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19/06/2025 | FRANCE | N°24DA02540

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 19 juin 2025, 24DA02540


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2306258 du 19 décembre 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté e

n tant qu'il prononce à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire françai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2306258 du 19 décembre 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il prononce à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2024, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a annulé la décision du 24 janvier 2023 portant interdiction de retour sur le territoire français ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de cette décision.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision portant interdiction de retour était entachée d'une erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant marocain, entré en France en 2017 pour y poursuivre des études, s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant valable à compter du 1er novembre 2018 et renouvelée jusqu'au 23 novembre 2021. Par un arrêté du 24 janvier 2023, le préfet du Nord a refusé a refusé de lui renouveler ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 19 décembre 2024 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a fait droit à la demande de M. D... tendant à l'annulation de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

2. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

3. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., entré sur le territoire français le 27 août 2017, soit depuis environ cinq ans à la date de la décision contestée, où il n'a été admis au séjour que le temps nécessaire à la poursuite de ses études, ne justifie pas d'une longue durée de présence sur le territoire français. En outre, l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne justifie d'aucune attache privée ou familiale sur le territoire français. Dans ces conditions, alors même que M. D... n'a pas déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et ne représente aucune menace pour l'ordre public, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant de lui interdire le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le motif tiré de l'erreur d'appréciation du préfet pour annuler la décision contestée.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par M. D... devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de cette décision.

7. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, M. D... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision interdisant son retour sur le territoire.

8. En tout état de cause, d'une part, par un arrêté du 13 octobre 2022, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. C... E..., adjoint à la cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers, à l'effet, notamment, de signer les décisions portant refus de titre de séjour.

9. D'autre part, si M. D... soutient qu'il réside sur le territoire français depuis 2017, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et, notamment, de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé en France, qui est célibataire et sans enfant, n'a été admis à séjourner sur le territoire français que pour y poursuivre des études, dont il n'a d'ailleurs pas justifié du sérieux, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc où résident ses parents ainsi que son frère et sa sœur, la décision portant refus de titre de séjour ait porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

10. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté litigieux en tant qu'il prononçait à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2306258 du 19 décembre 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de décision du 24 janvier 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... D....

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

2

N°24DA02540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA02540
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;24da02540 ?
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