Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 11 août 2023 par lesquelles le préfet de Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2305929 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2024, Mme A... B..., représentée par Me Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2305929 du 22 décembre 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 11 août 2023 par lesquelles le préfet de Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de Haute-Savoie de procéder sans délai au réexamen de son dossier et de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- le refus de séjour méconnait l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien compte tenu de son état de santé ; il méconnait également le 5° du même article ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnait l'article L. 611-3, 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ; elle méconnait également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet de Haute-Savoie, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 12 mai 1961, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 11 août 2023 par lesquelles le préfet de Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 22 décembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été prise en charge médicalement en Suisse avant de venir en France. Elle est entrée en France en juin 2021 et a bénéficié le 1er février 2022 de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour valable six mois. La lettre de liaison datée du 3 février 2023 et émanant d'un praticien français qu'elle produit, indique qu'elle a été atteinte d'une paraplégie non traumatique secondaire à une atteinte tuberculeuse vertébrale. Elle a fait l'objet d'une intervention chirurgicale en juin 2021 et a par ailleurs fait l'objet d'un traitement antituberculeux. Elle a fait l'objet à compter de juillet 2021 et durant un an et demi d'un suivi de rééducation fonctionnelle et de réadaptation neurologique. La lettre conclut que la patiente a énormément progressé et que son état s'est stabilisé depuis le printemps 2022, son séjour en rééducation ayant été prolongé jusqu'à permettre " un maximum de récupération ". Un dernier certificat du 27 octobre 2023 du même praticien fait uniquement état d'un suivi d'imagerie et biologique. A la date de la décision en litige, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), consulté par le préfet, a indiqué, après que le médecin rapporteur ait spécialement convoqué Mme B... pour examen, qu'un défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les éléments produits par la requérante ne permettent pas d'infirmer cette analyse médicale. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit, en conséquence, être écarté.
4. En second lieu, aux termes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est née en Algérie le 12 mai 1961 et qu'elle est de nationalité algérienne. Ainsi qu'il a été exposé, elle est entrée en France pour motifs médicaux en juin 2021, âgée de soixante ans, et a bénéficié, sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, d'une prise en charge qui a permis l'amélioration et la stabilisation de son état. Elle n'est présente en France que depuis deux ans à la date de la décision et ne justifie pas d'attaches privées et familiales particulières en France, son mari et sa famille résidant en Algérie à l'exception de deux frères résidant en Suisse. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour ainsi qu'à son état de santé à la date de la décision, le préfet de Haute-Savoie n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuit. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, dès lors, être écartés. Au demeurant, Mme B... n'ayant pas déposé de demande sur le fondement de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et le préfet ne s'étant pas prononcé sur son application, le moyen tiré de sa méconnaissance est au surplus inopérant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
7. Eu égard à ce qui été exposé au point 3 du présent arrêt sur l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas d'absence de prise en charge médicale, le préfet de Haute-Savoie n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 611-3, 9° en édictant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de Mme B....
8. En second lieu, pour les motifs qui ont été exposés au point 5 du présent arrêt et en l'absence d'autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00172