Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 8 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2206269 du 6 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 avril et 18 mai 2023, M. C... E..., représenté par Me Amira, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2206269 du 6 février 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du 8 juillet 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont visés ont été abrogés et que le visa des services du ministre chargé de l'emploi prévu par les dispositions de l'article 7 b) de l'accord franco algérien n'était pas requis ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que sa famille réside en France et non en Algérie ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2023, rectifiée le 12 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- et les observations de Me Amira, représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien né le 8 mai 1978, est entré en France le 26 mai 2019 sous couvert d'un visa court séjour. Le 11 octobre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 8 juillet 2022 le préfet de l'Isère lui a opposé un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. Par un jugement du 6 février 2023, dont M. E... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée vise les textes applicables à la situation de M. E..., notamment les stipulations des article 7 b) et 9 de l'accord franco-algérien, ainsi que les circonstances de faits sur lesquels elle se fonde, par suite, les moyens tirés de son insuffisante motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 de cet accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / Ce visa de long séjour accompagné des pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent. " et aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; (...) ".
4. Il résulte de ces stipulations qu'un certificat de résidence portant la mention " salarié " ne peut être délivré à un ressortissant algérien que s'il justifie d'une autorisation de travail assortie d'un contrat visé par la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités ainsi qu'un visa de long séjour.
5. En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que M. E... est entré en France sous couvert d'un visa d'une durée de 90 jours et qu'il n'a présenté aucune autorisation de travail à l'appui de sa demande de certificat de résidence algérien sollicité en qualité de salarié. Par suite, l'intéressé ne répondait à aucune des conditions cumulatives prévues par les stipulations précitées. Les circonstances qu'il ait disposé d'une autorisation provisoire l'autorisant à travailler dans l'attente de l'instruction de sa demande et qu'il dispose d'une promesse d'embauche datée du 12 mai 2023 sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Il en est de même de la circonstance que l'arrêté mentionne les articles L. 611-1-1 et L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont été abrogés. Les moyens tirés de l'erreur de droit, de la méconnaissance des stipulations précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. M. E... fait valoir qu'il vit en France depuis 2019 avec son épouse et ses quatre enfants mineurs, respectivement nés en 2010, 2013, 2016 et 2019, qui sont scolarisés en France. Il justifie, par des documents produits postérieurement à la date de la décision contestée, que sa fille A... souffre d'une scoliose nécessitant un suivi orthopédique ainsi qu'une intervention chirurgicale à court terme, que son fils B... présente une pathologie uronéphrologique pour laquelle il est suivi tous les six mois dans un service spécialisé à l'hôpital Femme Mère et Enfant D... et que son épouse dispose d'une autorisation de travail, d'un récépissé de demande de titre de séjour et d'un contrat de travail. Cependant, il n'établit pas que son épouse, également de nationalité algérienne, était, à la date de la décision contestée, en situation régulière sur le territoire français et l'autorisation de travail, le récepissé de demande de titre de séjour et le contrat de professionnalisation dont elle dispose lui ont été délivrés postérieurement à cette décision. Si deux de ses enfants font l'objet d'un suivi médical en France en raison de leurs pathologies, M. E... n'établit pas qu'il leur serait impossible de bénéficier d'un traitement ou d'un suivi médical appropriés à leur état de santé en Algérie. Dans ces circonstances, il ne justifie d'aucun élément qui se serait opposé à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie et à la poursuite de la scolarité de ses enfants dans ce pays à la date à laquelle la décision contestée a été prise. Dans ces conditions, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
8. Si l'intéressé soutient que le préfet de l'Isère a commis une erreur de fait en mentionnant qu'il n'avait aucune attache sur le territoire français dès lors que son épouse et ses enfants résident avec lui en France, ce dont il n'avait pas informé le préfet à la date de la décision en litige, cette circonstance est cependant sans incidence sur la légalité de cette décision dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs invoqués pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, compte-tenu de ce qui a été précédemment exposé, M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au soutien de ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. En second lieu, dès lors notamment qu'il n'est pas établi que les enfants du requérant ne pourraient pas bénéficier d'un traitement et d'un suivi médical appropriés à leur pathologie respective en Algérie, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01286