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10/04/2025 | FRANCE | N°24DA00644

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 10 avril 2025, 24DA00644


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2302523 du 18 janvier 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la requête de M. A....





Procédure devant la cour :




Par une requête enregistrée le 29 mars 2024, M. A..., représenté par Me Verilhac, avocat, demande à la cour :


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2302523 du 18 janvier 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la requête de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2024, M. A..., représenté par Me Verilhac, avocat, demande à la cour :

1°) d'appeler l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à la cause et de lui enjoindre de produire l'ensemble des éléments sur lesquels les médecins de l'office se sont prononcés ;

2°) de saisir le conseil d'Etat à titre préjudiciel, d'une demande d'avis concernant la question de la production des éléments sur lesquels l'administration s'est fondée pour déterminer l'offre de soin dans le cadre des refus de séjour et obligations de quitter le territoire français ;

3°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé le droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Congo comme pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, et portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous les mêmes conditions d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au bénéfice de son avocat, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, subsidiairement, à son bénéfice sur le seul fondement de ces dernières dispositions.

M. A... soutient que :

En ce qui concerne l'office du juge :

- les motifs de la décision en litige ne permettent pas de discuter l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, justifiant qu'il soit enjoint à l'office de produire les éléments ayant fondé son avis, dès lors qu'il donne son accord à la levée du secret médical.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne mentionne pas les éléments permettant de comprendre comment l'offre de soin est désormais devenue suffisante dans son pays d'origine ;

- aucune délibération du collège de médecins ne semble s'être tenue et il appartient donc à l'autorité administrative de démontrer que cet avis a été rendu à l'issue d'une délibération " collective " du collège de médecins ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen personnel, dès lors qu'aucun élément ne permet de savoir pourquoi l'offre de soin est désormais disponible dans son pays d'origine ;

- le préfet s'est estimé tenu par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son traitement n'est pas substituable dans son pays d'origine, que les médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles au Congo, qu'il ne peut y bénéficier d'une assurance maladie universelle ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

- la décision d'éloignement et celle fixant le délai de départ volontaire ne sont pas motivées de façon particulière ;

- la décision est illégale par exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision méconnaît l'article L. 611-3, 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ;

- la décision méconnaît l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

- la décision est dépourvue de motivation propre ;

- la décision est dépourvue de base légale ;

- la décision méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2024, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations, enregistrées le 15 mai 2024.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par décision du 7 mars 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....

Par lettre du 13 février 2024, les parties ont été informées de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondés sur les moyens relevés d'office tirés de l'irrecevabilité des conclusions tendant à appeler l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à la cause et à lui enjoindre de produire l'ensemble des éléments sur lesquels les médecins de l'office se sont prononcés, et de l'irrecevabilité des conclusions tendant à saisir le Conseil d'Etat à titre préjudiciel sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord conclu le 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république algérienne démocratique et populaire ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant congolais né le 14 juillet 1968 à Kinshasa (République démocratique du Congo), est entré en France le 24 août 2016, où il s'est vu refuser l'asile par décision du 28 mars 2018 de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile du 12 juillet 2018. Après avoir fait l'objet d'un refus de titre de séjour, M. A... a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 12 septembre 2018, avant de bénéficier finalement d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade du 20 juillet 2020 au 19 juillet 2022. Par une demande datée du 11 décembre 2022, M. A... a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par l'arrêté litigieux du 30 mars 2023, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure. M. A... demande l'annulation de cet arrêté. Par le jugement attaqué du 18 janvier 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la requête de M. A.... Par sa requête du 29 mars 2024, M. A... demande notamment à la cour d'annuler ce jugement et l'arrêté du 30 mars 2023 du préfet de l'Eure.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'appel à la cause de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la transmission d'une demande d'avis au Conseil d'Etat :

2. Si M. A... demande à la cour d'une part, d'appeler l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à la cause et de lui enjoindre de produire l'ensemble des éléments sur lesquels les médecins de l'office se sont prononcés, de telles conclusions relèvent des pouvoir propres du juge. Par ailleurs, si l'appelant demande à la cour de saisir le Conseil d'Etat à titre préjudiciel sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de telles conclusions ne sont pas au nombre de celles sur lesquelles il appartient au juge de statuer. Il s'ensuit que les conclusions ainsi présentées par M A... sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne le bien-fondé su jugement :

S'agissant du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à l'étranger qui cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte dont il est titulaire ".

4. Il ressort des termes de la décision litigieuse portant refus de renouvellement de titre de séjour que celle-ci, qui vise et cite notamment l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé dans son avis du 22 novembre 2022 que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravite, celui-ci peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soin et au système de santé. M. A..., qui avait bénéficié d'un précédent titre de séjour en qualité d'étranger malade, soutient que de tels motifs ne lui permettent pas de comprendre les raisons précises justifiant désormais qu'il pourrait bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine. Toutefois, le moyen tiré de ce que la motivation de la décision tenant à une évolution de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration serait insuffisante, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a examiné la situation de M. A... lors de sa séance du 22 novembre 2022. A cette occasion, les trois médecins du collège ayant signé l'avis ont considéré que si le requérant nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soin et aux caractéristiques du système de santé. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'avis régulièrement rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et des termes de l'arrêté attaqué que l'autorité préfectorale, après avoir saisi le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et avoir pris connaissance de l'avis rendu à cette occasion, a apprécié la situation personnelle de M. A.... Le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit dès lors être écarté.

8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet de l'Eure, qui a repris à son compte l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 7 juillet 2022, se serait estimé en situation de compétence liée. Ainsi, le moyen tiré d'une erreur de droit doit être écarté.

9. En cinquième lieu, la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

10. M. A... soutient que la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son traitement n'est pas substituable dans son pays d'origine, que les médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles au Congo, qu'il ne peut y bénéficier d'une assurance maladie universelle. Il ressort toutefois des éléments versés au débats et notamment de ceux produits par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au soutien du préfet que si M. A... présente un diabète de type 2, une hypertension artérielle et un adénome hypophysaire pour lesquels il suit plusieurs traitements et suivis médicaux, ces mêmes traitements sont disponibles dans son pays d'origine selon les données MedCOI, lesquelles ne sont pas sérieusement contestées. De même, M. A... ne conteste pas les indications produites par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à hauteur d'appel faisant état de la possibilité pour lui, à la date de la décision en litige, de bénéficier de suivis endocrinologique et neurochirurgicaux pour le diabète et l'adénome hypophysaire au Congo, alors même qu'aucun suivi de l'adénome hypophysaire n'était alors disponible en 2021. Enfin, si l'appelant soutient qu'il ne pourrait bénéficier d'un accès aux soins dans son pays d'origine, en l'absence de couverture maladie universelle, les éléments d'ordre général qu'il avance ne justifient pas qu'il ne pourrait pas bénéficier personnellement d'un accès approprié aux soins dans son pays d'origine alors que les documents qu'il verse mentionnent des programmes d'assistance sociale au profit de personnes vulnérables. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions précitées.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

12. M. A... est marié et père de deux enfants âgés de 15 et 16 ans à la date de la décision attaquée, qui résident en République démocratique du Congo et l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue, avoir tissé des liens amicaux, familiaux ou professionnels d'une particulière intensité en France. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, eu égard à ce qui a été exposé au point 10, d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ne sont pas fondés.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

14. En premier lieu, d'une part, aux termes L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour (...) ". L'article L. 613-1 du même code dispose que : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

15. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ". L'article L. 613-2 du même code précise que : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

16. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux du 30 mars 2023 que le préfet de l'Eure a obligé M. A... à quitter le territoire dans un délai de départ volontaire de trente jours, après lui avoir refusé le renouvellement de son titre de séjour. L'autorité administrative n'avait pas à motiver spécifiquement le choix du délai de trente jours qui correspond au délai de droit commun alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait fait valoir des éléments spécifiques justifiant qu'un délai supérieur lui soit accordé. Elle n'avait pas plus à motiver distinctement la mesure d'éloignement au regard de la motivation du refus de titre de séjour. De plus, l'arrêté attaqué vise les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent le fondement légal de la décision relative au délai de départ volontaire. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision d'éloignement et de celle accordant un délai de trente jours et d'une erreur d'appréciation dans la fixation du délai de trente jours doit être écartés.

17. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son précédent titre de séjour.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

19. Si M. A... soutient que la décision méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 611-3, 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé, il résulte de ce qui a été dit au point 10 que ce moyen doit être écarté.

20. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 12 que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soit être écarté.

21. Il résulte de ce qui précède que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ne sont pas fondés.

S'agissant de la fixation du pays de renvoi :

22. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". L'article L. 721-4 du même code précise que : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

23. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne la nationalité de M. A..., fait état de ce qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces mêmes stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de l'Eure a fondé sa décision fixant le pays de renvoi sur des considérations de droit comme de fait et l'a donc suffisamment motivée.

24. En deuxième lieu, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant son pays d'origine comme pays de destination est dépourvue de base légale.

25. En troisième et dernier lieu, si M. A... soutient que la décision méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques dont il se prévaut, qui au demeurant relèvent de son état de santé et non pas de la situation dans son pays d'origine. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Par suite, les moyens doivent être écartés.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 janvier 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2023 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation, celles présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Verilhac.

Copie pour information sera adressée au préfet de l'Eure et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Damien Vérisson, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2025.

Le rapporteur,

Signé : D. C...

La présidente,

Signé : G. Borot La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°24DA00644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00644
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Damien Vérisson
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-10;24da00644 ?
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