Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n°2302668 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 12 avril 2024 et le 22 mai 2024, M. C... A... représenté par Me Madeline, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre au préfet de de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente du réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- la décision méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est illégale par exception d'illégalité de la décision d'éloignement ;
- la décision méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord conclu le 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 28 septembre 1980 à Ghazaouet (Algérie), est entré irrégulièrement en France le 7 avril 2015 selon ses déclarations. Après avoir demandé son admission exceptionnelle au séjour en 2020, M. A... a demandé son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 21 avril 2022. Par l'arrêté litigieux du 17 avril 2023, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé l'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. A... demande à la cour l'annulation du jugement du 19 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête.
Sur le bien-fondé sur jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu des échanges contradictoires.
4. Il est constant que M. A... souffre de multiples troubles de santé, à savoir un cancer de cavum, une leucémie lymphoïde chronique en surveillance, un asthme sévère avec syndrome d'hyperventilation, de l'arthrose et une schizophrénie associée à un syndrome dépressif, pour lesquels il suit plusieurs traitements composés notamment de trimbow, de dilatrane, de theostat, d'aerius, de risperidone, de zoloft, de singulair, d'inexium, de ventoline, de pregabaline, d'econazole nitrate et d'artisial. Si M. A... se prévaut de l'indisponibilité de certains médicaments et des principes actifs nécessaires à ses traitements et fait état, de façon générale, des difficultés d'accès aux soins psychiatriques dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier et en particulier des éléments non sérieusement contestés produits en première instance par l'OFII au soutien du préfet, que l'Algérie comprend seize établissements de santé répartis sur différentes régions du territoire algérien, dont des services spécialisés pouvant prodiguer les traitements médicamenteux nécessités par l'état de santé de M. A.... S'agissant de la disponibilité de son traitement, les éléments produits par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui ne sont pas sérieusement contredits par M. A..., font apparaître que si certains produits pharmaceutiques ne sont pas commercialisés en Algérie, leurs substances actives restent disponibles sous forme génériques et remboursables ou sous forme de produits d'efficacité comparables. De plus, si l'artisial n'est pas disponible en Algérie, M. A... ne conteste pas sérieusement qu'il s'agit d'un produit de confort dont l'arrêt ou l'absence n'est pas susceptible d'engendrer des circonstances d'exceptionnelle gravité. De même, l'appelant ne conteste pas que l'Algérie comporte vingt-trois centres anticancer, dont onze établissements présentant des équipements de radiothérapie de pointe, ni que plusieurs services d'hématologie et de pneumologie sont répartis sur l'ensemble du territoire, dont certains sont situés à moins de soixante-dix kilomètres de son lieu de naissance. Enfin, si l'appelant fait état de défaillances dans la prise en charge en Algérie des différentes pathologies dont il souffre, les éléments d'ordre général qu'il produit à l'appui de son argumentation n'établissent pas qu'il ne pourra pas être pris en charge personnellement dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
6. Si M. A... soutient que la décision méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il est constant qu'il est entré irrégulièrement en France en 2015, avant d'être admis en structure médicale spécialisée dès 2016. De plus, si l'intéressé fait valoir que son père, son frère et ses sœurs résident en France, il n'établit pas être dépourvu de toute attache en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. En outre, M. A..., qui est célibataire et sans enfant, n'établit pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité avec la France depuis son arrivée en 2015. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations précitées.
7. Il résulte de ce qui précède que les moyens dirigés contre le refus de certificat de résidence doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
9. Si M. A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 6 que de tels moyens doivent être écartés.
En ce qui concerne le pays de destination :
10. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". L'article L. 721-4 du même code précise que : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
11. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne la nationalité de M. A..., fait état de ce qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces mêmes stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime a fondé sa décision fixant le pays de renvoi sur des considérations de droit comme de fait et l'a donc suffisamment motivée.
12. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant son pays d'origine comme pays de destination est dépourvue de base légale.
13. En troisième et dernier lieu, si M. A... soutient que la décision méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques dont il se prévaut, qui au demeurant relèvent de son seul état de santé et non pas de la situation dans son pays d'origine. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 6, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Par suite, les moyens doivent être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que celle présentées à fin d'injonction, doivent être rejetées.
S'agissant des frais de l'instance :
15. L'État n'étant pas la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais de l'instance ne peut être mise à sa charge. Par suite, ni son avocat ne peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ni lui-même. Les conclusions présentées à ce titre doivent donc être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Madeline.
Copie pour information sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Damien Vérisson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. B...
La présidente,
Signé : G. Borot La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°24DA00710