La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2025 | FRANCE | N°24DA01203

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 05 juin 2025, 24DA01203


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre à lui verser, à titre principal, la somme de 450 000 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 16 septembre 2020, date de réception de sa demande d'indemnisation, et de leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale de la procédure de passation

du contrat de concession pour l'exploitation du centre aquatique situé à Louvroil et de me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre à lui verser, à titre principal, la somme de 450 000 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 16 septembre 2020, date de réception de sa demande d'indemnisation, et de leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale de la procédure de passation du contrat de concession pour l'exploitation du centre aquatique situé à Louvroil et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2100275 du 23 avril 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la SAS Vert Marine et a mis à sa charge une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juin et 26 novembre 2024, la SAS Vert Marine, représentée par la SELARL Audicit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre à lui verser, à titre principal, la somme de 450 000 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros, assortie des intérêts de droit à compter du 16 septembre 2020, date de réception de sa demande d'indemnisation, et de leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale de la procédure de passation du contrat de concession pour l'exploitation du centre aquatique situé à Louviers ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa créance n'est pas prescrite dès lors que ni la publication de l'avis d'intention de conclure le contrat, ni celle de la délibération du conseil communautaire autorisant la signature du contrat n'ont permis de faire courir le délai de prescription quadriennale ;

- la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre était tenue d'écarter l'offre de la société attributaire au motif qu'en faisant application de la convention collective espace de loisirs d'attractions culturelles (ELAC) et non de la convention nationale du sport, elle ne respectait pas la législation sociale en vigueur ;

- cette irrégularité a eu des conséquences sur l'appréciation des offres des candidats dès lors que l'application de la convention collective ELAC est plus favorable aux employeurs ;

- elle disposait, en l'absence d'irrégularité dans la procédure de passation, d'une chance sérieuse d'emporter le marché dès lors que son offre avait vocation à être classée en deuxième position ;

- elle a subi un manque à gagner de 450 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistré les 1er octobre 2024 et 18 février 2025, la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre, représentée par Me Clémence Cordier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Vert Marine la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance de la société requérante est prescrite depuis le 31 décembre 2019 ;

- la procédure de passation du contrat de concession n'est pas irrégulière dès lors que l'offre de la société attributaire ne prévoyait pas l'application de la convention ELAC, quand bien même cette convention a été utilisée par la société attributaire au stade de l'exécution du contrat ;

- la société requérante ne disposait d'aucune chance sérieuse d'emporter le contrat ;

- le manque à gagner réclamé est surévalué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- Arrêté du 25 juillet 1994 portant extension de la convention collective nationale des parcs de loisirs et d'attractions et de deux avenants ;

- l'arrêté du 21 novembre 2006 portant extension de la convention collective nationale du sport (n° 2511) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Alice Minet, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Leuliet, substituant Me Boyer, représentant la SAS Vert Marine.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre a engagé, au cours de l'année 2015, une procédure de mise en concurrence en vue de la conclusion d'un contrat de concession pour l'exploitation de son centre aquatique situé à Louvroil pour une période de six ans. Au terme de l'analyse des offres, elle a publié un avis d'intention de conclure le contrat avec la société Espace Récréa au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 9 octobre 2015. Par un courrier du 15 septembre 2020, la SAS Vert Marine a demandé à la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction irrégulière de la procédure de passation du contrat.

2. Sa demande ayant été rejetée par une décision du 9 novembre 2020, la SAS Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre à lui verser, à titre principal, la somme de 450 000 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 10 000 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 16 septembre 2020, date de réception de sa demande d'indemnisation, et de leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale de la procédure de passation du contrat de concession. Elle relève appel du jugement du 23 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel (...) peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective (...) ".

4. Il résulte des dispositions du code du travail citées au point précédent que les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel rendues obligatoires par arrêté ministériel s'imposent aux candidats à l'octroi d'une délégation de service public lorsqu'ils entrent dans le champ d'application de cette convention. Par suite, une offre finale mentionnant une convention collective inapplicable ou méconnaissant la convention applicable ne saurait être retenue par l'autorité concédante et doit être écartée comme irrégulière par celle-ci.

5. Par un arrêté du ministre en charge du travail du 21 novembre 2006, la convention collective nationale du sport a été étendue et son champ d'application a été ainsi défini par son article 1.1 dans sa version alors en vigueur : " La convention collective du sport règle, sur l'ensemble du territoire y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises exerçant leur activité principale dans l'un des domaines suivants : / - organisation, gestion et encadrement d'activités sportives ; / - gestion d'installations et d'équipements sportifs. / (...) ".

6. Le champ d'application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels, étendue par un arrêté ministériel du 25 juillet 1994, a été ainsi défini par son article 1er, dans sa rédaction applicable au litige : " La convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels règle, sur l'ensemble des départements français, y compris les DOM, les relations entre les employeurs et les salariés des entreprises de droit privé à but lucratif : / (...) - qui gèrent des installations et / ou exploitent à titre principal des activités à vocation récréative et / ou culturelle, dans un espace clos et aménagé avec des installations fixes et permanentes comportant des attractions de diverse nature (...). / Sont exclues du champ d'application les entreprises de droit privé, à but lucratif, répertoriées sous l'ancienne codification NAF 92.6 " gestion d'installations sportives " et " autres activités sportives ", remplacée par la codification suivante : 93. 11Z : " gestion d'installations sportives " (...) / gestion d'installations sportives à caractère récréatif et de loisir. / Et, plus précisément, les installations et les centres des activités suivantes : / les piscines ; les patinoires (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que le contrat en litige a pour objet l'exploitation, par voie d'affermage, d'un centre aquatique intercommunal composé d'un hall bassin sportif comprenant un bassin sportif de 525 m2 et un bassin éducatif et d'activités de 130 m2, d'un hall bassin de loisirs et de détente comprenant un bassin de loisirs à vocation familiale de 253 m2, un bassin d'apprentissage enfant de 89 m2, un bassin petit enfance de 25 m2 et deux rivières à bouées, d'un hall bassin plongée comprenant une fosse de 10 mètres de profondeur et enfin d'un espace remise en forme de 410 m2.

8. Compte tenu de ces caractéristiques, et alors même que le centre comporte accessoirement des espaces ludiques et de détente, l'exploitation d'un tel équipement consiste en la gestion d'installations sportives à caractère récréatif ou de loisirs et relève, en conséquence, de la convention collective nationale du sport.

9. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction, notamment de l'offre de la société Espace Récréa et du rapport d'analyse des offres, dont la communication a été sollicitée par la cour en application des dispositions de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative, que cette société, attributaire du contrat, aurait indiqué, dans son offre ou au cours des négociations, qu'elle faisait application de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels.

10. Par ailleurs, la circonstance que la société attributaire a appliqué la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels au cours de l'exécution du contrat ne saurait suffire à démontrer que l'offre présentée par elle dans le cadre de la procédure de passation en litige prévoyait l'application de cette convention.

11. Dans ces conditions, la SAS Vert Marine n'est pas fondée à soutenir que la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre a retenu une offre irrégulière et a ainsi entaché d'irrégularité la procédure de passation du contrat en litige. Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à demander la condamnation de la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre à lui verser une indemnisation pour le préjudice subi du fait de son éviction.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Vert Marine n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la SAS Vert Marine demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

14. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Vert Marine la somme de 2 000 euros à verser à la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Vert Marine est rejetée.

Article 2 : La SAS Vert Marine versera à la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Vert Marine et à la communauté d'agglomération Maubeuge Val-de-Sambre.

Délibéré après l'audience publique du 22 mai 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président assesseur,

- Mme Alice Minet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : A. Minet Le président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au préfet du Nord, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°24DA01203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01203
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Alice Minet
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CORDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24da01203 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award