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09/01/2025 | FRANCE | N°22LY02587

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 09 janvier 2025, 22LY02587


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 11 décembre 2019 et du 27 octobre 2020 par lesquels le maire de la commune de Saint-Restitut a accordé des permis de construire à M. C....



Par un jugement nos 2000999-2104766 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.



Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 août 2022, et des mémoires compléme

ntaires enregistrés les 25 octobre 2022, 28 décembre 2022, 23 mai 2023 et 6 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 11 décembre 2019 et du 27 octobre 2020 par lesquels le maire de la commune de Saint-Restitut a accordé des permis de construire à M. C....

Par un jugement nos 2000999-2104766 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 août 2022, et des mémoires complémentaires enregistrés les 25 octobre 2022, 28 décembre 2022, 23 mai 2023 et 6 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. E..., représenté par Me Hachem, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés de permis de construire du 11 décembre 2019 et du 27 octobre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Restitut et de M. C... le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal a refusé de transmettre les conclusions du rapporteur public ;

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement relativement au moyen tiré de l'absence de préservation intégrale des restanques ;

En ce qui concerne la légalité des décisions contestées :

- le permis délivré le 27 octobre 2020, qui a pour objet de régulariser des constructions illégalement réalisées, doit être considéré comme un permis nouveau ; c'est à tort, en renversant la charge de la preuve et en dénaturant les pièces du dossier en ce qui concerne l'achèvement des travaux, que le tribunal a considéré que le permis du 27 octobre 2020 constituait un permis modificatif ;

- les dossiers des demandes de permis déposés en 2019 et 2020 sont entachés d'imprécisions qui ont été de nature à fausser l'appréciation des services instructeurs de la commune ;

- les permis de construire délivrés méconnaissent les articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ; les insuffisances du dossier du permis de construire du 11 décembre 2019 ne sont pas compensées par le dossier du permis du 27 octobre 2020 ;

- les imprécisions quant aux dimensions des extensions, à la modification du profil du terrain, à la création de toits-terrasses au lieu de toits à double pente, à l'ajout d'un auvent, qui ont eu pour objet de régulariser le projet tel que réalisé et notamment de dissimuler le fait que le projet méconnaît les dispositions de l'article N 2 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, entachent les permis de fraude ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et celles de l'article N 11 du règlement du PLU de la commune, en ce qu'il prévoit des toitures terrasses végétalisées, qu'il conduit à l'ensevelissement ou l'occultation de murs protégés et qu'il ne s'intègre pas dans son environnement ;

- les permis méconnaissent les dispositions de l'article N 2 du règlement du PLU de la commune, en ce qu'ils autorisent la réalisation d'extensions supérieures à 50 % de la surface de plancher existante, et sont dès lors entachés de fraude et méconnaissent la jurisprudence du Conseil d'État du 9 juillet 1986 (n° 51172) ;

- à titre subsidiaire, un expert sera désigné pour procéder aux mesures des extensions réalisées.

Par un mémoire enregistré le 2 avril 2024, M. B... C..., représenté par Me Delhomme, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, faute d'intérêt à agir de M. E... à l'encontre des permis délivrés en 2019 et 2020, qui portent uniquement sur des modifications de nature à réduire l'impact de la construction autorisée par un permis de construire délivré en 2015 et qui n'a pas été contesté ;

- la requête est tardive à l'encontre de l'arrêté du 27 octobre 2020, qui constitue un permis de construire modificatif et qui aurait dû être contesté dans le cadre de l'instance ouverte contre le permis du 11 décembre 2019 en application de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme ;

- les moyens dirigés contre des aspects du projet qui ne sont pas modifiés par les permis de 2019 et 2020, telle la surface de plancher supplémentaire autorisée, sont inopérants ;

- les autres moyens de la requête sont infondés.

La requête a été communiquée à la commune de Saint-Restitut, qui n'a pas présenté d'observations dans le cadre de la présente instance.

Par ordonnance du 4 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Maubon, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 décembre 2015, le maire de la commune de Saint-Restitut (Drôme) a délivré à M. C... un permis de construire pour l'extension d'une construction existante et la construction d'une piscine, sur les parcelles cadastrées section ..., situées .... M. C... s'est ensuite vu délivrer, le 11 décembre 2019 et le 27 octobre 2020, des permis de construire portant sur diverses modifications apportées au projet initial. M. E... relève appel du jugement du 14 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux derniers arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 732-1 du même code : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement (...), le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites ".

3. Il ressort des pièces du dossier de la procédure que le sens des conclusions de la rapporteure publique devant le tribunal administratif de Grenoble, en ce qui concerne les deux instances n° 2000999 et n° 2104766, a été mis en ligne le 27 mai 2022. Aucune disposition du code de justice administrative n'impose de communiquer le texte des conclusions prononcées lors de l'audience publique. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure soulevé par M. E... ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, il résulte des motifs du jugement du 14 juin 2022 que le tribunal administratif de Grenoble a répondu, aux points 22 à 27, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article N 11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, et, plus particulièrement au point 25, à l'argument tiré de ce que les restanques existantes sur le terrain auraient été ensevelies, en estimant que " le seul fait que certaines restanques sont très partiellement recouvertes par les terrasses ne démontre pas que les restanques ne seraient pas préservées ". Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il serait insuffisamment motivé.

Sur la qualification des permis de construire successifs :

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté n° 026 326 15 M0012, devenu définitif, du 2 décembre 2015, M. C... a été autorisé à construire une extension de 75,5 m² de surface de plancher, en deux volumes, s'adossant à une construction existante de 151 m² de surface de plancher, conservée, ainsi qu'une piscine enterrée de 42,50 m². L'arrêté n° 026 326 15 M0012 M01 du 11 décembre 2019, qui ne modifie pas la surface de plancher créée, a pour objet de remplacer les toitures à double pente de cette extension par des toitures terrasses végétalisées, de modifier l'implantation de la piscine, sans modification de sa surface, afin de la rapprocher de la construction principale, et de supprimer les volets en façade. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de masse joint au dossier de cette même demande de permis, que sont également modifiées l'implantation du volume d'extension situé en limite nord-ouest et la superficie des toitures des deux extensions. L'arrêté n° 026 326 20 M0008 du 27 octobre 2020 a quant à lui pour objet de modifier l'implantation du volume d'extension situé en limite nord-ouest, de modifier les ouvertures en façade, de supprimer les volets et de préciser le traitement des restanques et de la végétation existantes.

6. L'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. La délivrance d'un permis de régularisation est possible après l'achèvement des travaux pour faire suite à l'utilisation par le juge des pouvoirs qu'il tient des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

7. En se bornant à affirmer que la maison était occupée dès l'année 2017 et à produire une photographie satellite qui aurait été prise en juin 2020, M. E... n'apporte pas suffisamment d'éléments pour démontrer que les travaux autorisés par le permis de construire initial du 2 décembre 2015, et dont le projet avait été modifié par le permis du 11 décembre 2019, étaient achevés à la date de délivrance de l'arrêté du 27 octobre 2020, dont l'objet vise à nouveau à modifier plusieurs aspects de la construction projetée telle qu'elle avait été initialement autorisée. Dans ces conditions, et alors au demeurant que les modifications apportées par ces permis n'apportent pas au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a qualifié de permis de construire modificatif l'arrêté du 27 octobre 2020.

Sur la légalité des permis modificatifs des 11 décembre 2019 et 27 octobre 2020 :

En ce qui concerne la composition des dossiers :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

9. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. D'une part, les dossiers des permis du 11 décembre 2019 et du 27 octobre 2020 comportent chacun un plan de masse côté en trois dimensions, suffisant pour apprécier le projet modifié, alors même que tous les éléments de ce plan ne sont pas eux-mêmes cotés en trois dimensions. En ce qui concerne la surface de plancher de 75,5 m² autorisée pour l'ensemble des volumes d'extension par l'arrêté du 2 décembre 2015, elle est rappelée sur les plans de masse des deux permis modificatifs et n'est ainsi pas modifiée. Si ces deux permis modificatifs modifient l'implantation des extensions et la superficie des toitures, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il en résulte une modification de la surface de plancher créée, le plan de masse du permis de 2020 portant la mention " auvent " sur la partie de toiture supplémentaire de l'extension implantée au sud-est, la géométrie de l'extension implantée en limite nord-ouest étant également modifiée, et le dossier du permis de 2020 comportant une pièce qui précise les surfaces de plancher de chaque partie de la construction. Dans ces conditions, les pièces de ces dossiers de permis, éclairées par les précisions ainsi apportées, ont permis à l'autorité administrative d'apprécier les modifications autorisées. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que les permis modificatifs ont été accordés en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande du permis de 2019 comporte un plan de coupe qui précise l'implantation des constructions prévues par ce permis, notamment le profil de la toiture-terrasse de l'extension implantée au sud-est et la nouvelle implantation de la piscine, sans qu'il soit nécessaire de faire figurer sur ce plan les parties du terrain ne faisant pas l'objet d'un aménagement, ni de faire apparaître l'état initial et l'état futur dès lors que les travaux n'ont pas pour effet de modifier le profil du terrain en sus des aménagements nécessaires aux constructions autorisées, dont l'impact sur le profil du terrain se déduit du plan de coupe du projet. En outre, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de 2019 comporte un document graphique d'insertion figurant les toitures-terrasses, qui ne sont pas modifiées par le permis de 2020, dont le dossier de demande comporte au demeurant des photographies de l'environnement proche. Le dossier de ce permis se borne à préciser, par la mention " auvent " et sans incohérence entre les pièces, que la partie étendue de la toiture de l'extension implantée au sud-est n'emporte pas création de surface de plancher supplémentaire, l'auvent n'étant pas clos au nord-est. En ce qui concerne le plan de végétalisation produit dans le dossier de demande de permis de 2020, il ressort des mentions de la notice qu'il visait simplement à matérialiser les arbres supprimés et ceux conservés, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des autres représentations de ce plan, notamment celles des constructions, dont il peut être aisément déduit de la comparaison avec le plan de masse du projet qu'elles ne correspondent pas au projet tel que modifié, et sans que cette erreur caractérise une intention frauduleuse du pétitionnaire. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que les permis ont été accordés en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la surface de plancher du projet :

12. Un permis de construire n'a pas d'autre objet que d'autoriser des constructions conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces constructions risqueraient d'être ultérieurement transformées ou affectées à un usage non-conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci. Si la survenance d'une telle situation après la délivrance du permis peut conduire le juge pénal à faire application des dispositions répressives de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, elle est en revanche dépourvue d'incidence sur la légalité du permis de construire, sans qu'il soit besoin pour le juge administratif de rechercher l'existence d'une fraude.

13. L'autorité administrative dispose, en cours d'exécution de travaux autorisés par un permis de construire, de la faculté de contrôler le respect de l'autorisation d'urbanisme. À défaut de la mise en œuvre de ces pouvoirs de contrôle ou, s'ils ont été mis en œuvre, du constat d'une irrégularité, le pétitionnaire doit être considéré comme réalisant les travaux en se conformant à l'autorisation délivrée. L'autorité compétente ne peut pas exiger du pétitionnaire qui envisage de modifier son projet en cours d'exécution, que sa demande de permis modificatif porte également sur d'autres travaux, au motif que ceux-ci auraient été ou seraient réalisés sans respecter le permis de construire précédemment obtenu. Il appartiendrait dans ce cas à l'autorité compétente pour délivrer les autorisations de dresser procès-verbal des infractions à la législation sur les permis de construire dont elle aurait connaissance, procès-verbal transmis sans délai au ministère public. En toute hypothèse, l'administration dispose, en vertu des dispositions des articles L. 462-1 et L. 462-2 du code de l'urbanisme, du pouvoir de contrôler la conformité une fois les travaux achevés et d'imposer, à ce stade, la mise en conformité.

14. Aux termes de l'article N 1 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) Dans les secteurs indicés " p ", toute construction nouvelle à l'exception de celle mentionnée à l'article N 2 est interdite. / Dans la zone N sont interdites toutes les constructions ou installations à l'exception de celles mentionnées en N 2 ". L'article N 2 autorise, dans les secteurs indicés " p " à forte valeur paysagère et en zone N, " l'extension limitée des constructions d'habitation existantes dans la limite de 50 % de la surface de plancher existante et dans la limite de 250 m² de surface de plancher ". Le permis de construire accordé le 2 décembre 2015 à M. C... permet, en application de ces dispositions, d'étendre de 75,5 m² une construction existante de 151 m².

15. D'une part, si M. E... soutient que les plans de masse et de façade des dossiers de 2019 et 2020 font apparaître des extensions plus étendues que dans le dossier de 2015, il ressort des pièces du dossier que les permis modificatifs n'ont pas pour objet, et ne sauraient avoir implicitement pour effet, alors que la surface de plancher de 75,5 m² indiquée dans les dossiers de 2019 et 2020 est la même que dans celui de 2015 ainsi qu'il a été vu aux points 10 et 11, d'autoriser la réalisation d'une surface de plancher supplémentaire à celle autorisée en 2015. D'autre part, la circonstance qu'au moment du dépôt des demandes de permis modificatifs, qui avaient précisément pour objet de régulariser des modifications apportées par rapport au permis initial, des éléments de construction ont été édifiés sans respecter le permis de construire obtenu en 2015, ce que M. E... n'établit au demeurant pas par des calculs approximatifs de surfaces, est sans incidence sur la légalité des permis de construire modificatifs délivrés. En outre, la circonstance qu'un procès-verbal d'infraction ait été ultérieurement dressé, le 29 juin 2022, à l'encontre de M. C..., et transmis à l'autorité judiciaire le 18 octobre 2022, pour non-respect du permis délivré du fait du dépassement de la surface de plancher autorisée en extension et méconnaissance du PLU en ce que l'extension réalisée excédait les 50 % de la surface déclarée de la construction existante, est sans incidence sur la légalité des permis de construire contestés, dont la légalité s'apprécie à la date de leur édiction. Enfin, si M. E... soutient que les travaux initialement autorisés l'ont été en méconnaissance des dispositions de l'article N 2 du règlement du PLU de la commune, du fait d'une surface de plancher de la construction existante déclarée supérieure à la surface de plancher réelle, ce moyen est inopérant à l'encontre des permis contestés, qui ne modifient pas la surface de plancher maximale autorisée résultant de la surface de plancher existante déclarée et autorisée dans le permis de 2015. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article N 2 du règlement du PLU ne peut qu'être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :

16. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est classé par le plan de zonage du PLU de la commune de Saint-Restitut en zone N, zone naturelle et forestière, affectée d'un indice " p ", délimitant des secteurs destinés à la protection des paysages et des milieux dans lesquels des dispositions réglementaires spécifiques s'appliquent selon les zones. Il est également classé en zone 2 du plan général de délimitation des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) de Saint-Restitut, devenues de plein droit des sites patrimoniaux remarquables (SPR) à compter de la date de publication de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, au titre du " patrimoine naturel et paysager des reliefs montagneux ".

17. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains (...) ". Aux termes de l'article N 11 du règlement du PLU, relatif à l'" aspect extérieur " des constructions : " 11.1 Architecture et intégration à l'environnement : / Le respect du caractère de l'environnement, des constructions voisines est impératif, notamment en ce qui concerne les proportions, la pente des toitures et leurs débords, la nature et l'aspect des matériaux utilisés. / La volumétrie des constructions sera simple. L'imbrication des volumes disparates sera évitée. Le bâtiment sera composé, au plus de trois volumes parallélépipédiques, dont un ou deux volumes en prolongement du corps principal ou perpendiculaire à celui-ci. Il devra respecter une unité d'aspect et de matériaux. / Les matériaux naturels sont encouragés : le bois, les enduits à la chaux, les tuiles de terres cuites sont obligatoires de teinte nuancée à vieillie. / (...) / 11.2 Aspect des façades : / L'ensemble des murs des constructions devra présenter un aspect et une couleur en harmonie entre eux. Ainsi, toutes les façades d'un même bâtiment seront traitées de façon homogène et avec le même soin, y compris les murs pignon, mitoyens ou non, les façades latérales et arrières. / (...) Le traitement des constructions annexes doit être en harmonie avec la construction principale, tant par le choix des matériaux que la qualité de la finition. / (...) ". En outre, le cahier des prescriptions et recommandations de la ZPPAUP de Saint-Restitut comporte, en zone 2, à propos de la conservation des fermes et cabanons, la recommandation suivante : " Les extensions sont limitées et en harmonie de formes et de matériaux avec les parties anciennes ".

18. M. E... soutient que le point 11.1 de l'article N 11 du règlement du PLU et l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme sont méconnus en ce que le projet dans son ensemble, par son " esthétique très contemporaine " comportant désormais des toitures terrasses, de larges ouvertures vitrées sans volets en bois, n'est pas en harmonie avec l'environnement proche et notamment la construction dont l'extension a été autorisée, qui était une bâtisse en pierre recouverte de toitures pentues en tuiles et percées d'étroites fenêtres.

19. D'une part, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

20. S'agissant tout d'abord de l'environnement du projet, il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante au sein d'un vaste secteur végétalisé de type garrigue, aménagé de murs en pierre, accessible par un chemin non bitumé, avec simplement une construction mitoyenne ne comportant ni toiture ni plancher, trois maisons situées à 80 mètres au nord et à 100 mètres à l'ouest et, enfin, plusieurs maisons individuelles beaucoup plus éloignées au nord-ouest, l'ensemble ne pouvant ainsi traduire un environnement architectural bâti présentant un caractère spécifique particulier. S'agissant de l'architecture du projet, si la bâtisse existante était une construction ancienne en murs de pierres et toits de tuiles et constituée de divers niveaux du fait de la pente du terrain, son esthétique générale a été fortement modifiée, en vertu de l'extension autorisée par le permis délivré en 2015 devenu définitif, par la création de deux volumes de forme parallélépipédique droite percés de grandes baies vitrées ainsi qu'une piscine, dont l'architecture générale n'a été que faiblement modifiée par les permis délivrés en 2019 et 2020. La substitution de toitures terrasses aux toitures à pente en tuiles initialement prévues permet de réduire de quelques centimètres la hauteur des volumes d'extension, sans en modifier l'aspect général puisque le permis initial prévoyait un acrotère dissimulant l'essentiel de la pente des toits. La circonstance que les volets aient été supprimés sur l'ensemble de la construction n'est pas suffisante pour considérer que le projet tel que modifié conduirait à porter atteinte au caractère des lieux et paysages avoisinants. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés contestés sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

21. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications autorisées du projet seraient en co-visibilité avec d'autres constructions avec lesquelles les dispositions du PLU imposeraient une harmonie en ce qui concerne les proportions, la pente des toitures et leurs débords, la nature et l'aspect des matériaux utilisés. Il ressort des pièces du dossier que les permis modificatifs ne modifient que marginalement la volumétrie des constructions, en modifiant la géométrie de l'une des extensions autorisées en 2015 et en prévoyant des toitures plates au lieu de toitures en pente à la base desquelles étaient prévus des acrotères les dissimulant. Si ces permis modifient l'implantation de la piscine, c'est pour la rapprocher de l'habitation principale et ainsi diminuer la visibilité des surfaces aménagées. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'architecte des bâtiments de France a donné son accord au projet autorisé par l'arrêté du 11 décembre 2019 en l'assortissant d'une prescription, reprise dans l'arrêté, quant à l'arrosage de la toiture végétalisée afin de maintenir vivaces des végétaux extensifs. Cette végétalisation des toits-terrasses permet à la construction de s'insérer dans un environnement très végétalisé. Enfin, la circonstance que les volets aient été supprimés sur l'ensemble de la construction n'est pas suffisante pour considérer que le projet tel que modifié, dont l'architecture contemporaine de l'extension a été validée en 2015, serait disharmonieux. Ainsi, le moyen tiré de ce que les permis auraient été accordés en méconnaissance du point 11.1 de l'article N 11 du règlement du PLU doit être écarté.

22. Enfin, M. E... soutient que la prescription selon laquelle " La construction nouvelle devra être en harmonie avec le bâtiment existant ", qui assortit le permis délivré en 2015, les permis modificatifs prescrivant quant à eux le maintien des réserves et prescriptions contenues dans le permis d'origine, n'aurait pas été respectée lors de la réalisation des travaux. Cette circonstance relève toutefois de l'exécution de ces permis, qui n'autorisent que des constructions conformes aux plans et indications fournis, et demeure par suite sans incidence sur leur légalité.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article N 11 du règlement du PLU : " 11.1 Architecture et intégration à l'environnement : / Le respect du caractère de l'environnement, des constructions voisines est impératif, notamment en ce qui concerne les proportions, la pente des toitures et leurs débords, la nature et l'aspect des matériaux utilisés. / (...) / 11.3 Les toitures : / Nature : / Les toitures seront des toitures simples ou à double pente. / Les toits à la Mansart, les toitures terrasses et toitures brisées sont interdits (...). / Pente : / La pente des toitures sera comprise entre 25 et 35%. / (...) / 11.6 Adaptation : / Dans le cas de dispositions architecturales particulières (intégration des systèmes d'énergies renouvelables ou d'architecture bioclimatique), les dispositions du présent article pourront être adaptées, sur justification ". Le lexique du règlement du PLU définit la toiture terrasse comme une " toiture dont la pente est inférieure à 15 % ".

24. M. E... conteste l'autorisation de toitures-terrasses par le permis de construire du 11 décembre 2019. Si M. C... expose que les articles L. 111-16 et R. 111-23 du code de l'urbanisme autorisent à déroger aux règles du PLU pour permettre la réalisation de dispositifs limitant l'émission de gaz à effet de serre ou favorisant la rétention des eaux pluviales, ces dispositions ne sont pas applicables dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable en vertu de l'article L. 111-17 du même code.

25. Toutefois, le point 11.6 de l'article N 11 du PLU autorise de procéder à des adaptations des dispositions de cet article, sur justification, dans le cas de " dispositions architecturales particulières ", notamment d'architecture bioclimatique. Il ressort des mentions de la notice du dossier de demande et des observations de M. C... que la substitution de toitures-terrasses végétalisées aux toitures à double pente initialement prévues fait suite à un échange avec l'architecte des bâtiments de France et aurait pour objet d'améliorer les performances thermiques du bâtiment. Il ressort des pièces du dossier que la mise en place de toitures-terrasses végétalisées permet d'assurer une meilleure retenue des eaux pluviales, leur pente étant de 3 % dans le projet modifié au lieu de 25 % dans le projet initial. Dans ces conditions, ces toitures peuvent être autorisées au titre de dispositions architecturales particulières d'architecture bioclimatique, en vertu du point 11.6 de l'article N 11 du règlement du PLU, ainsi que l'a soutenu la commune en première instance. Le moyen tiré de la méconnaissance du point 11.3 de l'article N 11 du règlement du PLU doit donc être écarté.

26. En troisième lieu, aux termes du même article N 11 du règlement du PLU : " (...) / 11.4 Les clôtures : / (...) / Partout les murets traditionnels de pierres sèches existants devront être préservés et restaurés. La conservation et la reconstruction des simples traces de murs (" murs en tas ") sont recommandées, en qualité de mémoire du maillage lithique. / (...) ". M. E... soutient que les murs de pierres sèches ne sont pas préservés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans de masse et de coupe, ainsi que du constat d'huissier dressé à la demande M. E... le 11 janvier 2021, que les murs de pierres qui maintiennent et étagent le terrain sont préservés, les constructions étant érigées parallèlement à ces murs sans les recouvrir, ou au-dessus de ceux-ci, ce qui conduit simplement à les occulter partiellement, sans les détruire. Dans ces conditions, la méconnaissance alléguée des dispositions du point 11.4 de l'article N 11 du règlement du PLU n'est pas établie.

27. M. E... se prévaut, au soutien du même moyen, de la méconnaissance du cahier des prescriptions et recommandations de la ZPPAUP de Saint-Restitut, devenue SPR. La zone 2, qui concerne le " patrimoine naturel et paysager des reliefs montagneux ", a pour objectif de conserver le caractère naturel prédominant des reliefs, d'une part en les soustrayant à l'urbanisation, d'autre part en conservant les éléments de patrimoine rural qui fondent leur identité et leur pittoresque (chemins et sentiers, murs et cabanons en pierre sèche). En zone 2, il est prescrit à propos de la conservation et restauration des murs et cabanes en pierre sèche que : " La suppression totale ou même partielle des murs est interdite, notamment le long des chemins publics (...) ". Toutefois, ainsi qu'il vient d'être indiqué, une occultation ne constituant pas une suppression, aucun des murs n'est supprimé. Le moyen doit donc en tout état de cause être écarté.

28. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

29. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

30. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Restitut et de M. C..., qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. E... demande sur le fondement de ces dispositions.

31. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. E... la somme demandée par M. C... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉ C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à la commune de Saint-Restitut et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente assesseure,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

La rapporteure,

G. MaubonLa présidente,

M. D...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 22LY02587 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02587
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Permis modificatif.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Gabrielle MAUBON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : HACHEM

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;22ly02587 ?
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