Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301978 du 29 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif a annulé l'arrêté en litige.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2023, la préfète de l'Ain demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2023 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B....
Elle soutient que :
- c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Lyon a retenu qu'en obligeant Mme B... à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté en litige était entaché d'erreur de droit ; en effet, pour qu'un étranger ressortissant d'un pays tiers puisse bénéficier des droits accordés par la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, il est nécessaire que ce dernier ait la qualité de membre de famille, mais aussi qu'il rejoigne ou accompagne un citoyen de l'Union faisant usage de son droit à la libre circulation ; en l'espèce, Mme B... se maintient en France sans accompagner ni rejoindre sa conjointe, ressortissante espagnole qui réside en Espagne ; ainsi, Mme B... pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme B... qui n'a pas présenté d'observations.
Par ordonnance du 9 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mauclair, présidente-assesseure.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 mars 2023, la préfète de l'Ain a obligé Mme B..., née le 17 juillet 1986, de nationalité colombienne, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 29 juin 2023, dont la préfète relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Pour fonder sa décision portant obligation de quitter le territoire français, la préfète de l'Ain s'est fondée sur les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) ".
3. Il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que doivent être dissociés le cas des ressortissants de l'Union européenne et des membres de leur famille, qui relèvent de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, de celui des étrangers ressortissants d'Etats tiers, dépourvus de lien de famille avec un ressortissant de l'Union européenne, qui relèvent de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008. Seuls ces derniers peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai, éventuellement assortie d'une interdiction de retour, fondée sur les dispositions générales prévues à l'article L. 611-1 de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Lorsque l'autorité administrative entend prendre une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un ressortissant de l'Union européenne ou d'un membre de sa famille, fût-il lui-même également ressortissant d'un Etat tiers, les dispositions précitées de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'appliquent à l'exclusion des dispositions de l'article L. 611-1 du même code.
4. Pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme B... soutenait, en première instance, qu'elle bénéficiait, en sa qualité de conjointe d'une ressortissante communautaire, d'un droit à la libre circulation sur le territoire de l'Union européenne, en vertu des dispositions de l'article 7 de la directive 2004-38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, lesquelles ont été transposées à l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 233-1 du même code.
5. La directive 2004/38/CE, telle qu'interprétée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ne prévoit un droit de séjour dérivé en faveur des ressortissants d'États tiers, membres de la famille d'un citoyen de l'Union, au sens de l'article 2, point 2, de cette directive, que lorsque ce dernier a exercé son droit de libre circulation en s'établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité.
6. En l'espèce, Mme B... vit en concubinage avec une ressortissante espagnole, lequel a été enregistré le 16 janvier 2023 par la généralité de Valence et elle a sollicité en Espagne la délivrance d'un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne. Si elle soutient que, dans ces conditions, elle doit être regardée comme un membre de la famille d'une ressortissante communautaire, il est constant que sa concubine réside en Espagne et n'a pas exercé son droit de libre circulation. La situation de Mme B..., au regard du droit au séjour, ne relève dans ces circonstances pas de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, et des dispositions applicables aux ressortissants communautaires et aux membres de leur famille. Son éloignement ne peut, par suite, qu'être régi par les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de ce que les dispositions de cet article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvaient fonder la mesure d'éloignement pour annuler la décision en litige.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant devant le tribunal administratif de Lyon que devant la cour.
Sur les autres moyens invoqués par Mme B... :
8. En premier lieu, l'arrêté en litige, qui vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fait état d'éléments relatifs à la situation administrative et personnelle de Mme B.... Il précise notamment que l'intéressée s'est maintenue sur le territoire français plus de trois mois après son arrivée en France sans être titulaire d'un titre de séjour. Cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est insuffisamment motivée.
9. En second lieu, Mme B... doit être regardée comme se prévalant de la méconnaissance des dispositions des articles L. 813-5 et L. 813-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux droits à être assisté d'un avocat pendant la procédure de retenue pour vérification du droit au séjour et à la rédaction d'un procès-verbal à l'issue de cette procédure. Toutefois, il n'appartient, en tout état de cause, pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions de la retenue pour vérification du droit au séjour qui ont précédé l'édiction, par l'autorité préfectorale, d'une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 10 mars 2023.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2301978 du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.
La rapporteure,
A.-G. MauclairLa présidente,
M. A...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY02363 2