Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A..., Mme F... C... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision d'opposition à déclaration préalable de division prise le 2 octobre 2019 par le maire de la commune de Les Villards-sur-Thônes, ensemble la décision du 24 janvier 2020 rejetant leur recours gracieux.
Par une ordonnance n° 2004097 du 11 décembre 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande comme tardive.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 février 2024, Mme B... A..., Mme F... C... et M. D... C..., représentés par Me Bourillon, demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 11 décembre 2023 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler la décision d'opposition à déclaration préalable prise le 2 octobre 2019 par le maire de la commune de Les Villards-sur-Thônes, ensemble la décision du 24 janvier 2020 rejetant leur recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune de Les Villards-sur-Thônes de leur délivrer une décision de non-opposition, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, à défaut, de réexaminer la déclaration préalable, dans ce même délai.
Ils soutiennent que :
- leur demande de première instance n'était pas tardive, les délais ayant été prorogés par l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le certificat d'urbanisme opérationnel a reconnu la constructibilité du terrain à détacher et seul un sursis à statuer aurait pu permettre une opposition à division ;
- le motif d'opposition fondé sur l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme est entaché d'illégalité, ainsi que l'avis conforme défavorable du préfet dont il est excipé de l'illégalité, le projet n'étant pas incompatible avec le développement des activités agricoles, pastorales et forestières ; la constructibilité du terrain à détacher a été reconnue par le certificat d'urbanisme opérationnel du 9 avril 2019 ; le projet porte sur le détachement d'un seul lot à bâtir, en continuité avec l'urbanisation existante, et le terrain n'est pas situé dans les tènements agricoles stratégiques de la trame agro-pastorale du schéma de cohérence territoriale (SCOT) Fier-Avaris, qui figure dans le rapport de présentation du plan local d'urbanisme (PLU) ; si la commune semble avoir voulu anticiper le zonage agricole, adopté après la décision en litige par une délibération de mars 2020, elle n'aurait pu opposer qu'un sursis à statuer ; le commissaire-enquêteur a préconisé d'examiner favorablement les demandes de classement en zone constructible des parcelles contiguës aux hameaux et classées en zone constructible dans l'ancien plan d'occupation des sols.
Par un mémoire, enregistré le 2 août 2024, la commune de Les Villards-sur-Thônes, représentée par la SELARL SKOV, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés, et fait valoir que l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme était également de nature à fonder la décision en litige.
Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a présenté un mémoire le 2 août 2024, par lequel il conclut au rejet de la requête.
Il renvoie aux moyens développés dans le mémoire en défense produit en première instance par le préfet de la Haute-Savoie, et relève que le certificat d'urbanisme ne permet pas à lui seul de reconnaître la constructibilité du terrain.
Par une ordonnance du 13 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Maubon, première conseillère,
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,
- les observations de Me Bourillon, pour les requérants, et les observations de Me Messin, pour la commune.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 2 octobre 2019, le maire de la commune de Les Villards-sur-Thônes s'est opposé à la déclaration préalable déposée par Mme A..., représentant l'indivision C..., et portant sur le détachement d'un terrain situé Plan de Carouge et cadastré section ..., situé sur le territoire de la commune. Par une ordonnance du 11 décembre 2023 le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme tardive la demande introduite par Mme A... et M. et Mme C... tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision du 24 janvier 2020 rejetant leur recours gracieux. Mme A... et M. et Mme C... relèvent appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. D'une part, selon l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le recours formé contre une décision administrative doit être présenté dans le délai de deux mois à compter de sa notification ou de sa publication. Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, rendu applicable aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif par l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Tout (...) recours, action en justice (...) prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité (...) qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1er de la même ordonnance, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire : " I. Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté d'opposition à déclaration préalable contesté du 2 octobre 2019, qui comportait l'indication des voies et délais de recours, a été notifié le 4 octobre 2019 aux requérants, lesquels ont formé le 5 décembre 2019 un recours gracieux par l'intermédiaire de leur conseil. Le 24 janvier 2020, le maire de la commune de Les Villards-sur-Thônes a explicitement rejeté ce recours, par une décision qui comportait la mention des voies et délais de recours notifiée le 30 janvier 2020 à l'avocat des requérants, ainsi que l'atteste la mention " reçu le 30 janvier 2020 " apposée par tampon humide sur cette lettre.
5. Toutefois le délai de deux mois courant à compter de la notification de la décision du 24 janvier 2020 a été prorogé, compte tenu de l'application des dispositions citées ci-dessus relatives à l'état d'urgence sanitaire, et n'était, par suite, pas expiré le 24 juillet 2020, date d'enregistrement de la demande d'annulation devant le tribunal administratif.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande comme irrecevable, et à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.
7. Il y a lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de Mme A... et autres tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2019.
Sur la légalité de l'arrêté d'opposition à déclaration préalable du 2 octobre 2019 :
8. L'arrêté du 2 octobre 2019 du maire de la commune de Les Villards-sur-Thônes s'opposant à la déclaration préalable déposée par Mme A... et autres vise et reprend les termes de l'avis défavorable du préfet de la Haute-Savoie du 30 septembre 2019, qui est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme, le terrain étant rattaché à un îlot de 3,67 hectares ensemencé en prairie par un groupement agricole d'exploitation en commun et le projet étant dès lors situé sur des terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles. Les requérants excipent de l'illégalité de cet avis défavorable émis par le représentant de l'Etat sur le fondement de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, dont la saisine s'imposait dès lors que le plan d'occupation des sols de la commune de Les Villards-sur-Thônes était devenu caduc le 27 mars 2017, le plan local d'urbanisme (PLU), approuvé par délibération du 5 mars 2020, n'étant pas encore opposable.
9. Les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.
10. Aux termes de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. ".
11. Lorsque la délivrance d'une autorisation d'urbanisme est subordonnée à l'avis conforme d'une autre autorité, le refus d'un tel accord s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation.
12. En l'espèce, le projet porte sur le détachement d'un lot d'une superficie de 900 m² en vue de construire, et il ressort des mentions du certificat d'urbanisme positif délivré le 9 avril 2019 que le terrain est desservi par les réseaux d'eau potable et d'assainissement et par une voirie. Toutefois, ce terrain, non bâti, est situé à l'extrémité d'une zone d'urbanisation linéaire, fait partie d'un îlot agricole de 3,67 hectares et est inclus, au vu des documents produits, dans un tènement agricole stratégique de la trame agro-pastorale du schéma de cohérence territoriale (SCOT) Fier Aravis. Il est en outre ensemencé en prairie par un groupement agricole d'exploitation en commun. Il ne ressort pas des pièces du dossier, dans ces conditions, que son urbanisation serait compatible avec le maintien et le développement des activités agricoles au sens des dispositions précitées de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme. Les requérants ne peuvent au demeurant pas utilement se prévaloir de la recommandation du commissaire-enquêteur faite dans le cadre de l'enquête publique du plan local d'urbanisme préconisant un examen favorable des demandes de classement en zone constructible des parcelles incluses dans l'enveloppe urbaine lorsqu'elles ne remettent pas en cause l'équilibre global du document d'urbanisme. Le moyen tiré de l'illégalité de l'avis défavorable du préfet émis le 30 septembre 2019, fondé sur les dispositions précitées, doit par suite être écarté. Dès lors, le maire de la commune de Les Villards-sur-Thônes, qui a visé cet avis dont il a repris la motivation dans sa propre décision d'opposition, était tenu de faire opposition à la déclaration préalable en litige, sans que les requérants puissent utilement se prévaloir du certificat d'urbanisme opérationnel qui leur a été délivré le 9 avril 2019 et qui au demeurant précisait en son article 8 que toute demande d'autorisation d'urbanisme serait soumise à l'avis conforme du préfet.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... et autres ne sont pas fondés à solliciter l'annulation des décisions du 2 octobre 2019 et du 24 janvier 2020.
Sur les frais liés au litige :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... et autres la somme globale que la commune de Les-Villars-sur-Thônes demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2004097 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Grenoble du 11 décembre 2023 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... et autres devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Les Villards-sur-Thône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Les Villards-sur-Thônes et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
G. MaubonLa présidente de chambre,
M. E...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition,
La greffière,
N° 24LY00402 2