La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2025 | FRANCE | N°24LY01080

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 09 janvier 2025, 24LY01080


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme de 23 857,72 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 11 avril 2022, en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur l'a suspendu de ses fonctions dans l'intérêt du service.



Par un jugement n° 2204842 du 2

3 février 2024, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme de 23 857,72 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 11 avril 2022, en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur l'a suspendu de ses fonctions dans l'intérêt du service.

Par un jugement n° 2204842 du 23 février 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 avril 2024, M. B..., représenté par Me Bouhalassa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 23 857,72 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 11 avril 2022, en réparation de l'ensemble des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le ministre de l'intérieur l'a suspendu de ses fonctions dans l'intérêt du service ;

3°) de mettre à la charge de l'État, la somme de 2 200 euros au titre de la procédure de première instance, et la même somme au titre de la procédure d'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreurs de fait et d'appréciation ;

- il a immédiatement et constamment nié avoir commis les faits qui lui étaient reprochés, lesquels, en outre, ne présentaient pas un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier sa suspension ; la poursuite de son activité au sein de la préfecture du Rhône n'aurait en rien gêné la bonne marche du service, au regard de son parcours et de ses états de service ;

- dès lors que le ministre en charge de la transition écologique a décidé de sa réintégration avant que le tribunal correctionnel n'ait prononcé sa relaxe, il doit être considéré qu'il n'aurait pas davantage décidé de sa suspension à la date du 20 décembre 2020.

Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Par renvoi à ses écritures de première instance, il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er octobre 2024, l'instruction a été close au 5 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 2005-631 du 30 mai 2005 ;

- le décret n° 2020-869 du 15 juillet 2020 ;

- le décret n° 2020-874 du 15 juillet 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ingénieur divisionnaire des travaux publics de l'État, relevant du ministère de la transition écologique, avait été placé, à sa demande, en position normale d'activité auprès du ministère de l'intérieur et affecté, à compter du 1er janvier 2018, à la préfecture du Rhône, en qualité de " chef de projet régional sécurité routière " au sein du cabinet du préfet délégué à la défense et à la sécurité. A la suite du dépôt, le 16 septembre 2020, d'une plainte contre X pour des faits de vols de matériels administratifs constatés les 14 août et 4 septembre 2020 dans l'enceinte de la préfecture du Rhône, puis à la notification à l'intéressé, le 1er octobre 2020, d'une convocation devant le tribunal correctionnel de Lyon, le 12 mai 2021, pour des faits de " vol dans un local d'habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels " commis " du 14 août 2020 à 16 heures 30 au 7 septembre 2020 à 7 heures " dans le 3ème arrondissement de Lyon, le ministre de l'intérieur, par un arrêté du 2 décembre 2020, a suspendu M. B... de ses fonctions dans l'intérêt du service et, par un second arrêté du 6 avril 2021, a " maintenu " la suspension de l'intéressé dans l'intérêt du service à compter du 3 avril 2021. Et par un arrêté de la ministre de la transition écologique notifié le 2 septembre 2021, M. B... a été réintégré, à sa demande, au sein du ministère de la transition écologique, à compter du 1er septembre 2021. Par un jugement du 8 décembre 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a prononcé l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 2 décembre 2020. Par un courrier du 7 avril 2022, dont l'administration a accusé réception le 11 avril suivant, M. B... a présenté une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité de la suspension de ses fonctions. Le silence gardé pendant deux mois par le ministre de l'intérieur sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet le 11 juin 2022. M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme totale de 23 857,72 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 11 avril 2022, en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 2 décembre 2020. Par un jugement du 23 février 2024 dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative.

3. Selon les termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige et dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. (...) ". La suspension d'un agent public, en application de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public. Elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé dans ses fonctions présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours.

4. Il résulte de l'instruction que deux vols de réservoirs de chasse d'eau et d'un abattant de toilette ont été constatés les 14 août et 4 septembre 2020 dans l'enceinte de la préfecture, ayant donné lieu au dépôt d'une plainte contre X pour des faits de vols de matériels administratifs. La préfecture du Rhône a sollicité, en sa qualité de victime, une copie de la procédure diligentée par le parquet du tribunal judiciaire de Lyon, dont la transmission aux services préfectoraux le 8 octobre 2020 a révélé que des réquisitions ont été réalisées par les services de police, les 10 et 16 septembre 2020, d'une part de l'historique des badgeages sur les créneaux pouvant correspondant aux périodes de vols, d'autre part des images de caméras de vidéosurveillance. A l'issue de ces démarches, l'autorité judiciaire n'a identifié et convoqué, le1er octobre 2020, que M. B.... L'intéressé, placé en garde à vue, n'a pas reconnu les faits qui lui étaient reprochés. La perquisition ayant eu lieu à son domicile n'a pas permis de retrouver les matériels volés. Il résulte toutefois des termes de la lettre du 25 novembre 2020 par laquelle le préfet du Rhône a sollicité du ministre de l'intérieur la prise d'une décision de suspension de fonctions à titre conservatoire de M. B..., que ce dernier s'est trouvé à deux reprises dans les locaux de la préfecture et dans les bâtiments où ont été constatés les vols, alors que son bureau était situé dans un bâtiment extérieur à l'enceinte préfectorale. A cet égard, les pointages d'entrées et de sorties ont montré sa présence pendant une dizaine de minutes, vers 18 heures 30, les vendredis soirs. Compte tenu de ces éléments, le parquet du tribunal judiciaire de Lyon a décidé de convoquer M. B... devant le tribunal correctionnel de Lyon le 12 mai 2021 pour des faits de " vol dans un local d'habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels ". Il résulte en outre de l'instruction qu'invité à présenter des observations sur les " allégations " de M. B..., le sous-préfet, directeur de cabinet du préfet du Rhône exerçant une autorité fonctionnelle sur le service dirigé par l'intéressé, a précisé par une note du 18 novembre 2020 qu'il n'organisait pas de réunions tardives nécessitant la présence de M. B... au cabinet du préfet en fin de journée, que le dépôt régulier de parapheurs par l'intéressé auprès du secrétariat du cabinet n'exigeait pas son passage par les lieux filmés par les caméras et que, d'après le directeur de cabinet du préfet du Rhône, si M. B... s'approvisionnait en ramettes de papiers au sein du secrétariat du préfet délégué à la défense et à la sécurité du Rhône, il ne le faisait, selon la chargée de mission de ce secrétariat, jamais au-delà de 18 heures.

5. Dans ce contexte, et alors même que la ministre de la transition écologique a ultérieurement décidé de la réintégration de M. B... à compter du 1er septembre 2021, sans que cette mesure n'ait d'ailleurs eu pour objet de maintenir l'intéressé dans son poste au sein de la préfecture du Rhône, il apparaît que, à la date du 2 décembre 2020, les faits dont l'intéressé était soupçonné présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier sa suspension dans l'intérêt du service et que, compte tenu notamment de ses fonctions de chef de projet régional sécurité routière au sein du cabinet du préfet délégué à la défense et à la sécurité, son maintien aurait présenté des inconvénients suffisamment sérieux pour le service.

6. Dès lors qu'il n'apparaît pas que la ministre de la transition écologique, saisie des mêmes éléments que le ministre de l'intérieur, aurait, dans l'intérêt du service, pris une décision différente de celle ici en cause, les préjudices que l'intéressé estime avoir subis ne peuvent être regardés comme étant la conséquence directe du vice d'incompétence entachant l'arrêté du 2 décembre 2020.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

La rapporteure,

I. Boffy

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01080

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01080
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Absence d'illégalité et de responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : BOUHALASSA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;24ly01080 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award