Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 mars 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.
Par un jugement n° 2302871 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 août 2023, M. C..., représenté par Me Thomas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302871 du 21 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 17 mars 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le refus de séjour n'est pas motivé ; il n'a pas été pris sur examen de sa situation ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 6,5° de l'accord franco-algérien, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a été édictée sans examen de sa situation ;
- le délai de départ volontaire est illégal en conséquence de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ; elle n'est pas motivée ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et elle est disproportionnée.
Le préfet de la Loire, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 29 septembre 1985, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 17 mars 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois. Par le jugement attaqué du 21 juillet 2023, le tribunal a rejeté cette demande.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, le préfet de la Loire, qui était saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, subsidiairement, d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, a régulièrement indiqué les stipulations de l'accord franco-algérien, seul applicable pour déterminer le droit au séjour des ressortissants algériens, qu'il a mis en œuvre. Il a par ailleurs exposé les éléments de la situation personnelle de M. B... qui ont déterminé sa décision. Le préfet a, ainsi, régulièrement motivé sa décision, en droit et en fait.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision qui analyse les éléments pertinents de la situation de M. B..., ainsi que des pièces du dossier, que le préfet de la Loire a adopté sa décision au terme de l'examen de la situation du pétitionnaire.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article, ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est né le 29 septembre 1985 en Algérie et qu'il est de nationalité algérienne. Il est entré pour la première fois sur le territoire français le 30 mars 2013, à l'âge de 27 ans, sous couvert d'un visa de court séjour. Il n'a pas bénéficié de la délivrance d'un titre de séjour. Il a tout d'abord suivi des études, qui n'ont pas abouti, puis a travaillé comme intérimaire sous la forme de missions épisodiques depuis 2017. Il est célibataire et sans enfants et n'établit pas avoir constitué des attaches privées et familiales ancrées dans la durée sur le territoire français. Ainsi que le préfet l'a relevé, M. B... a lui-même indiqué dans sa demande de séjour que toute sa famille demeure dans son pays d'origine. Il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement édictée le 7 août 2020 et dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Paris du 26 mars 2021. Eu égard aux conditions de son séjour et en dépit de la durée de la présence en France de M. B..., le préfet de la Loire n'a pas, en l'espèce, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, en conséquence, être écartés.
6. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens. Eu égard à ce qui a été exposé au point qui précède, le préfet de la Loire, qui a exactement interprété la demande de délivrance d'un titre de séjour formée de façon erronée sur l'article non applicable qui vient d'être cité en l'examinant dans le cadre de son pouvoir général de régularisation, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... en lui refusant le bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'analyse exposée dans la décision que celle-ci a été édictée après examen effectif de la situation de M. B....
9. En troisième lieu, en l'absence d'argument particulier, il ressort de ce qui a été exposé aux points 5 et 6 que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :
10. Il ressort de ce qui a été exposé précédemment que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délivrance d'un titre de séjour.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté préfectoral contesté que M. B... est entré en France le 30 mars 2013. Si, à la date de la décision, soit le 17 mars 2023, il ne pouvait encore, à quelques jours près, être regardé comme résidant en France habituellement depuis plus de dix ans au sens du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ce délai a nécessairement vocation à être atteint dans le cadre de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée par le préfet de la Loire, même si celle-ci est limitée à une durée de trois mois. Cette mesure, qui entre ainsi nécessairement en contradiction avec le plein droit au séjour reconnu par ces stipulations, est, en conséquence, excessive dans son principe et doit être annulée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête dirigés contre cette décision.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction de la requête doivent en conséquence être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2302871 du 21 juillet2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il statue sur la décision du 17 mars 2023 par laquelle le préfet de la Loire a fait interdiction à M. B... de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.
Article 2 : La décision du 17 mars 2023 par laquelle le préfet de la Loire a fait interdiction à M. B... de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois, est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 17 juin2024, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
Le président rapporteur,
H. Stillmunkes
L'assesseur le plus ancien,
B. Gros
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02721