Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 15 février 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2200975 du 16 juin 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 novembre 2023 et le 3 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Kiganga, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige méconnaît l'autorité de la chose jugée par le tribunal ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir ;
- elle méconnaît l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise sans consultation de la commission du titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet du Puy-de-Dôme, à qui la requête a été communiquée, n'a pas présenté d'observations.
Une décision constatant la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été prise le 25 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention du 21 septembre 1992 conclue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 ;
- l'arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 23 mars 1983, est entré en France le 13 novembre 2010 sous couvert d'un visa délivré en qualité d'étudiant valable du 26 octobre 2010 au 26 octobre 2011. Il s'est vu délivrer une carte de séjour portant la mention " étudiant " valable du 17 novembre 2011 au 26 octobre 2012, régulièrement renouvelée jusqu'au 17 mai 2019. Par un jugement du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, d'une part, annulé les décisions du 30 novembre 2020 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". M. A... s'est vu délivrer, le 15 juillet 2021, un récépissé de renouvellement de sa carte de séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 14 octobre 2021 mais ne s'est pas présenté au rendez-vous en préfecture du 2 août 2021 en vue de l'instruction de sa demande. Il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " travailleur temporaire " le 27 septembre 2021, puis celle d'une carte de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " le 29 novembre 2021. Par un arrêté du 15 février 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 16 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 14 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États ". S'agissant de la délivrance de la carte de séjour accordée en vue d'une première expérience professionnelle, que n'aborde pas cette convention, il doit être fait application de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie (...) avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire (...) portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master (...), se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle (...) 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches ".
3. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur la circonstance que M. A... ne détenait pas de carte de séjour portant la mention " étudiant " en cours de validité et que le diplôme de doctorat qu'il présentait avait été obtenu plus de deux ans avant sa demande de titre de séjour.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, dès lors qu'il lui avait été enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant, par jugement du 8 juin 2021, le préfet du Puy-de-Dôme ne pouvait légalement se fonder sur la circonstance que ce titre de séjour n'avait pu matériellement être remis à l'intéressé, en raison de sa non présentation au guichet de la préfecture, pour estimer que l'intéressé, qui avait droit au séjour, ne satisfaisait pas à la condition tenant à ce qu'il ait été précédemment admis au séjour en qualité d'étudiant.
5. En outre, les dispositions citées au point 2 n'exigent pas que le diplôme requis pour obtenir le titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " ait été obtenu l'année précédant la demande, l'article R. 311-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoyait cette condition ayant été abrogé par le décret du 16 décembre 2020 portant partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et cette condition ne pouvant résulter du seul arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il s'ensuit que M. A... est fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande, le préfet du Puy-de-Dôme a méconnu les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision de refus de titre de séjour du 15 février 2022 doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) " Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
9. En l'absence de changement de circonstances de droit et de fait, les motifs retenus au points 4 à 6 au soutien de l'annulation de l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 15 février 2022 impliquent nécessairement que soit délivré à M. A... un titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " sur le fondement de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à M. A... ce titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui remettre sous quinze jours une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 15 février 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et le jugement n° 2200975 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 16 juin 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise, sous quinze jours, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Puy-de-Dôme. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
A. B...Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03490