Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Enertrag Aisne XIII SCS, représentée par Me Hélène Gélas, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet de l'Aisne a rejeté sa demande d'autorisation environnementale ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de reprendre l'instruction de sa demande et d'engager la phase d'enquête publique ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- les motifs de refus tenant à l'absence d'évitement des risques de collision pour l'avifaune et les chiroptères, aux impacts paysagers très forts en raison des situations de covisibilité avec les bourgs de Gronard et de Gercy, l'église Saint-Thious de Gronard et l'ancien château de Cambron et à l'absence de justification du projet par son insertion dans un pôle éolien ou sa contribution à la densification des projets existants sont entachés d'erreur d'appréciation ;
- le préfet aurait pu assortir l'autorisation des prescriptions qu'il jugeait nécessaires à la prévention ou à la réduction des impacts environnementaux et visuels.
La requête a été communiquée au préfet de l'Aisne qui n'a pas produit de mémoire.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a invité les parties à produire des pièces, ce que la SAS Enertrag Aisne XIII SCS a fait le 29 janvier 2025.
Par un courrier en date du 27 janvier 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la requête pour défaut de qualité et d'intérêt à agir de la société Enertrag dès lors que l'arrêté attaqué est pris par le préfet de l'Aisne à l'encontre de la SAS Parc éolien de Terre rouge.
La SAS Enertrag Aisne XIII SCS, représentée par Me Hélène Gelas, a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public le 28 janvier 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Boudrot représentant la SAS Enertrag Aisne XIII SCS et de M. B... A..., maire de Gercy.
Une note en délibéré présentée par Me Hélène Gelas a été enregistrée le 7 mai 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Enertrag Aisne XIII SCS a déposé le 13 septembre 2021 une demande d'autorisation environnementale pour un projet de cinq éoliennes et de trois postes de livraison sur les territoires des communes de Gercy et Gronard dans le département de l'Aisne. Par un arrêté du 19 avril 2023, qui mentionne par erreur la société Parc éolien de Terre rouge, le préfet de l'Aisne a rejeté sa demande d'autorisation environnementale. Par la présente requête, la SAS Enertrag Aisne XIII SCS demande à la cour d'annuler cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le défaut de motivation :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que l'arrêté contesté vise l'ensemble des textes dont il fait application, notamment le code de l'environnement, et comporte l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Aisne pour rejeter la demande d'autorisation de construire et exploiter cinq éoliennes et trois postes de livraison sur les territoires des communes de Gercy et Gronard. Si la société pétitionnaire soutient que les motifs ne sont pas justifiés ou suffisamment explicites, l'appréciation du caractère éventuellement erroné de ceux-ci relève de l'examen du bien-fondé de l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne les motifs de refus :
4. Pour refuser de délivrer à la SAS Enertrag Aisne XIII SCS l'autorisation de construire et d'exploiter cinq éoliennes et trois postes de livraison sur les territoires des communes de Gercy et Gronard, le préfet de l'Aisne s'est fondé, premièrement, sur l'absence d'évitement des risques de collision pour l'avifaune et les chiroptères, deuxièmement, sur l'identification d'impacts très forts pour des situations de covisibilité avec les bourgs de Gronard et de Gercy, l'église Saint-Thious de Gronard et l'ancien château de Cambron, troisièmement, sur l'absence de justification du projet au regard de son insertion dans un pôle éolien ou de sa contribution à la densification des projets existants promue par les schémas départementaux.
S'agissant de l'absence de mesures d'évitement pour l'avifaune et les chiroptères :
5. Pour justifier le refus de délivrer une autorisation environnementale, le préfet a indiqué qu'alors que sur 60 espèces d'oiseaux recensées, 42 sont protégées en France et 7 sont inscrites à l'annexe I de la directive Oiseaux et que deux espèces d'oiseaux, la Buse variable et le Faucon crécerelle, sont présents tout au long de l'année notamment autour et au sein des boisements de l'aire d'étude, le projet, s'il réduit les risques de collision pour l'avifaune, ne les évite pas.
6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement (...). ".
7. D'une part, si le préfet critique l'absence d'évitement des risques de collision pour les chiroptères, il n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que les mesures consistant notamment à implanter les éoliennes en dehors des " zones tampons " entourant les lieux à forte activité chiroptérologique ne permettraient pas de réduire à un niveau acceptable les risques d'atteinte aux chiroptères et que seule une mesure d'évitement devait être envisagée par la société pétitionnaire.
8. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'avifaune a fait l'objet d'une campagne de mesures diurnes et crépusculaires portant sur un cycle biologique complet, entre décembre 2019 et novembre 2020, qui a permis de couvrir les phases de migration pré et postnuptiales, la phase de nidification et d'hivernage de l'ensemble des espèces recensées, et notamment des sept inscrites sur la liste annexée à la directive Oiseaux. La seule circonstance que des espèces protégées aient été identifiées sur l'aire d'étude du projet ne suffit pas à caractériser des risques afférents si le projet est accompagné des mesures " éviter, réduire, compenser " (ERC) à même de les pallier.
9. Il résulte de l'instruction que la société pétitionnaire a veillé, lors du choix de la zone d'implantation potentielle (ZIP), à éviter les populations connues d'espèces protégées ou à forts enjeux et/ou leurs habitats. Elle a, par ailleurs, défini, des zones tampons de 250 mètres des boisements et 150 mètres des haies et implanté les éoliennes en dehors de ces zones tampons, à l'exception de l'éolienne T5 située à 240 mètres. Il ressort de l'étude d'impact que les éoliennes, qui ont été réduites à cinq et dont la garde au sol ne sera pas inférieure à 30 mètres, sont situées dans des secteurs à enjeux faibles, en recul de plus d'un kilomètre de la vallée du Vilpion et des couloirs de migration secondaires identifiés et qu'elles seront bridées du 15 avril au 30 septembre. En outre, le projet, qui ne commencera à être réalisé qu'en dehors de la période de reproduction de certains oiseaux, évite les zones de chasse favorisées par la Buse variable et le Faucon crécerelle, cités dans l'arrêté préfectoral. La société pétitionnaire a également proposé de créer un habitat favorable à la nidification et à la chasse de l'avifaune patrimoniale locale, notamment les Busards et le Faucon crécerelle, et de planter une haie pour créer un corridor écologique. L'ensemble de ces mesures a abouti à la conclusion de l'absence d'impact résiduel significatif engendré par le projet pour l'avifaune et les chiroptères.
10. Dans ces conditions, ainsi que le soutient à raison la société requérante, le préfet de l'Aisne, qui n'a pas présenté d'observations en défense, n'était pas fondé à refuser le projet en litige au motif de l'atteinte portée à l'avifaune et aux chiroptères.
S'agissant de l'absence de justification de l'insertion du projet dans un pôle de densification des parcs éoliens :
11. Pour justifier le refus de délivrer une autorisation environnementale, le préfet a indiqué que " la justification du projet consistant à mentionner qu'il s'insère dans un pôle éolien où la stratégie choisie par les schémas départementaux est la densification des projets existants n'est pas avérée " et souligné que cinq projets sur six situés en Basse Thiérache dans la zone tampon correspondant à l'enjeu des églises fortifiées ont fait l'objet d'un arrêté de refus.
12. Il résulte de l'instruction que le schéma régional éolien annexé au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie du Nord-Pas-de-Calais arrêté par le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais le 25 juillet 2012 a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Lille du 19 avril 2016, confirmé par un arrêt de la cour du 19 avril 2016 devenu définitif. Ni la société pétitionnaire, ni le préfet ne peuvent donc utilement se prévaloir des mentions figurant dans ce schéma. En tout état de cause, il ressort de l'étude paysagère que le schéma régional éolien, s'il n'identifiait pas la zone d'implantation potentielle (ZIP) du projet comme favorable à l'éolien, même sous condition, ne la classait pas non plus dans une zone défavorable ou contrainte pour l'implantation d'éoliennes, mais l'intègre dans un " pôle de densification " n° 3 appelé à être conforté ou à développer la densification des projets existants. Il ressort par ailleurs de la carte de l'état éolien présenté dans cette étude qu'une cinquantaine de parcs éoliens se situent dans l'aire éloignée du projet dont une vingtaine dans le pôle de densification ainsi identifié. La circonstance que le préfet aurait opposé des refus à des demandes d'autorisation de projet de parcs éoliens pour protéger les églises fortifiées de la Basse-Thiérache est à cet égard sans incidence, d'autant plus que le bien-fondé de ces refus, comme celui du refus en litige, est soumis au contrôle du juge de plein contentieux et que le préfet n'établit ni même n'allègue que le projet en litige aurait un impact significatif sur certaines de ces églises.
13. Dans ces conditions, ainsi que le soutient à raison la société requérante, le préfet de l'Aisne, qui n'a pas présenté d'observations en défense, n'était pas fondé à refuser le projet en litige au motif de l'absence de justification de l'intégration du projet dans un pôle de densification et de l'édiction d'arrêtés préfectoraux de refus de projets de parc éolien au regard de l'enjeu des églises fortifiées en Basse Thiérache.
S'agissant de l'impact sur les paysages, les sites et les monuments :
14. Pour justifier le refus de délivrer une autorisation environnementale, le préfet a fait valoir les impacts très forts identifiés pour des situations de covisibilité avec les silhouettes des bourgs de Gronard et de Gercy et avec l'église Saint-Thious de Gronard et l'ancien château de Cambron, alors que les églises font partie d'un ensemble d'églises fortifiées protégées au titre de l'article L.511-1 du code de l'environnement.
15. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement en vigueur : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...). ". L'article L. 511-1 dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage (...), soit pour la protection (... des paysages (...), soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".
16. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer l'autorisation sollicitée ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
17. Contrairement à ce que prétend la société pétitionnaire, le préfet a, en tout état de cause, tenu compte des caractéristiques et de la qualité des lieux concernés par le projet en insistant, notamment, sur la présence de bâtiments patrimoniaux et des églises fortifiées de la Thiérache. Il résulte de l'instruction que le projet s'implante le long de la route nationale (RN) 2 dans un paysage caractérisé par un vaste plateau agricole au relief doucement ondulé, déjà empreint du motif éolien, avec 53 parcs construits, accordés ou en cours d'instruction. Situé entre la Thiérache bocagère et la vallée de la Serre, il n'est lui-même pas protégé au titre des paysages sensibles ou très sensibles, ni recensé au titre des paysages emblématiques. Dès lors, le paysage dans lequel s'insère le projet, s'il n'est pas dénué de tout intérêt, ne revêt pas de caractère remarquable.
Quant à l'impact sur l'ancien château de Cambron :
18. Il résulte de l'étude paysagère, et notamment du photomontage n°36 concernant la vue depuis la frange ouest de Cambron, que l'ancien château de Cambron, dont la tour est classée au titre des monuments historiques par un arrêté du 3 février 1928, est en situation de covisibilité avec le parc éolien. Toutefois, la tour, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle soit ouverte au public, est de faible hauteur et ne se distingue pas de manière saillante des autres parties du château et notamment des toits pentus qui l'entourent, ce qui est de nature à atténuer l'impact de la covisibilité. Au surplus, l'ancien château apparaît à l'ouest dans un creux de la vallée, tandis que les cinq éoliennes, dont la plus proche est située à 2,5 kms, sont visibles à l'est, sur la ligne de crête de la vallée. Leur orientation dans des directions différentes évite ainsi une confrontation visuelle directe. En outre, si les cinq éoliennes dépassent largement les boisements présents à leurs pieds, deux poteaux électriques et des arbres situés sur le même plan que le château apparaissent visuellement d'une hauteur supérieure, atténuant également l'impact de la covisibilité. Par suite, et même si l'étude paysagère a évalué l'impact du projet comme " fort " en termes de covisibilité avec le château, le motif de refus de ce chef n'apparaît pas fondé.
Quant à l'impact sur l'église de Saint-Thious de Gronard :
19. Il résulte de l'étude paysagère, et notamment du photomontage n°25 concernant la vue depuis le sud du village de Gronard à l'intersection entre la route départementale (RD) 37 et une route communale menant à Gronard, que l'église, classée au titre des monuments historiques par un arrêté du 10 mars 1995, est en situation de covisibilité avec le parc éolien. Toutefois, l'église est entourée par des boisements denses qui la dissimulent presque complétement. Seul le sommet de son clocher dépasse légèrement de ceux-ci mais ne se distingue pas de manière saillante dans le paysage, ce qui réduit largement l'effet de covisibilité. Au surplus, d'après le photomontage n° 26, seul un bout de pale de l'éolienne T3 est visible depuis les abords de l'église Saint-Thious, à une hauteur moindre que le bâti situé au premier plan, ce qui est de nature à atténuer l'impact du parc éolien sur l'église. Par suite, et même si l'étude paysagère a évalué l'impact du projet comme " fort " en termes de covisibilité avec celle-ci, le motif de refus de ce chef n'apparaît pas fondé.
Quant à l'impact sur le village de Gercy :
20. Il résulte de l'instruction, et notamment des photomontages complémentaires réalisés depuis la sortie sud de Gercy à une date indéterminée postérieurement à l'étude d'impact, que les cinq éoliennes apparaissent dissimulées par le bâti et la végétation environnants. De même, depuis la frange nord-est de Gercy, les cinq éoliennes sont partiellement masquées par des arbres et dans un rapport de hauteur équivalent. Toutefois, il ressort du photomontage n° 38 figurant dans l'étude paysagère que, depuis le centre-bourg, situé à 1,2 km de l'éolienne la plus proche (T1) et à 2 kms de l'éolienne la plus éloignée (T5), les éoliennes T1 et T3 sont visibles, tandis que les éoliennes T2, T4 et T5 sont masquées par le bâti. Il est vrai que l'éolienne T3 se confond en partie avec un poteau et des lignes électriques, mais l'éolienne T1 a une présence marquante, même si son mât est largement caché par le bâti et si ses pales sont d'une hauteur inférieure à un poteau électrique présent au premier plan. En outre, il résulte du photomontage n° 39 figurant dans l'étude paysagère que depuis l'entrée nord de Gercy les cinq éoliennes se détachent de manière nette au-dessus des boisements, sur une ligne perpendiculaire au chemin communal, même si les mats sont partiellement masqués. Elles présentent une covisibilité avec l'église fortifiée Saint-Michel située à l'ouest du parc, qui surplombe l'espace boisé qui l'entoure et dont la hauteur est dans un rapport équivalent à celle des éoliennes, en particulier l'éolienne T1. Comme le souligne l'étude paysagère, l'impact paysager du parc éolien projeté est " fort " sur le centre-bourg de Gercy comme sur la silhouette du bourg, créant une modification du paysage quotidien, en plus d'un point d'effet visuel pour le centre-bourg et d'une concurrence visuelle pour la silhouette. Ainsi, en opposant un refus au projet de cinq éoliennes en raison de l'impact fort du projet sur la silhouette du bourg de Gercy, le préfet de l'Aisne n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
Quant à l'impact sur le village de Gronard :
21. Il résulte de l'instruction et notamment de deux photomontages complémentaires réalisés depuis les sorties est et ouest de Gronard à une date indéterminée postérieurement à l'étude d'impact que les cinq éoliennes apparaissent dissimulées par le bâti et la végétation environnants. Toutefois, il ressort du photomontage n° 25 figurant dans l'étude paysagère qu'au sud du bourg de Gronard, à l'intersection entre la RD 37 et une route communale menant au village, les éoliennes, dont la plus proche (T4) est prévue pour être à une distance de 1,5 km, surplombent le village dont elles épousent l'implantation de part et d'autre du chemin communal. Si seule une pale de l'éolienne T1 émerge en partie des boisements, les pales des autres éoliennes et une partie de leurs mâts se détachent nettement au-dessus des boisements et du village. Comme le souligne l'étude paysagère, l'impact paysager du parc éolien projeté est " très fort " sur la silhouette du village de Gronard, occasionnant une modification du paysage quotidien, une concurrence visuelle et un effet de miniaturisation du bâti. Ainsi, en opposant un refus au projet de cinq éoliennes en raison de l'impact fort du projet sur la silhouette du bourg de Gercy, le préfet de l'Aisne n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
22. Il résulte de l'instruction que le préfet de l'Aisne aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur le motif tiré de l'atteinte à la protection des paysages relatifs aux villages de Gercy et de Gronard. Il s'ensuit que la SAS Enertrag Aisne XIII SCS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale qu'elle sollicitait. Ses conclusions d'annulation doivent, dès lors, être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Enertrag Aisne XIII SCS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Enertrag Aisne XIII SCS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Enertrag Aisne XIII SCS et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Aisne, aux communes de Gercy et de Gronard.
Délibéré après l'audience publique du 30 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Damien Vérisson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA01145 2