Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2206820 du 10 mars 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 avril 2023, 1er juin 2023, 13 septembre 2023 et 26 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Gay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui a émis le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII qui a ensuite rendu un avis le 2 septembre 2022 ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen, le préfet s'étant à tort estimé en situation de compétence liée au regard de l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement.
Par un courrier enregistré le 4 août 2023, Mme B... a accepté de lever le secret médical.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit un mémoire, enregistré le 11 octobre 2023 et qui a été communiqué.
Par un mémoire enregistré le 7 février 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente-assesseure ;
- les observations de Me Chabal, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 22 avril 1970 à Yaoundé (Cameroun) et de nationalité camerounaise, est entrée sur le territoire français le 28 septembre 2019. Le 17 juin 2021, elle a sollicité auprès des services de la préfecture de la Drôme la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales et a bénéficié d'un titre de séjour. Par un arrêté du 7 septembre 2022, la préfète de la Drôme, a rejeté le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 10 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Pour refuser la demande de renouvellement d'un titre de séjour à Mme B..., la préfète de la Drôme s'est appropriée l'avis rendu le 2 septembre 2022 par le collège de médecins de l'OFII, selon lequel, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Cameroun, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'un diabète de type 2 et d'hypertension artérielle. Elle est également atteinte d'un prurigo nodulaire pour lequel elle suit un traitement médicamenteux à base de Soriatane. Mme B... indique également que cette pathologie chronique a favorisé le développement de maladies connexes et qu'elle a ainsi souffert de tuberculose, d'une pneumopathie lobaire supérieure droite. Toutefois, si elle soutient que ce médicament n'est pas disponible au Cameroun et qu'aucun autre médicament ne lui est substituable, il est constant, en tout état de cause, que ce médicament ne lui a été prescrit qu'à compter du 6 octobre 2022, soit postérieurement à la décision en litige, ainsi que cela ressort du certificat médical du même jour établi par un praticien hospitalier du pôle médecine et oncologie médicale du centre hospitalier de Valence. Au surplus, s'il ressort des pièces du dossier que le prurigo est une maladie inflammatoire douloureuse et dite " affichante ", ayant un retentissement majeur sur la qualité de vie des patients, Mme B... ne conteste pas utilement en appel les affirmations de l'OFII et du préfet de la Drôme selon lesquelles son absence de prise en charge médicale n'est pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, contrairement aux allégations de Mme B..., il n'est pas établi que le collège des médecins de l'OFII aurait dû reporter l'appréciation de sa situation au seul motif qu'une consultation de suivi était prévue le 9 septembre 2022, étant relevé qu'elle s'était rendue en consultation dans le service de dermatologie du centre hospitalier de Valence le 20 juillet 2022 à l'issue de laquelle le médecin qui a établi le certificat médical n'a relevé aucun élément de nature à différer toute évaluation de sa situation après la cure d'UV thérapie qu'elle a suivie du 4 avril 2022 au 15 juin 2022. Enfin, et en tout état de cause, aucun des articles de presse produits par Mme B... et relatifs au système de santé camerounais ou à l'accès aux soins de santé dans les zones touchées par la violence armée ne sont de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII du 2 septembre 2022. Par suite, la préfète de la Drôme n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à Mme B... le titre de séjour qu'elle sollicitait sur leur fondement.
5. En second lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure, du défaut d'examen, de ce que le préfet se serait à tort estimé être en situation de compétence liée au regard de l'avis du collège de médecins de l'OFII et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les autres décisions :
6. Mme B... soutient que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et que la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement. Ces moyens doivent, en l'absence d'éléments nouveaux en appel, être écartés par les motifs retenus par les premiers juges, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Drôme et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
A.-G. MauclairLa présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY01252 2