Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné un pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2307540 du 12 février 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 mars 2024, M. B..., représenté par Me Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du 18 octobre 2023 du préfet de la Haute-Savoie, y compris un refus de titre de séjour ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour et, dans l'attente, un récépissé ou de procéder au réexamen de sons dossier ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, le cas échéant, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa demande de protection contre l'éloignement devait nécessairement s'analyser comme tendant à la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé du fait de la suppression du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas motivée en droit et insuffisamment motivée en fait ;
- elle n'est pas justifiée dans son principe ;
- elle aurait des conséquences d'une particulière gravité sur son état de santé.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un courrier du 1er octobre 2024, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 de ce que l'arrêt était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre un refus de titre qui résulterait de l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, postérieurement à l'arrêté contesté.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée par une décision du 24 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Soubié, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant kosovar, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 12 mai 2014. En parallèle de sa demande d'asile qui a été définitivement rejetée par une décision du 31 mars 2016 de la Cour nationale du droit d'asile, il a déposé une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture de la Haute-Savoie en raison de son état de santé. Il a obtenu des autorisations provisoires de séjour puis une carte de séjour temporaire valable, en dernier lieu, jusqu'au 9 septembre 2019. Le 28 juillet 2023, il a demandé à bénéficier d'une protection contre l'éloignement sur le fondement du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été refusée par un arrêté du 18 octobre 2023 du préfet de la Haute-Savoie portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire à trente jours et du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 12 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions dirigées contre un refus de titre de séjour :
2. L'arrêté contesté n'emporte pas refus de délivrance d'un titre de séjour du fait de la modification de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation d'une telle décision inexistante sont irrecevables.
Sur le surplus des conclusions :
3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...). ".
4. Dans son avis du 28 septembre 2023, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. M. B... produit deux rapports médicaux rédigés en 2021 et 2022 par un médecin kosovar, selon lequel sa leucémie ne pouvait faire l'objet d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine en 2014, ainsi que deux certificats médicaux établis les 12 août 2022 et 23 mars 2023 par des médecins du centre hospitalier d'Annecy qui indiquent que sa pathologie est en rechute sans critère immédiat de traitement et doit faire l'objet d'un suivi médical régulier. Il ne ressort ni de ces rapports et certificats, ni d'aucune autre pièce du dossier que l'intéressé ferait l'objet d'un traitement, au-delà du suivi régulier dont il bénéficie. Il n'établit pas, alors que la référence à un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés est insuffisamment circonstanciée, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé kosovars, il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 9° des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
5. M. B..., né en 1965, est entré sur le territoire français à l'âge de 49 ans, il ne disposait plus de titre de séjour depuis le 10 septembre 2019, son épouse et ses enfants résident au Kosovo et il n'apporte aucun élément probant quant à son insertion sociale et professionnelle en France en se bornant à produire une promesse d'embauche datée du 27 juillet 2023, alors qu'il se prévaut d'une durée de séjour de neuf ans. De plus, il a fait l'objet à deux reprises d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a décidé son éloignement. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L.612-6 et L.612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L.612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L.612-11. ".
7. L'arrêté contesté vise l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constitue le fondement de l'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, cette décision est suffisamment motivée en droit. Par ailleurs, le préfet de la Haute-Savoie a pris en considération la circonstance que M. B... n'avait pas exécuté deux précédentes mesures d'éloignement ainsi que sa situation personnelle et familiale. Compte tenu de ce qui est dit au point 5, ces motifs, suffisants, justifient cette décision dans son principe. Enfin, eu égard à ce qui est jugé au point 4, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur l'état de santé de M. B....
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00694
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