Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 27 février 2024 du préfet du Puy-de-Dôme portant, d'une part, obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, assignation à résidence avec obligation quotidienne de présentation aux services de police et interdiction de sortir du département du Puy-de-Dôme sans autorisation.
Par un jugement n° 2400473 du 4 mars 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2024, M. B..., représenté par Me Chautard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 mars 2024 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 27 février 2024 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen, fondé, tiré de l'insuffisance de motivation en faits de la décision d'assignation à résidence au regard des deux critères exigés par l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la procédure orale devant le tribunal a méconnu le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la magistrate désignée n'a pas répondu au moyen, fondé, tiré de ce que l'interdiction de sortir du département du Puy-de-Dôme sans autorisation préalable est dépourvue de fondement légal ;
- ses droits ne lui ont pas été notifiés dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ;
- il n'a pas manifesté son intention de se soustraire à la décision de l'obligation de quitter le territoire ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an n'est pas motivée en faits en ce que le préfet n'a pas précisé en quoi il ne justifie pas de circonstances humanitaires ;
- les motifs retenus par le préfet ne justifient pas qu'il lui interdise de retourner sur le territoire français ;
- la décision portant assignation à résidence est dépourvue de motivation en faits ;
- l'obligation quotidienne de présentation aux services de police est manifestement excessive et disproportionnée.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La demande d'aide juridictionnelle a été rejetée en raison de sa caducité par une décision du 7 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Soubié, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien, relève appel du jugement du 4 mars 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 février 2024 du préfet du Puy-de-Dôme portant, d'une part, obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, assignation à résidence avec obligation quotidienne de présentation aux services de police et interdiction de sortir du département du Puy-de-Dôme sans autorisation.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 922-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas où l'étranger, qui ne parle pas suffisamment la langue française, le demande, le président nomme un interprète qui doit prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience. / (...). ".
3. M. B... n'établit pas que l'interprète présente lors de l'audience du 1er mars 2024, qui figure sur la liste des traducteurs agréés en langue géorgienne par la cour d'appel de Chambéry, ne présentait pas toutes les qualités requises pour traduire les échanges au cours de l'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
4. Pour écarter le moyen tiré de ce que la décision d'assignation à résidence était insuffisamment motivée, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a relevé que cette décision comportait les considérations de faits et de droit qui en constituent le fondement. Ce faisant, alors qu'elle n'était pas tenue de reprendre de manière détaillée les motifs de la décision litigieuse au regard des conditions fixées par l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la première juge a suffisamment motivé son jugement.
5. Si M. B... soutient que la magistrate désignée n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'interdiction de sortir du département du Puy-de-Dôme sans autorisation préalable est dépourvue de fondement légal, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait soulevé ce moyen en première instance.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. M. B... ne peut utilement soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire et assignation à résidence seraient irrégulières dans la mesure où les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa régularité.
7. Pour refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet du Puy-de-Dôme a notamment retenu qu'il avait manifesté son refus de retourner dans son pays d'origine lors de son audition par les services de police, le 27 février 2024, ainsi que cela ressort des mentions portées sur le procès-verbal établi par l'officier de police judiciaire, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. En tout état de cause, le préfet du Puy-de-Dôme a également retenu qu'il ne présentait pas de garanties de présentation suffisantes et pouvait pour ce seul motif lui refuser un délai de départ volontaire.
8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "
9. Le préfet du Puy-de-Dôme a interdit à M. B... de retourner sur le territoire français en l'absence de délai de départ volontaire et de justification de circonstances humanitaires. Le préfet n'avait pas à préciser en quoi l'intéressé, qui ne précise aucunement sa situation personnelle, ne pouvait justifier de circonstances humanitaires. Par ailleurs, compte tenu des motifs de cette décision, M. B... ne peut utilement soutenir que son entrée irrégulière en France et l'absence de liens personnels et familiaux anciens, intenses et stables sur le territoire français ne justifient pas une interdiction de retour sur le territoire français au sens des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Aux termes de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / (...). ". Aux termes de l'article R. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; /2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; /3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ".
11. La décision portant assignation à résidence mentionne notamment que le départ de M. B... doit être organisé, ce qui fait obstacle à son éloignement immédiat, et est ainsi suffisamment motivée en faits.
12. Cette décision, qui impose à M. B... de demeurer dans le département du Puy-de-Dôme, sauf décision l'autorisant à en sortir, définit le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler, ainsi que le prévoit l'article R. 733-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Par suite, le moyen tiré de l'absence de fondement légal de cette mesure doit être écarté.
13. Enfin, en se bornant à soutenir que sa présentation journalière aux services de police ne présente pas d'utilité pour l'exécution de la mesure d'éloignement, M. B... n'invoque aucun élément de nature à établir que les modalités de contrôle de son assignation à résidence présenteraient un caractère disproportionné et excessif.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00957
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