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09/01/2025 | FRANCE | N°24LY01698

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 09 janvier 2025, 24LY01698


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 mars 2022 par laquelle le maire de Saint-Pierre-de-Chandieu s'est opposé au raccordement au réseau électrique de la parcelle située ....



Par un jugement n° 2203153 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête enregistrée le 10 juin 2024, et un mémoire enregistré le 21 novembre 2

024 et non communiqué, sous le n° 24LY01698, la commune de Saint-Pierre de Chandieu, représentée par Me Vincens-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 mars 2022 par laquelle le maire de Saint-Pierre-de-Chandieu s'est opposé au raccordement au réseau électrique de la parcelle située ....

Par un jugement n° 2203153 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête enregistrée le 10 juin 2024, et un mémoire enregistré le 21 novembre 2024 et non communiqué, sous le n° 24LY01698, la commune de Saint-Pierre de Chandieu, représentée par Me Vincens-Bouguereau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 avril 2024 ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire dispose, en application des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, au titre de ses pouvoirs de police générale, de la possibilité de s'opposer à une demande de raccordement au réseau d'électricité ; en l'espèce, M. B... a demandé le raccordement complet de sa parcelle, supportant un cabanon, sur une ligne moyenne tension pour une puissance de 36kVa triphasé ; un tel raccordement, qui porte sur une puissance élevée sans qu'il soit possible de déterminer précisément l'objet de la demande de raccordement, serait susceptible de causer un risque grave et immédiat, notamment d'incendie, et d'entraîner des risques pour la sécurité publique et pour celle de M. B... ; la parcelle à raccorder se situe en zone agricole et à proximité de parcelles à enjeux paysagers et de lignes à haute tension ;

- la demande de raccordement ne peut être que refusée en vertu des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme dès lors que la demande de raccordement de M. B... présente un caractère définitif et que la construction à raccorder, à savoir un cabanon, a été érigé en l'absence d'autorisation d'urbanisme ; que ce motif peut être substitué aux motifs initiaux de la décision en litige.

Par un mémoire enregistré le 5 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Cunin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Pierre de Chandieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu que l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 25 novembre 2021 faisait obstacle à ce que le maire de Saint-Pierre de Chandieu s'oppose à nouveau au raccordement au réseau électrique de la parcelle litigieuse pour un motif identique à celui qui a été censuré par le tribunal, en dehors de tout changement avéré dans les circonstances ;

- la demande de substitution de motif sollicitée ne pourra qu'être écartée dès lors que la commune n'apporte aucun élément de nature à établir que le raccordement demandé concernerait une construction irrégulièrement érigée ;

- les autres moyens soulevés par la commune de Saint-Pierre de Chandieu ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 novembre 2024.

II/ Par une requête enregistrée le 11 juin 2024, et un mémoire enregistré le 21 novembre 2024 et non communiqué, sous le n° 24LY01699, la commune de Saint-Pierre de Chandieu, représentée par Me Vincens-Bouguereau, demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative de prononcer le sursis à exécution du jugement du 11 avril 2024 et de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions posées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont satisfaites ;

- le maire était parfaitement fondé à s'opposer à la demande de raccordement sur le fondement des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

- en tout état de cause, la décision en litige est justifiée par les dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme dès lors que le raccordement sollicité doit être regardé comme définitif et que le cabanon, dont la réalisation était soumise à l'obtention d'un permis de construire, a été érigé sur la parcelle appartenant à M. B... sans autorisation d'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 5 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Cunin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Pierre de Chandieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conditions énoncées à l'article R. 811-15 du code de justice administrative ne sont pas remplies ;

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu que l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 25 novembre 2021 faisait obstacle à ce que le maire de Saint-Pierre de Chandieu s'oppose à nouveau au raccordement au réseau électrique de la parcelle litigieuse pour un motif identique à celui qui a été censuré par le tribunal, en dehors de tout changement avéré dans les circonstances ;

- la demande de substitution de motif sollicitée ne pourra qu'être écartée dès lors que la commune n'apporte aucun élément de nature à établir que le raccordement demandé concernerait une construction irrégulièrement érigée ;

- les autres moyens soulevés par la commune de Saint-Pierre de Chandieu ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 novembre 2024.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mauclair, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique ;

- les observations de Me Vincens-Bouguereau, représentant la commune de Saint-Pierre de Chandieu et de Me Cunin, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., propriétaire de la parcelle cadastrée section ... située ... à Saint-Pierre-de-Chandieu, a sollicité par un formulaire du 11 mai 2020 le raccordement de cette parcelle au réseau public d'électricité. Avisé oralement par Enedis d'une opposition du maire de la commune à cette demande, M. B... a adressé à celui-ci un recours notifié le 3 août 2020, en vue d'obtenir les motifs de cette décision. Par courrier du 3 septembre 2020, le maire a confirmé le refus ainsi opposé. Par un jugement n° 2007067 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé les deux décisions du maire de Saint-Pierre-de-Chandieu s'opposant à la demande de raccordement au réseau d'électricité de la parcelle appartenant à M. B... et a enjoint au maire de Saint-Pierre-de-Chandieu de procéder au réexamen de cette demande, dans un délai d'un mois. Par un arrêt de ce jour, la cour a rejeté l'appel interjeté par la commune de Saint-Pierre de Chandieu à l'encontre de ce jugement. Par une décision du 28 mars 2022, le maire de Saint-Pierre-de-Chandieu s'est à nouveau opposé à la demande de raccordement au réseau d'électricité formée par M. B.... Par un jugement du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision et a enjoint au maire de Saint-Pierre-de-Chandieu de ne pas s'opposer à cette demande de raccordement et de prendre une nouvelle décision dans ce sens, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. La commune de Saint-Pierre de Chandieu relève appel de ce dernier jugement par sa requête n° 24LY01698 et demande, par sa requête n° 24LY01699, qu'il soit sursis à son exécution. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, qui portent sur un même jugement, pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 24LY01698 :

2. En premier lieu, l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement, alors même qu'il est frappé d'appel, annulant un refus de raccordement ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, la demande de raccordement soit à nouveau refusée par l'autorité administrative, pour un motif identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif.

3. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, le tribunal administratif de Lyon a, par un jugement du 25 novembre 2021, annulé pour excès de pouvoir la décision orale par laquelle le maire de Saint-Pierre-de-Chandieu s'est opposé au raccordement définitif au réseau électrique de la parcelle située ... et cadastrée section ..., appartenant à M. B..., ainsi que la décision du 3 septembre 2020 confirmant ce refus, aux motifs que le maire de la commune ne tenait pas des pouvoirs de police générale que lui confère l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, le pouvoir de s'opposer à un raccordement au réseau d'électricité, qu'il n'était pas établi que l'installation envisagée ait été soumise notamment aux dispositions de l'article R. 421-23 du code d'urbanisme et que les dispositions de l'article A1 du règlement d'urbanisme ne peuvent légalement justifier un refus de raccordement aux réseaux. Par un arrêt de ce jour, la cour a rejeté l'appel interjeté par la commune de Saint-Pierre de Chandieu à l'encontre de ce jugement. En l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, M. B... est fondé à soutenir que la décision du 28 mars 2022, par laquelle le maire de la commune de Saint-Pierre de Chandieu s'est opposé, par les mêmes motifs, à sa demande de raccordement définitif telle que déposée le 11 mai 2020, a été prise en méconnaissance de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache tant au dispositif du jugement du 25 novembre 2021 qu'aux motifs qui en constituent le support nécessaire.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-12 du code de l''urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme que le maire peut s'opposer, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, et alors même que l'infraction pénale constituée par la construction sans autorisation serait prescrite, à un raccordement définitif aux réseaux publics des bâtiments, locaux ou installations dont la construction ou la transformation n'a pas été régulièrement autorisée ou agréée selon la législation en vigueur à la date de leur édification ou de leur transformation, ni régularisée depuis lors. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier, au regard des éléments apportés par le pétitionnaire, et le cas échéant des éléments que lui soumet l'administration, si la construction dont le raccordement aux réseaux est demandé peut être regardée, compte tenu de la date de son édification et des exigences applicables à cette date en matière d'autorisation de construire, comme ayant été régulièrement édifiée.

6. La commune de Saint-Pierre de Chandieu se prévaut en appel de ce que cette demande de raccordement définitif ne pouvait qu'être écartée au regard des dispositions de l'article L. 111-12 du code d'urbanisme, dès lors que le cabanon à raccorder a été érigé en l'absence d'autorisation d'urbanisme et sollicite que ce motif soit substitué au motif initial de la décision en litige et portant sur le raccordement d'une caravane. En l'espèce, il ressort des pièces produites que la parcelle appartenant à M. B... supporte un cabanon, qualifié d'abri de jardin par l'acte de vente du 14 septembre 2018. M. B..., qui indique dans sa demande de raccordement qu'elle concerne un terrain de loisirs avec un cabanon, n'établit pas, en l'absence notamment de tout élément sur la date de son édification et alors que la charge de la preuve lui incombe, que cette construction n'entrait pas dans le champ d'application des autorisations d'urbanisme tel que défini à l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme. Dans ces circonstances, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs présentée par la commune de Saint-Pierre de Chandieu.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Pierre de Chandieu est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du maire s'opposant à la demande de raccordement au réseau d'électricité de M. B... du 28 mars 2022.

Sur la requête n° 24LY01699 :

8. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel de la commune de Saint-Pierre de Chandieu contre le jugement du 11 avril 2024. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés aux litiges :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Pierre de Chandieu, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Pierre de Chandieu et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la commune de Saint-Pierre de Chandieu à fin de sursis à exécution présentées dans la requête n° 24LY01699.

Article 2 : Le jugement n° 2203153 du 11 avril 2024 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 3 : La demande présentée en première instance par M. B... est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées en appel par M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les deux instances sont rejetées.

Article 5 : M. B... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Pierre de Chandieu au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Pierre de Chandieu et à M. A... B....

Copie en sera adressée à Enedis.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente assesseure,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

La rapporteure,

A.-G. Mauclair La présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°s 24LY01698, 24LY01699 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01698
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-06 Police. - Polices spéciales. - Police de l'utilisation des sols.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : ATV AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;24ly01698 ?
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