Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 5 décembre 2022 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2209571 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2023, Mme B... A..., représentée par Me Zoubkova-Allieis, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2209571 du 7 avril 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 5 décembre 2022 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son état de santé ne lui permet pas de voyager seule et justifie un besoin d'assistance permanent ;
- l'arrêté contesté a des conséquences disproportionnées et préjudiciables à son état de santé ;
- compte tenu de son âge et de son état de santé, elle justifie de circonstances humanitaires permettant la délivrance d'un titre de séjour ;
- elle ne pourra pas bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Algérie ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an portent une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale.
Le préfet de la Loire, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 2 juin 1941, est entrée en France le 25 février 2020 selon ses déclarations. Elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article 67° de l'accord franco-algérien le 12 avril 2022. Par un arrêté du 5 décembre 2022, la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 7 avril 2023, dont Mme A... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFFI) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et des éventuelles mesures d'instruction qu'il peut toujours ordonner.
4. En l'espèce, il résulte des pièces du dossier et notamment de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII le 31 août 2022 que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont l'interruption pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité cette dernière peut cependant bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Mme A..., atteinte de la maladie de Parkinson, soutient que son état de santé, qui s'est aggravé, entraine une perte d'autonomie qui ne lui permet pas de voyager seule et nécessite une assistance permanente dans les actes de la vie courante. Elle soutient par ailleurs que les structures médicales et les soins adaptés à son état de santé sont inexistants en Algérie. Toutefois, d'une part, elle ne produit aucune pièce justifiant de son état de santé et, d'autre part, en se bornant à invoquer, en terme généraux, l'insuffisance des structures médicales algériennes au regard des possibilités de traitements de sa pathologie en France, elle ne justifie d'aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII quant à la possibilité d'une prise en charge appropriée à son état de santé dans son pays d'origine ou à sa possibilité de voyager sans risque. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Loire n'aurait pas fait une exacte application des dispositions précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ou aurait commis une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences de cette décision sur sa situation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Mme A..., qui est veuve, âgée de 81 ans et réside en France depuis le 25 février 2020 selon ses déclarations, fait valoir qu'elle vit depuis cette date auprès de sa fille et de ses petits-enfants, de nationalité française, et que son état de santé nécessite une assistance permanente dans les actes de la vie courante. Cependant, elle ne justifie pas être dépourvue de toutes attaches personnelles et familiales en Algérie, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 78 ans, et n'établit pas qu'elle ne pourrait obtenir dans ce pays l'assistance requise par sa perte d'autonomie, dès lors, notamment, qu'elle ne conteste pas avoir neuf enfants dont certains résident en Algérie. Dans ces conditions, quand bien même elle ferait l'objet d'un suivi médical en France, elle n'est pas fondée à soutenir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situerait en France. En conséquence, la préfète de la Loire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
7. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 4 et 6 du présent arrêt, la décision contestée n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir général de régularisation du préfet.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En l'absence d'éléments supplémentaires, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés au point 6 du présent arrêt.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
9. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
10. Compte tenu des éléments relatifs à la vie privée et familiale de la requérante exposés au point 6 du présent arrêt, la préfète de la Loire a pu légalement prononcer l'interdiction de retour sur le territoire français attaquée et, en l'absence d'éléments supplémentaires, Mme A... ne peut se prévaloir d'aucune circonstance humanitaire de nature à démontrer que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01615