Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme P... K... et M. C... K..., la SCI Le Caribou, M. J... G... et Mme O... G..., Mme L... D..., Mme F... H..., la SARL H..., Mme E... I... et Mme N... M... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le maire de la commune des Gets a accordé à la société Neosens un permis de construire un bâtiment collectif de dix logements.
Par un jugement n° 2103403 du 23 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juillet 2022 et le 14 juin 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, et des mémoires produits les 20 juin et 29 juin 2023, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Neosens, représentée par Me Bornard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme K... et autres devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de mettre à la charge de Mme K... et autres une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) n'a pas été méconnu dès lors que le projet est bordé sur sa longueur par un chemin privé non ouvert à la circulation du public et, subsidiairement, que son projet est régularisable compte tenu des règles d'urbanisme désormais en vigueur.
Par un mémoire enregistré le 31 mai 2023, Mme K... et autres, représentés par Me Levanti, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Neosens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme est méconnu dès lors que la voie en cause est ouverte à la circulation du public.
La cour a invité les parties à présenter des observations sur la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme au motif qu'elle était susceptible de retenir le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 6 du règlement du PLU alors applicable, étant relevé que le nouveau PLUi est entré en vigueur en mai 2023, et de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en vue de la régularisation de ce vice.
Par des mémoires enregistrés les 24 juillet 2023 et 23 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme K... et autres ont produit des observations en réponse.
Par des mémoires enregistrés les 25 juillet 2023, et le 24 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Neosens a produit des observations en réponse.
Par un arrêt du 28 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la requête de la société Neosens et lui a imparti un délai de cinq mois à compter de la notification de l'arrêt pour produire à la cour une mesure de régularisation du vice tiré de la méconnaissance par l'arrêté du 26 novembre 2020 des dispositions de l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par un arrêté du 25 avril 2024 le maire des Gets a délivré à la société Neosens un permis de régularisation, qui a été communiqué.
Par un mémoire enregistré le 31 mai 2024, Mme K... et autres demandent à la cour, sur le fondement de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, d'annuler le permis de construire de régularisation du 25 avril 2024, de dire qu'il ne régularise pas le vice entachant le permis de construire initial, de rejeter la requête d'appel et de mettre à la charge, in solidum, de la commune des Gets et de la société Neosens la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ce permis ne régularise pas le permis de construire initial ; le projet méconnaît l'article UB 1 du règlement du PLUi désormais applicable en ce qu'il sera implanté à 1,08 mètre de l'emprise de la voie privée ouverte à la circulation publique, alors que le recul imposé est de 3 mètres par rapport à la limite du domaine public et donc de l'emprise de cette voie privée ; à cet égard, cette emprise est elle-même de 6 mètres de largeur, soit 3 mètres sur le terrain du pétitionnaire et 3 mètres sur la parcelle voisine, et est située entre 1,08 mètre et 2,58 mètres de la façade de l'immeuble, la côte indiquée de 4,08 mètres étant prise depuis l'axe de la voie ;
- le projet modifié méconnaît les nouvelles règles d'implantation fixées par l'article UB 1 du règlement du PLUi pour les limites séparatives ; si le recul était antérieurement fixé par l'article Uc7 du PLU à 4 mètres, l'article UB 1 du PLUi, qui fixe une règle différente, impose, en l'espèce, et alors que la hauteur du bâtiment s'établit à 10,83 mètres, un recul de 5,41 mètres sur la limite sud alors qu'il n'est que de 4,43 mètres et 4,61 mètres.
Par des mémoires enregistrés les 24 juin et 10 juillet 2024, la société Neosens conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens. Elle soutient en outre que le permis de construire de régularisation, qui n'est pas entaché d'illégalité, régularise le vice relevé dans l'arrêt avant-dire-droit en ce que la règle de recul ne concerne désormais que la limite du domaine public ; que le calcul du retrait devrait en tout état de cause se faire uniquement par rapport aux limites du terrain d'assiette, que la voie, dont une partie lui appartient, mesure entre 2,20 m et 1,70 mètres et qu'un déplacement de 0,42 mètres pourrait être fait sans difficulté dans le cadre d'un permis de régularisation si on prenait en compte la limite de la voie ; le moyen tiré de la méconnaissance de la règle de recul par rapport aux limites séparatives est inopérant, l'implantation du bâtiment n'ayant pas été modifiée.
Par une ordonnance du 25 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Maubon, rapporteure,
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Priol, représentant la société Neosens, et de Me Levanti, représentant Mme K... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 26 novembre 2020, le maire de la commune des Gets a accordé à la société Neosens un permis de construire un bâtiment de dix logements pour une surface de plancher de 666,7 m², sur une parcelle d'une superficie de 1 291 m² située route de la Turche et cadastrée section D n° A.... La société Neosens a relevé appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble, à la demande de Mme K... et autres, a annulé cet arrêté du 26 novembre 2020 au motif de la méconnaissance de l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. Par un arrêt du 28 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la requête de la société Neosens et lui a imparti un délai de cinq mois à compter de la notification de l'arrêt pour produire à la cour une mesure de régularisation du vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme. Par un arrêté du 25 avril 2024, le maire de la commune des Gets a délivré à la société Neosens un permis de régularisation, dont Mme K... et autres demandent également l'annulation en appel, sur le fondement de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme.
Sur la régularisation du vice tiré de la méconnaissance des règles d'implantation par rapport à la voie :
2. Dans son arrêt avant-dire-droit du 28 novembre 2023 la cour administrative d'appel a retenu un vice tiré de la méconnaissance de l'article UC 6 du règlement du PLU de la commune des Gets, imposant aux constructions de " respecter un recul de 8 m minimum de l'axe de la voirie ", cet article précisant régir " les voies publiques " et " les voies privées ouvertes à la circulation publique ". En l'espèce, la construction autorisée, située en zone Ucc du PLU des Gets alors en vigueur, était implantée sur toute sa longueur à moins de 8 mètres de l'axe d'une voie privée, située sur la parcelle n° B... et sur la parcelle n° A... assiette du projet, et devant être regardée comme ouverte à la circulation publique pour les motifs exposés dans l'arrêt du 28 novembre 2023.
3. Par un arrêté du 25 avril 2024 le maire de la commune des Gets a délivré à la société Neosens un permis de régularisation pour un projet non modifié, la demande de permis précisant à cet égard entendre bénéficier désormais des nouvelles dispositions de l'article 1 du chapitre 2 applicable à la zone UB du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes du Haut-Chablais, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies ouvertes à la circulation générale, aux emprises publiques et aux voies privées ouvertes à la circulation publique, dès lors que cet article ne fixe de règle que par rapport au domaine public, l'implantation du projet étant libre par rapport à la servitude de passage grevant la voie privée.
4. D'une part, lorsqu'une autorisation d'urbanisme est entachée d'incompétence, qu'elle a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci est compétemment accordée pour le projet en cause, qu'elle assure le respect des règles de fond applicables à ce projet, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l'autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l'autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d'un jugement décidant, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l'annulation de l'autorisation initiale. Dès lors que cette nouvelle autorisation assure la régularisation de l'autorisation initiale, les conclusions tendant à l'annulation de l'autorisation initialement délivrée doivent être rejetées.
5. Par une délibération du 14 septembre 2022, corrigée le 28 mars 2023, le conseil communautaire de la communauté de communes du Haut-Chablais a approuvé une révision du plan local d'urbanisme intercommunal valant plan local de l'habitat (PLUi-H) dont il résulte que le terrain d'assiette du projet y est classé en zone UB 1. L'article 1 du chapitre 2 de ce règlement, applicable aux zones UB/1AUB, précise dans son préambule que les règles d'implantation des constructions s'appliquent " à l'ensemble des emprises et voies publiques ainsi qu'aux voie privées ouvertes à la circulation automobile, existantes ou futures à modifier ou à créer (le cas échéant par emplacement réservé). / Les règles d'implantation s'appliquent au nu extérieur du mur hors éléments techniques (poteau de soutènement de la toiture, escaliers, encorbellement). / Néanmoins les débords de toitures, escaliers et balcons, seront neutralisés jusqu'à 1,50 m des façades, exceptés lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité notamment de la circulation publique. / (...) / Il n'est pas fixé de conditions de recul des ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics (réservoir, poste de transformation électrique...) par rapport aux limites séparatives du domaine public ou des parcelles privées entre voisins ". Ce même article 1 dispose ensuite, s'agissant de " l'implantation des constructions par rapport aux voies ouvertes à la circulation générale, aux emprises publiques et aux voies privées ouvertes à la circulation publique ", que " Sauf indication contraire figurée au plan de zonage (alignement, ordre continu, etc.) ou existence d'une orientation d'aménagement avec règles particulières ou prescription particulière du gestionnaire de la voirie pour des questions de sécurité ou d'accessibilité " les constructions nouvelles en zone UB 1 devront s'implanter " avec un recul de 3 mètres minimum à compter de la limite du domaine public, pour la façade donnant sur cette emprise ".
6. Il ressort d'une lecture combinée des dispositions précitées que si le règlement du PLUi-H du Haut-Chablais a entendu régir, dans l'implantation des constructions, les voies privées ouvertes à la circulation automobile, il ne fixe toutefois de règle de recul pour les constructions nouvelles que par rapport à la " limite du domaine public ", étant relevé que son lexique définit ce dernier comme " faisant partie du domaine public les biens appartenant à une personne publique et qui sont : Soit affectés à l'usage direct du public ; soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de service public. ". Si des règles sont fixées par cet article concernant l'implantation par rapport à la limite des voies publiques et des voies privées ouvertes au public, ces règles ne concernent que les constructions et installations nécessaires aux services publics, ce qui n'est pas le cas de l'espèce. Le vice tiré de la méconnaissance de la règle de recul par rapport à la voie privée doit, dans ces conditions, être regardé comme ayant été régularisé par l'autorisation modificative, dès lors que la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été modifiée et ne peut plus être regardée comme méconnue, par l'effet du changement dans les circonstances de droit. La société Neosens est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le permis de construire méconnaissait les règles d'implantation par rapport à la voie fixées par le document d'urbanisme.
Sur le vice soulevé à l'encontre du permis de construire de régularisation du 25 avril 2024 tiré de la méconnaissance des règles d'implantation par rapport aux limites séparatives :
7. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier.
8. En l'espèce, le permis de régularisation du 25 avril 2024, délivré à la suite de l'intervention de l'arrêt de la cour ayant fait application de l'article L. 600-5-1, se borne à remédier au vice à régulariser, sans modifier l'emplacement et la forme d'implantation de la construction, et il n'a ainsi eu aucune incidence sur les règles d'implantation par rapport aux limites séparatives. En admettant que le projet de construire ainsi modifié ne serait plus conforme aux règles d'implantation par rapport aux limites séparatives fixées par l'article 1er du chapitre 2 du règlement du PLUi du Haut-Chablais, en vigueur à la date de la mesure de régularisation, résultant du nouveau document d'urbanisme entré en vigueur postérieurement à l'octroi du permis initial et antérieurement au permis de régularisation, un tel moyen est, eu égard aux droits que le pétitionnaire tenait du permis initial à compter de l'arrêt ayant fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, inopérant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Neosens est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif Grenoble a annulé l'arrêté du 26 novembre 2020 par lequel le maire de la commune des Gets lui a accordé un permis de construire, et que les conclusions présentées en appel par Mme K... et autres contre la mesure de régularisation du 25 avril 2024 doivent être rejetées.
Sur les frais du litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2103403 du 23 mai 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de première instance présentée par Mme K... et autres tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2020 et leurs conclusions dirigées contre le permis de régularisation du 25 avril 2024 sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Neosens, à Mme P... K... et M. C... K..., à la SCI Le Caribou, à M. J... G... et Mme O... G..., à Mme L... D..., à Mme F... H..., à la SARL H..., à Mme E... I... et Mme N... M..., et à la commune des Gets.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
La rapporteure,
G. Maubon
La présidente,
M. Q...La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY02264