Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 5 avril 2023 par lequel le préfet de Saône-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301282 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 5 avril 2023 interdisant à M. D... de circuler sur le territoire français pendant un an et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 novembre 2023, M. D..., représenté par Me Boufjila, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 5 avril 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer sa situation, sous un mois et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État les dépens ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ne sont pas suffisamment motivées ;
- les motifs de la décision portant obligation de quitter le territoire français révèlent un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision d'éloignement méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle ;
- les décisions du préfet de Saône-et-Loire sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense dans le cadre de la présente instance
Par ordonnance du 14 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant espagnol né le 9 mai 1977, déclare être entré en France le 9 février 2019. Par un arrêté du 5 avril 2023, le préfet de Saône-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français et rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination, en tant qu'il a rejeté ces dernières conclusions.
2. En premier lieu, les décisions du 5 avril 2023 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire a obligé M. D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination mentionnent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, en particulier le 2° de l'article L. 251-1 et l'article L. 261-1, qui indique que le comportement de l'intéressé constitue une menace réelle, actuelle et grave à l'ordre public, et elles mentionnent sa nationalité espagnole et font référence de manière précise à sa situation personnelle et familiale. Elles sont, par suite, suffisamment motivées.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté du 5 avril 2023 ni des pièces du dossier que le préfet de Saône-et-Loire, qui a examiné la situation personnelle et familiale de l'intéressé ainsi que son comportement personnel et les condamnations dont il a fait l'objet, notamment au regard des critères mentionnés à l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. D....
4. En troisième lieu, si les stipulations de l'article 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ouvrent aux citoyens de l'Union européenne un droit de circulation et de séjour sur le territoire des États membres, ce droit n'est ouvert que " sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application " et " sauf si [la] présence constitue une menace pour l'ordre public ". Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône du 27 juin 2022, à une peine d'emprisonnement de six mois, assortie du sursis probatoire durant dix-huit mois, pour des faits, commis le 4 février 2022, de violence suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours sur sa conjointe en présence d'un mineur. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard en particulier au caractère récent de cette condamnation, le comportement de M. D... constitue une menace pour l'ordre public, qui fait obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir d'un droit au séjour sur le territoire français, alors même qu'il justifie d'un emploi à temps plein à la date de la décision attaquée, qui s'opposerait à son éloignement du territoire français.
5. En quatrième lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que M. D... a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône du 27 juin 2022, à une peine d'emprisonnement de six mois assortie du sursis probatoire durant dix-huit mois, pour des faits, commis le 4 février 2022, de violence suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours sur sa conjointe en présence d'un mineur. Le jugement prévoit durant le délai de probation, outre les mesures de contrôle de l'article 132-44 du code pénal, une obligation de soins, une obligation de stage et une obligation de s'abstenir de paraître au domicile de son épouse.
6. D'autre part, M. D... fait valoir qu'il est entré régulièrement en France le 9 février 2019 accompagné de son épouse et leurs deux enfants nés en Espagne en juin 2014 et en septembre 2017, que leur second enfant est atteint d'une pathologie dégénérative qui pourrait le laisser handicapé, que le couple s'est séparé en février 2022, qu'une procédure de divorce est en cours, que le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a rendu le 23 mai 2023 une ordonnance de mesures provisoires prévoyant l'autorité parentale conjointe, fixant la résidence des deux enfants chez la mère et prévoyant pour le père un droit visite et d'hébergement des enfants la moitié des fins de semaines et la moitié des vacances, le passage de bras devant se faire devant les locaux d'une association, qu'il s'occupe de ses enfants, qu'il travaille en contrat à durée indéterminée, qu'il a acquis un logement le 7 avril 2023, que l'infraction pour laquelle il a été condamné est la seule mention figurant à son casier judiciaire, qu'il n'a pas interdiction d'approcher sa famille mais seulement interdiction de paraître au domicile de son épouse, qu'il est parfaitement inséré en France et qu'il se trouverait sans attaches en cas de retour en Espagne.
7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D..., présent sur le territoire français depuis février 2019 d'après ses déclarations, n'y résidait que depuis quatre ans et deux mois à la date de la décision attaquée, que les faits de violence sur conjointe pour lesquels il a été pénalement condamné étaient récents, s'étant produits un an et deux mois avant la décision attaquée et qu'il est séparé de son épouse. En ce qui concerne ses enfants, l'ordonnance de mesures provisoires du 23 mai 2023 et l'achat d'un bien immobilier le 7 avril 2023 dont il se prévaut sont postérieurs à la décision contestée et par suite sans incidence sur sa légalité. Il ne produit aucun document relatif à la situation de la mère de ses enfants, notamment en ce qui concerne le droit au séjour sur le territoire français de celle-ci, qui justifierait que l'ensemble des membres de la famille se maintienne en France. Il ne produit pas non plus de document attestant de la gravité de l'état de santé de son fils cadet. Dans ces conditions, nonobstant le caractère isolé de la condamnation dont M. D... a fait l'objet et la stabilité de sa situation professionnelle, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts pour lesquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En dernier lieu, les circonstances dont fait état M. D..., rappelées aux points précédents, ne sont pas suffisantes pour constituer des circonstances particulières de nature à entacher la décision l'obligeant à quitter le territoire français d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et familiale. Il n'a pas davantage entaché la décision fixant le pays de destination d'illégalité en fixant l'Espagne, pays dont M. D... a la nationalité et sur le territoire duquel il a vécu plusieurs années, ses deux enfants y étant nés, comme pays de destination.
9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
G. A...
La présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY03482