Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2207802 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 août 2023, Mme B... épouse C..., représentée par Me Borges de Deus Correia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et prendre une nouvelle décision, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation de son état de santé, qui s'est aggravé ainsi que l'atteste un certificat médical du 20 février 2023, et de celui de son époux ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son état de santé s'opposant à son éloignement du territoire français ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 12 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er octobre 2024.
Mme B... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Maubon, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., ressortissante de la République de Macédoine du Nord née le 26 juin 1968, déclare être entrée en France le 17 mai 2016. Sa demande d'asile a été rejetée, tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 22 mars 2018, que par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 26 juillet 2021. Le 2 mai 2022, Mme B... épouse C... et son époux ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour, chacun pour des raisons de santé. Par un arrêté du 2 novembre 2022, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B... épouse C..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme B... épouse C... relève appel du jugement du 27 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / (...) ".
3. D'une part, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.
4. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 25 juillet 2022, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme B... épouse C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, l'intéressée peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments de son dossier et à la date de l'avis elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contredire cet avis, dont le préfet de l'Isère s'est approprié le sens, la requérante verse au dossier des ordonnances, une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 20 mai 2022 reconnaissant qu'elle présente un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, un certificat médical du 5 janvier 2023 listant les pathologies dont elle est atteinte sans autre précision, et un certificat médical du 20 février 2023 listant les pathologies dont elle est atteinte et préconisant simplement son maintien sur le territoire français pour des raisons d'hygiène. Elle produit en outre en appel des éléments relatifs à l'état de santé de son époux. Ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour établir qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, alors qu'elle ne produit pas d'élément démontrant l'impossibilité pour elle et son époux de financer ou faire prendre en charge les soins nécessités par leur état de santé. Par suite, alors même que l'état de santé de Mme B... épouse C... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
5. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère, qui n'était pas tenu d'examiner les demandes de Mme B... épouse C... et de son époux dans le cadre d'une même décision, n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la demande de la requérante.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Mme B... épouse C... fait état de ce que sa vie privée et familiale se situe en France, où elle réside depuis l'année 2016 avec son époux et son fils né en 1999 et où son époux et elle-même bénéficient des soins nécessaires à leur état de santé, dont ils ne pourraient pas bénéficier dans leur pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est maintenue sur le territoire français à la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision du directeur général de l'OFPRA du 22 mars 2018, confirmée par une décision du 26 juillet 2021 de la CNDA. Elle ne dispose pas d'autres liens en France que son époux et son fils, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils disposeraient d'un droit au séjour en France. Mme B... épouse C... a vécu jusqu'à l'âge de quarante-six ans en Macédoine, d'après ses déclarations devant la CNDA. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision attaquée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
8. En troisième lieu, les circonstances dont fait état Mme B... épouse C..., tirées de son état de santé, de la présence de son époux en France, de la circonstance que l'instruction de la demande de titre de séjour de son époux est en cours, de sa durée de présence sur le territoire français et des soins qu'elle y suit, ne sont pas suffisantes pour constituer des circonstances particulières de nature à entacher d'erreur manifeste d'appréciation la décision de refus de séjour contestée. Le moyen ne peut en conséquence qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...). " Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, Mme B... épouse C... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8 en ce qui concerne la décision de refus de séjour, Mme B... épouse C... ne faisant valoir aucune circonstance particulière distincte à l'encontre de la décision d'éloignement.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
G. Maubon
La présidente,
M. D...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY02774 2