Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Par une demande enregistrée sous le n° 2208462, M. A... ... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de trente jours, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 48 heures.
Par une demande enregistrée sous le n° 2208463, Mme C... ... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de trente jours, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 48 heures.
Par un jugement n° 2208462-2208463 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juin 2023, M. A... B... et Mme C... D... épouse B..., représentés par Me Coutaz, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2208462- 2208463 du 31 mai 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du 14 novembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur situation dans un délai de trente jours et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 48 heures.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui leur ont respectivement été opposées sont entachées d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir préalablement consulté le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
- ces décisions méconnaissent les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur leurs situations personnelles ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions fixant le pays de renvoi sont dépourvues de base légale à raison de l'illégalité des décisions leur refusant un titre de séjour.
Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants algériens respectivement nés les 30 novembre 1981 et 3 janvier 1985, sont entrés en France le 20 octobre 2018 selon leurs déclarations. Ils ont bénéficié d'autorisations provisoires de séjour délivrées à raison de l'état de santé de leur fils mineur et régulièrement renouvelées jusqu'au 14 août 2022. Le 15 février 2022, ils ont respectivement présenté une demande de certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par deux arrêtés du 14 novembre 2022, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office. Par le jugement attaqué du 31 mai 2023, dont les intéressés interjettent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
3. Si la situation des ressortissants algériens est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien, qui ne comporte aucune stipulation permettant au parent d'un enfant dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale en France de se voir accorder une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant d'un enfant malade, cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, autorise le séjour d'un ressortissant algérien pour l'accompagnement d'un enfant malade.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... ont obtenu, le 27 novembre 2019, une autorisation provisoire de séjour, afin de faire soigner en France leur fils né le 15 juillet 2017 en Algérie et souffrant d'une malformation congénitale de la main droite avec adactylie. L'enfant a subi en France une première intervention chirurgicale le 8 janvier 2020 au cours de laquelle il a subi une greffe osseuse d'une phalange du pied sur le pouce droit de la main. Par un avis du 30 septembre 2021, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a retenu que l'état de santé de l'enfant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays d'origine, l'enfant ne pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant une durée de neuf mois. Le 18 novembre 2021, l'enfant a subi une seconde intervention chirurgicale consistant en un transfert libre vascularisé du 2ème orteil gauche sur le doigt cinq de la main droite. Il a ensuite été pris en charge en ergothérapie pour rééducation à compter du 24 janvier 2022. Il est constant que M. et Mme B... ont bénéficié d'autorisations provisoires de séjour jusqu'au 14 août 2022.
5. Le 15 février 2022, M. et Mme B... ont présenté une demande de certificats de résidence algériens, en application des stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien en lieu et place de leurs autorisations provisoires de séjour en faisant valoir l'état de santé de leur fils, ainsi que cela ressort des pièces du dossier et notamment des fiches de renseignement datées du 13 février 2022. Ainsi qu'il a été dit, il ressort cependant des pièces du dossier qu'à la date des décisions contestées le 14 novembre 2022, l'état de santé du fils des intéressés, qui avait bénéficié de deux interventions chirurgicales, ne nécessitait plus, postérieurement au délai de neuf mois tel qu'apprécié par le collège des médecins de l'OFII dans son avis du 30 septembre 2021, que d'un suivi de kinésithérapie et d'ergothérapie. Si M. et Mme B... soutiennent qu'un processus de prise en charge au long cours a été établi jusqu'à la fin de la croissance de leur fils et que des interventions chirurgicales sont envisagées dans l'avenir, ils ne produisent aucune pièce de nature à en établir l'urgence ou la planification. De telles interventions ne présentent dès lors aucune certitude et, par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet d'établir l'absence de possibilité d'une prise en charge de l'état de santé actuel de leur fils en Algérie, le bilan de consultation du 27 mars 2023 attestant par ailleurs d'une évolution favorable. Dans ces circonstances, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de solliciter l'avis du collège des médecins de l'OFII préalablement à l'intervention des décisions litigieuses. Par suite, le moyen tiré de ce que ces décisions seraient entachées d'un vice de procédure doit être écarté.
6. En deuxième lieu, si M. et Mme B..., entrés en France en octobre 2018 selon leur déclaration, ont pu résider régulièrement en France sous couvert d'autorisations provisoires de séjour jusqu'en août 2022, ce n'est qu'à raison des soins justifiés par l'état de santé de leur fils, cette situation ne leur donnant pas vocation à s'installer durablement en France. La circonstance que M. B..., et Mme B... aient occupé plusieurs emplois en France pour subvenir aux besoins de leur famille, n'est pas de nature, eu égard aux conditions de leur séjour en France à justifier du transfert du centre de leurs intérêts privés et familiaux sur le territoire national, dès lors qu'ils ont vécu l'essentiel de leur existence en Algérie, où ils ont conservé leurs attaches familiales, et qu'ils ne justifient d'aucun élément de nature à faire obstacle à la reconstitution de leur cellule familiale et à la poursuite de la scolarisation de leurs deux enfants, nés respectivement en 2016 et 2017, dans ce pays. Ainsi les décisions contestées ne portent pas à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises, pas plus qu'elles ne portent atteinte aux intérêts supérieurs de leurs enfants. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent par suite être écartés.
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 6 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle et familiale des intéressés doit également être écarté.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
8. Compte-tenu de ce qui a été précédemment exposé, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de ce que les décisions fixant le pays de destination seraient dépourvues de base légale à raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... D... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02135