2020 à la somme de 127 954,99 euros, au titre du règlement de factures émises dans le cadre de l'exécution de travaux de réhabilitation de la basilique Saint Cordon et de mettre à la charge de la commune de Valenciennes une som

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Keller Fondations Spéciales a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Valenciennes à lui verser la somme totale de 592 393,55 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires arrêtés au 9 juin 2020 à la somme de 127 954,99 euros, au titre du règlement de factures émises dans le cadre de l'exécution de travaux de réhabilitation de la basilique Saint Cordon et de mettre à la charge de la commune de Valenciennes une somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2004880 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société Keller Fondations Spéciales et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2024, et des mémoires, enregistrés les 2 octobre et 3 décembre 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Keller Fondations Spéciales, représentée par Me Marc Cabouche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Valenciennes à lui verser la somme totale de 592 393,55 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires capitalisés à compter du mois d'octobre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Valenciennes la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le non-paiement des trois factures en litige n'est pas justifié dès lors que l'objectif contractuel de stabilisation du clocher a été atteint et validé par les experts et que les travaux qu'elle a réalisés répondent ainsi aux stipulations contractuelles ;

- elle n'a commis aucun manquement aux règles de l'art dans l'exécution des travaux dont elle avait la charge ;

- le non-paiement des trois factures en litige engendre un enrichissement sans cause de la commune de Valenciennes à laquelle elle a déjà versé une somme de 1 074 790,76 euros au titre des désordres affectant la basilique en exécution d'un arrêt de la cour administrative d'appel du 11 juillet 2023 ;

- l'autorité de chose jugée ne saurait lui être opposée dès lors que l'arrêt de la cour administrative d'appel du 11 juillet 2023 n'avait pas pour objet le règlement de ses factures ;

- sa créance n'est pas prescrite compte tenu des différents actes interruptifs de prescription intervenus depuis le 1er décembre 2008.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 août et 30 octobre 2024, la commune de Valenciennes, représentée par Me Antoine Alonso Garcia, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Keller Fondations Spéciales la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'autorité de chose jugée par le tribunal administratif le 23 avril 2019 et par la cour administrative d'appel le 11 juillet 2023, qui ont rejeté la demande reconventionnelle de la société requérante tendant au paiement des trois factures, fait obstacle à ce que le juge se prononce à nouveau sur la demande de la société requérante ;

- la créance de la société requérante est prescrite depuis le 1er janvier 2014 ;

- la demande de paiement ne respecte pas la procédure prévue par l'article 116 du code des marchés publics ;

- les pièces du marché prévoyant que les prestations doivent être réalisées selon les règles de l'art, elle est fondée à se prévaloir des manquements aux règles de l'art commis par la société requérante pour refuser le paiement des factures en litige ;

- les factures en litige ne correspondent pas à la réalité des travaux réalisés par la société requérante ;

- à titre subsidiaire, compte tenu des manquements aux règles de l'art commis par la société requérante, le montant des factures doit à tout le moins faire l'objet d'une réfaction de 25 %.

Un courrier du 3 septembre 2024 a informé les parties, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa des articles R. 613-1 et R. 613-2 de ce code.

Par une ordonnance du 5 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 13 mars 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le moyen tiré de l'enrichissement sans cause de la commune de Valenciennes est fondé sur une cause juridique distincte de celle des moyens invoqués en première instance et constitue une demande nouvelle irrecevable.

Par des mémoires, enregistrés les 14 et 18 mars 2025, la société Keller Fondations Spéciales indique, en réponse au moyen d'ordre public, que son moyen est recevable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Katsiaryna Vezhnavets, représentant la société Keller Fondations Spéciales et celles de Me Antoine Alonso Garcia, représentant la commune de Valenciennes.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Dans le cadre de la restauration de la basilique Notre-Dame du Saint-Cordon, la commune de Valenciennes, maître de l'ouvrage, a confié la maîtrise d'œuvre du projet à un groupement solidaire composé de M. B... C..., architecte mandataire, et de la société Hexa Ingénierie. Par un acte d'engagement du 11 juillet 2007, le lot n° 1 " façades - gros œuvre étendu " a été attribué à la société Entreprise Georges Cazeaux, mandataire d'un groupement d'entreprises solidaire. Cette société a sous-traité les travaux de reprise en sous-œuvre du clocher de la basilique pour un montant de 720 000 euros hors taxes à la société Keller Fondations Spéciales, qui a été agréée par le maître de l'ouvrage par un acte spécial du 28 septembre 2007. Les travaux ont démarré le 22 octobre 2007, ont été arrêtés à plusieurs reprises en raison de mouvements du clocher et se sont achevés le 12 septembre 2008.

2. La société Keller Fondations Spéciales a demandé à la commune de Valenciennes le paiement des factures n° 3 à 5 par des courriers des 28 octobre 2008, 1er décembre 2008, 14 septembre 2015, 14 février 2018 et 15 juin 2020.

3. Ses demandes ayant été rejetées, la société Keller Fondations Spéciales a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Valenciennes à lui verser la somme de 592 393,55 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires, au titre du paiement des trois factures. Elle relève appel du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur l'autorité de chose jugée :

4. La commune de Valenciennes fait valoir que l'autorité de chose jugée par le tribunal administratif de Lille et par la cour administrative d'appel qui ont, par leur décision respective des 23 avril 2019 et 11 juillet 2023, rejeté la demande reconventionnelle de la société Keller Fondations Spéciales tendant au paiement des trois factures en litige, fait obstacle à ce que le juge se prononce à nouveau sur la demande de la société requérante.

5. Il résulte de l'instruction que, saisis par la commune de Valenciennes d'une demande tendant à ce que la société Cazeaux, la société Keller Fondations Spéciales, la société Sols Etudes et Fondations (SEF), la société Apave Nord-Ouest, M. C... et la société Hexa Ingénierie soient solidairement condamnés à réparer les désordres résultant des travaux de restauration de la basilique Notre-Dame du Saint-Cordon, le tribunal administratif de Lille puis la cour administrative d'appel ont rejeté les conclusions de la commune de Valenciennes dirigées contre la société Keller Fondations Spéciales pour irrecevabilité et ont, par voie de conséquence, rejeté pour irrecevabilité les conclusions reconventionnelles de la société Keller Fondations Spéciales dirigées contre la commune de Valenciennes et tendant au versement de la somme de 592 393,55 euros au titre des factures de travaux impayées n° 3 à 5 émises en 2008.

6. L'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la cour du 11 juillet 2023 ne porte que sur les seuls points que cet arrêt a tranchés, soit l'irrecevabilité de conclusions reconventionnelles dans le cadre d'une action introduite par la commune de Valenciennes, et ne faisait donc pas obstacle à ce que la société Keller Fondations Spéciales présente, par voie d'action, devant le tribunal et devant la cour, une demande tendant au paiement des mêmes factures, dont le bien-fondé n'avait pas été examiné par la cour.

7. Par suite, la commune de Valenciennes n'est ainsi pas fondée à opposer l'autorité de la chose jugée aux conclusions de la société Keller Fondations Spéciales.

Sur la prescription quadriennale :

8. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ".

9. Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ; Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ".

10. Pour soutenir que la créance de la société Keller Fondations Spéciales relative au paiement des trois factures émises en 2008 est prescrite depuis le 1er janvier 2014, la commune de Valenciennes, tout en reconnaissant que sa demande en référé du 8 janvier 2009 tendant à la désignation d'un expert a interrompu le délai de prescription, soutient que ce délai a ensuite recommencé à courir à compter du 1er janvier 2010.

11. Toutefois, si la demande en référé présentée par la commune de Valenciennes devant le tribunal administratif de Lille, qui tendait à ce que soit ordonnée une expertise portant notamment sur " la réalisation des travaux de reprise en sous-œuvre " auxquels a participé la société Keller Fondations Spéciales, a effectivement interrompu le délai de prescription de la créance de cette dernière, ce délai n'a recommencé à courir qu'à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle le rapport d'expertise a été notifié aux demandeurs.

12. Or le rapport d'expertise a été remis par l'expert le 13 juin 2017. La créance de la société Keller Fondations Spéciales n'était donc pas prescrite lorsque la société a adressé ses demandes de paiement à la commune de Valenciennes les 14 septembre 2015, 14 février 2018 et 15 juin 2020, lesquelles ont permis à leur tour d'interrompre le délai de prescription.

13. Par suite, la commune de Valenciennes n'est pas fondée à soutenir que la créance de la société requérante est prescrite.

Sur la demande de paiement direct :

En ce qui concerne les textes applicables :

14. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ".

15. Aux termes de l'article 116 du code des marchés publics alors applicable : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. (...) / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. (...) ".

En ce qui concerne le non-respect de la procédure de demande de paiement direct :

16. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser en temps utile sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché, et au maître d'ouvrage.

17. La commune de Valenciennes soutient que les factures et demandes de paiement qui ont été adressées par la société requérante à la société Cazeaux, titulaire du marché, n'étaient pas libellées au nom de la commune de Valenciennes et ne lui ont donc pas été adressées, en méconnaissance de l'article 116 du code des marchés publics.

18. D'une part, il résulte de l'instruction que les demandes de paiement des trois factures en litige ont été transmises à la société Cazeaux par des courriers des 25 juin, 25 juillet et 29 octobre 2008. Si ces factures comportaient le nom de la société Cazeaux, elles portaient également chacune la mention " paiement direct ", de sorte qu'il ne faisait aucun doute pour le titulaire du marché qu'il était saisi d'une demande de paiement direct par la commune de Valenciennes.

19. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Keller Fondations Spéciales a adressé à la commune de Valenciennes une demande de paiement direct des factures n° 3 et 4 le 1er décembre 2008 et une demande de paiement direct des factures n° 3 à 5 le 14 septembre 2015.

20. Dans ces conditions, la commune de Valenciennes n'est pas fondée à soutenir que les demandes de la société Keller Fondations n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article 116 du code des marchés publics.

En ce qui concerne l'exécution effective des travaux :

21. Dans l'hypothèse d'une rémunération directe du sous-traitant par le maître d'ouvrage, ce dernier peut contrôler l'exécution effective des travaux sous-traités et le montant de la créance du sous-traitant. Au titre de ce contrôle, le maître d'ouvrage peut s'assurer que la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspond à ce qui est prévu par le marché.

22. Il résulte de l'instruction que les travaux sous-traités à la société Keller Fondations Spéciales par la société Cazeaux avaient pour objet la reprise en sous-œuvre du radier massif sous clocher de la basilique afin de stopper les mouvements de tassement, de basculement et de déversement du clocher et du portail.

23. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'avant le démarrage des travaux, la société Keller Fondations Spéciales, a obtenu l'accord de la maîtrise d'œuvre pour appliquer une méthodologie de travaux différente de celle prévue par le marché.

24. La commune de Valenciennes soutient que le paiement direct des trois factures en litige n'est pas dû dès lors que la société Keller Fondations Spéciales n'a pas exécuté les travaux qui lui ont été confiés dans le respect des règles de l'art conformément aux articles 1.06 et 1.08 du cahier des clauses techniques particulières du marché et que l'objectif de stabilisation du clocher n'a été atteint qu'au prix d'une aggravation de son inclinaison initiale.

25. Toutefois, d'une part, si, dans le cadre de la demande de paiement direct de la société Keller Fondations Spéciales, sous-traitante, la commune de Valenciennes pouvait s'assurer de ce que la consistance des travaux exécutés correspondait à ce qui était prévu par le marché, elle ne pouvait en revanche exercer un contrôle sur leur qualité au titre duquel figure le respect des règles de l'art, quand bien même cette référence aux règles de l'art figurait dans le marché et même si un manquement à ces règles par la société Keller Fondations Spéciales a justifié sa condamnation, par l'arrêt de la cour du 11 juillet 2023, à garantir le titulaire du marché à indemniser la commune au titre des désordres ayant résulté de la réalisation des travaux.

26. D'autre part, il résulte de l'instruction que si les travaux entrepris par la société Keller Fondations Spéciales ont significativement accentué le basculement du clocher, ce qui a nécessité l'arrêt du chantier à plusieurs reprises et la modification du mode opératoire des travaux et a entraîné des désordres au niveau des premières travées, un début d'effondrement de la première voûte du vaisseau central contre le clocher et un début d'effondrement des remplages des vitraux des murs longitudinaux du vaisseau central de la nef au-dessus de la toiture des collatéraux droit et gauche, ces conséquences des travaux ont résulté non pas d'une insuffisance dans la consistance des travaux exécutés mais des caractéristiques erronées du sol et du radier qui avaient été initialement communiquées à l'entreprise.

27. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, qu'en dépit des difficultés rencontrées par la société Keller Fondations Spéciales, les travaux ont été poursuivis jusqu'à leur terme et que leur achèvement a permis une stabilisation définitive du clocher et l'arrêt des mouvements du radier, conformément à l'objet des travaux tel qu'il était prévu par le marché.

28. Dans ces conditions, la commune de Valenciennes n'établit pas que la société Keller Fondations Spéciales n'a pas réalisé effectivement les travaux en cause ou que leur consistance n'a pas correspondu pas aux stipulations du marché.

29. Par suite, alors que la commune de Valenciennes ne peut utilement se prévaloir de la condamnation, par l'arrêt de la cour du 11 juillet 2023, de la société Keller Fondations Spéciales à garantir à hauteur de 25 % les sociétés condamnées à indemniser la commune de Valenciennes au titre des désordres ayant résulté de la réalisation des travaux de restauration, la société requérante est fondée à réclamer le paiement direct, par la commune, des trois factures en litige.

30. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'enrichissement sans cause de la commune de Valenciennes, que la société Keller Fondations Spéciales est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et qu'il y a lieu de condamner la commune de Valenciennes à verser à cette société la somme de 592 393,55 euros toutes taxes comprises.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

31. En premier lieu, la société Keller Fondations Spéciales a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes de 400 445,74 euros et 74 871,40 euros, correspondant aux factures n° 3 et n°4, à compter du 3 décembre 2008, date de sa demande de paiement adressée à la commune de Valenciennes augmentée de deux jours, et sur la somme de 117 076,31 euros, correspondant à la facture n° 5, à compter du 16 septembre 2015, date de sa demande de paiement adressée à la commune de Valenciennes augmentée de deux jours.

32. En deuxième lieu, la capitalisation des intérêts a été demandée le 2 octobre 2024, date d'enregistrement du mémoire complémentaire de la société requérante au greffe de la cour. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à la date du 2 octobre 2024 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais du litige :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Keller Fondations Spéciales, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Valenciennes demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

34. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Valenciennes une somme de 2 000 euros à verser à la société Keller Fondations Spéciales sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La commune de Valenciennes est condamnée à verser à la société Keller Fondations Spéciales la somme de 592 393,55 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires dans les conditions énoncées au point 31 et de leur capitalisation à compter du 2 octobre 2024.

Article 3 : La commune de Valenciennes versera à la société Keller Fondations Spéciales la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Valenciennes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Keller Fondations Spéciales et à la commune de Valenciennes.

Délibéré après l'audience publique du 20 mars 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au préfet du Nord, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA00007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00007
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL CABOUCHE & MARQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24da00007 ?
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