Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... ... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 8 août 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2208777 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Lefevre, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2208777 du 17 février 2023 du tribunal administratif de Lyon et les décisions préfectorales du 8 août 2022 ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou bien, si seule la mesure d'éloignement est annulée, et sous un mois, une autorisation provisoire de séjour jusqu'au terme du réexamen de sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
M. A... B... soutient que :
- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure d'éloignement, illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions lui accordant un délai de départ volontaire de 30 jours et désignant son pays de renvoi, l'une et l'autre illégales en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement, sont chacune entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2024.- ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... B..., ressortissant algérien né en 1944, a séjourné en France d'avril 1969 à janvier 1985, sous couvert de divers titres de séjour. Le préfet du Rhône, le 2 juin 2009, a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " retraité ". Le préfet de l'Aisne, le 26 septembre 2017, a également opposé un refus à sa demande de délivrance d'un certificat de résidence, en qualité de retraité ou d'étranger malade, et a assorti sa décision d'une mesure d'éloignement, décisions dont M. A... B... n'a pas obtenu l'annulation. Ce dernier s'est encore vu opposer une décision de refus de séjour en qualité d'étranger malade par décision du 8 août 2022, prise par le préfet du Rhône, lequel l'a obligé à quitter le territoire français sous trente jours et a désigné son pays de renvoi. M. A... B... relève appel du jugement du 17 février 2023 du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales du 8 août 2022.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour refuser de délivrer le certificat de résidence sollicité par M. A... B..., le préfet du Rhône s'est appuyé sur un avis, qu'il a versé au dossier de première instance, émis le 30 septembre 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lesquels ont estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... présente une pathologie cardiaque ayant conduit à l'implantation, en 2014, d'un stent actif et rythmique en fibrillation atriale permanente, ainsi qu'une pathologie rénale se traduisant par des troubles mictionnels. Il est également affecté par une dyspnée d'effort et des douleurs thoraciques associées, qui n'ont pas d'explication coronarienne, et par une gonarthrose bilatérale, qui ne nécessite pas encore d'arthroplastie, et il souffrait d'une hernie inguinale qui a nécessité une cure par coelioscopie le 22 juillet 2022. Selon le requérant, les médicaments Liptruzet, réducteur du risque d'accidents cardiovasculaires, Atenolol, bêtabloquant utilisé dans le traitement de l'hypertension artérielle et de certains troubles du rythme cardiaque, Mianserine, antidépresseur, Pantoprazole, antisécrétoire gastrique et Avodart, traitant les troubles urinaires, ne seraient pas disponibles en Algérie car non répertoriés sur un site internet dénommé Pharm'Net. Il est vrai que le préfet n'a pas contesté cette allégation. Toutefois, d'abord, le requérant ne produit pas de captures d'écran témoignant de ses recherches infructueuses sur ce site Internet " Pharm'Net ", à accès payant, développé par une société privée, et qui se présente comme " l'encyclopédie algérienne des médicaments ". Ensuite, aucune pièce médicale figurant au dossier n'exclut une possibilité de substitution de ces médicaments par d'autres médicaments équivalents, qui eux, pourraient être disponibles en Algérie, ni ne mentionne une impossibilité pour M. A... B... d'y bénéficier d'un suivi pluridisciplinaire. Au contraire, le médecin généraliste du requérant énonce, dans des certificats médicaux des 10 décembre 2019 et 10 février 2021, qu'un traitement et un suivi médical de ses pathologies cardiaque et rénale pourront lui être proposés dans son pays d'origine. Enfin, le requérant, qui perçoit une pension de retraite française d'un montant mensuel de 113 euros, se borne à alléguer, sans le justifier, que les médicaments nécessaires à son traitement seraient, au regard de sa situation financière, trop coûteux pour lui en Algérie, sans démontrer qu'il ne pourrait pas bénéficier du système algérien de protection sociale prévu pour de tels cas. Ainsi, aucune pièce du dossier ne permet de remettre en cause l'avis émis le 30 septembre 2021 par le collège de médecins de l'OFII, qui succédait à un avis identique émis le 24 mars 2017. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade à M. A... B..., le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A... B... est né en 1944 en Algérie, qu'il a quittée une première fois, en avril 1969, pour travailler, en tant que manœuvre, en France où il a séjourné jusqu'en 1985, et où il est revenu une seconde fois, sous couvert d'un visa de court séjour, en novembre 2012, âgé de 68 ans, désormais retraité. Le requérant se prévaut de la durée cumulée de ses deux séjours ainsi que de la présence en France de son neveu et de l'épouse de ce dernier, de nationalité française, et de celle de sa nièce, et du fils de cette dernière, titulaires de certificats de résidence de dix ans. Toutefois, alors qu'il se maintient sur le territoire malgré une mesure d'éloignement prononcée à son encontre en septembre 2017 et qu'il n'a pas exécutée, les attaches du requérant se trouvent encore en Algérie, où résident son épouse, le mariage ayant été célébré le 11 octobre 1983, ainsi que les trois enfants du couple, nés en 1986, 1991 et 1995, où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans, puis de l'âge de 41 à 68 ans. Par ailleurs, ainsi qu'il a été précédemment exposé, M. A... B... peut, dans son pays d'origine, bénéficier d'un traitement médical adapté à son état de santé. Ainsi, la décision contestée portant refus de séjour ne peut pas être regardée comme ayant porté au droit de M. A... B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de la mesure d'éloignement attaquée. Pour les mêmes motifs développés au point 4, cette mesure ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En dernier lieu, la mesure d'éloignement n'étant pas, compte tenu de ce qui précède, entachée d'illégalité, le moyen reposant sur une telle illégalité articulé à l'encontre de la décision impartissant à M. A... B... un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et de celle désignant son pays de renvoi, doit être écarté. Ces deux décisions ne sont pas non plus entachées de l'erreur manifeste d'appréciation que se borne à alléguer le requérant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au versement de frais de procès doivent en conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY01658 2