Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel le maire de Pollionnay a délivré à la société Foncière 3 un permis de construire pour la réalisation d'une maison avec piscine sur un terrain situé chemin des Mandrières.
Par un jugement n° 2200514 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juillet et 7 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Bracq, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2024 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 du maire de Pollionnay, ensemble la décision de rejet implicite du recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Pollionay la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, il justifie d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige ; il est en effet voisin immédiat du projet et la construction projetée, située en amont d'une pente naturelle, avec une hauteur de 7,32 mètres au faîtage non occultée par les quelques arbres existants, induira une perte de vue et d'intimité et un trouble de jouissance ; le projet conduit en outre à la suppression d'une mare, au profit d'une piscine, alors qu'elle alimente le puits, la mare et la source existants sur son propre terrain et qui sont indispensables à la survie des animaux qu'il y élève ;
- les moyens soulevés en première instance sont fondés ; en premier lieu, le dossier est insuffisant au regard des dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 c) du code de l'urbanisme, le document graphique ne permettant pas d'apprécier l'insertion du projet de construction dans son environnement et la présence des autres constructions, le traitement des accès n'étant pas représenté, les documents sur l'insertion paysagère étant insuffisants, les points et angles de prises de vue n'étant pas reportés et la notice paysagère ayant omis d'évoquer l'organisation et l'aménagement des accès ; en deuxième lieu, l'article Ub 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) est méconnu, la desserte ne se faisant que par le chemin vicinal des Mandrières, qui est non carrossable et n'a pas une largeur minimale de quatre mètres ; pour les mêmes motifs et en prenant également en compte la présence d'eaux gelées au niveau de l'accès au projet, le projet porte atteinte à la sécurité publique et le permis délivré est ainsi entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2024, et des mémoires enregistrés les 2 et 4 décembre 2024 et non communiqués, la société Foncière 3, représentée par Me Mazoyer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable au regard de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, en l'absence de preuve de la réception d'une notification faite au nouveau siège social de la société Foncière 3, dans le délai de quinze jours à compter du 5 juillet 2024 ; ce recours a été notifié à l'ancien siège social et sa distribution n'est pas établie ;
- la requête d'appel est irrecevable en ce que les dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ont été méconnues ; il résulte de l'intégralité de l'acte de donation produit, l'intéressé n'ayant frauduleusement produit que la première page de ce document, qu'il n'est que nu-propriétaire indivis et de la seule parcelle non bâtie cadastrée ... ;
- la requête d'appel est irrecevable pour défaut de qualité pour agir en ce qu'elle a été introduite par un seul des propriétaires indivisaires ; le requérant ne justifie pas résider sur la parcelle non bâtie ..., ni n'établit être propriétaire d'un terrain et d'une maison d'habitation située au 101 chemin des Mandrières ;
- la demande de première instance est irrecevable en l'absence de preuve de la notification du recours gracieux à la société Foncière 3, le requérant se bornant à cet égard à produire un bordereau de lettre recommandée sans produire le courrier correspondant à cette dernière ; elle est également irrecevable pour défaut de qualité pour agir en ce qu'elle a été introduite par un seul des propriétaires indivisaires ;
- en tout état de cause, le tribunal a retenu à bon droit l'absence d'intérêt à agir ; que le requérant n'est, à la date d'affichage de la demande de permis de construire, que nu-propriétaire indivis de la seule parcelle ..., non bâtie, et non de la parcelle bâtie ... ; il s'en déduit qu'il ne peut sérieusement invoquer une perte d'ensoleillement et d'intimité ; au surplus, le projet ne modifie pas les conditions d'utilisation de la parcelle ..., et la perte de vue et d'intimité ne sont pas établies, eu égard à la séparation par une haie d'arbres et la situation en contre-bas, à plus de 112 mètres entre le haut de la parcelle ... et la maison existante ; les conditions d'occupation de la parcelle ... sont en réalité modifiées du seul fait des orientations d'aménagement et de programmation du secteur des Mandrières qui prévoient qu'elle sera traversée par un cheminement piéton ; la réalité d'une mare et d'un puits sur la parcelle cadastrée section ... n'est pas établie et un litige éventuel sur l'écoulement des eaux relèverait de considérations de droit privé ; la réalité d'une source sur le terrain d'assiette du projet est démentie par les pièces produites ; les trois attestations produites ne sont pas manuscrites, en méconnaissance de l'article 202 du code de procédure civile et leurs rédacteurs seraient irrecevables à contester l'autorisation en litige, eu égard à la distance les séparant du projet ou, pour l'un d'entre eux, aux conditions dans lesquelles il a acheté sa maison à la société Foncière 3 ;
- les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés, et pourraient, en cas contraire, être régularisés après la mise en œuvre du sursis à statuer de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Par une ordonnance du 13 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2024 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure,
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,
- les observations de Me Mazoyer, pour la société Foncière 3.
1. La société Foncière 3 a déposé sur la parcelle cadastrée section A n° 235 d'une superficie de 1 970 m², située chemin des Mandrières à Pollionay, une déclaration préalable de division pour détacher un lot à bâtir B s'établissant environ à 937 m² et désormais cadastré section AI n° 793. Le maire de la commune de Pollionay a accordé le 23 juillet 2021 à cette société un permis de construire portant sur la réalisation d'une maison individuelle avec piscine sur ce lot B. M. A... a formé par courrier du 21 septembre 2021 un recours gracieux contre ce permis de construire, qui a été rejeté implicitement. Par un jugement du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté pour irrecevabilité le recours de M. A... tendant à l'annulation de ce permis de construire, sur le fondement de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux (...) ".
3. D'une part, la production du certificat de dépôt de la lettre recommandée suffit à justifier de l'accomplissement de la formalité de notification prescrite à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme lorsqu'il n'est pas soutenu devant le juge qu'elle aurait eu un contenu insuffisant au regard de l'obligation d'information qui pèse sur l'auteur du recours.
4. Il ressort des pièces du dossier que la requête d'appel a été notifiée à la société Foncière 3 par un courrier déposé aux services postaux le 10 juillet 2024, soit dans le délai de quinze jours à compter de l'enregistrement, le 5 juillet 2024, de la requête d'appel, imparti par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
5. D'autre part, il résulte des termes mêmes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dont le but est d'alerter tant l'auteur d'une décision d'urbanisme que son bénéficiaire de l'existence d'un recours contentieux formé contre cette décision, dès son introduction, que cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification est faite au titulaire de l'autorisation désigné par l'acte attaqué, à l'adresse qui y est mentionnée.
6. La notification de la requête d'appel a été faite à l'adresse de la société pétitionnaire figurant dans le dossier de permis de construire en litige. Dans ces conditions, et à défaut d'établir en avoir informé M. A..., elle ne peut utilement soutenir qu'elle aurait déménagé entre-temps.
7. Les fins de non-recevoir opposées par la société Foncière 3 à la requête d'appel et tirées de la méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peuvent dès lors qu'être rejetées, dans toutes leurs branches.
8. En second lieu, le requérant avait produit devant les premiers juges l'acte de donation-partage, dans son intégralité, qui justifiait de sa qualité de nu-propriétaire indivis de la parcelle cadastrée section .... La fin de non-recevoir tirée d'un défaut de qualité à agir en ce que les dispositions de l'article R. 600-4 de ce code auraient été méconnues, ne peut, dès lors et en tout état de cause, qu'être écartée.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
En ce qui ce qui concerne le défaut d'intérêt à agir retenu par le tribunal administratif :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
11. Le propriétaire d'un terrain non construit ou celui bénéficiant d'une promesse de vente sur ce dernier est recevable, quand bien même il ne l'occuperait ni ne l'exploiterait, à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager si, au vu des éléments versés au dossier, il apparait que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux en cause, de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien.
12. En l'espèce, le projet en litige porte sur la construction d'une maison individuelle d'une superficie de plancher de 194,74 m² ayant en sa partie centrale un étage d'une hauteur de 7,32 mètres, et d'une piscine. Son terrain d'assiette est mitoyen sur toute sa limite séparative avec la parcelle cadastrée section ..., dont la moitié indivise lui avait été donnée par un acte de donation-partage du 29 mars 2002 en nue-propriété jusqu'au décès des donateurs intervenu en 2018 et 2021, et en pleine propriété depuis lors. Les pièces produites, plus particulièrement en appel, et notamment les photographies, établissent que ce projet est fortement visible de cette parcelle, située en contrebas, sans qu'y fassent obstacle les quelques arbres de haute tige implantés le long de la limite séparative. La circonstance que les orientations d'aménagement et de programmation du secteur des Mandrières prévoiraient la réalisation d'une voie traversant cette parcelle cadastrée section ... est sans incidence sur l'appréciation de cet intérêt à agir, eu égard notamment à l'absence d'échéance ou de certitude de la réalisation de cette voie et de son assiette ou encore de ce qu'il existe encore une superficie suffisamment significative entre la limite séparative et cette voie envisagée. Le requérant, qui se prévaut notamment d'une perte de vue et d'intimité, fait état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance et à la localisation du projet de construction suffisants et de nature à affecter directement les conditions d'occupation d'utilisation ou de jouissance de son bien, alors même qu'il est resté à l'état naturel et qu'il n'en était alors qu'un des propriétaires indivis.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande comme irrecevable sur le fondement de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne les autres fins de non-recevoir opposées en appel à la demande de première instance :
14. Le défaut d'accomplissement des formalités de notification d'un recours administratif dans le délai de quinze jours requis par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme rend en principe irrecevable le recours contentieux qui en prendrait la suite. Toutefois, cet article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'a ni pour objet, ni pour effet de frapper d'irrecevabilité un recours contentieux qui, même s'il a été précédé d'un recours administratif non assorti des formalités de notification, a été introduit dans le délai de recours contentieux de droit commun de deux mois. Dans cette hypothèse, la recevabilité du recours contentieux n'est donc subordonnée qu'à la notification de ce recours, aux personnes désignées par la loi, dans les quinze jours francs suivants son enregistrement.
15. M. A... produit une copie du recours gracieux daté du 21 septembre 2021, ainsi qu'un bordereau établissant un dépôt de courrier aux services postaux le même jour, adressé à la société bénéficiaire, et l'avis de réception de ce courrier est signé. La société ne produit aucun document établissant que l'enveloppe était vide et qu'elle en aurait informé M. A..., ni ne donne d'éléments sur son contenu. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de notification régulière du recours gracieux, qui n'aurait au surplus une incidence que sur la prorogation du délai de recours contentieux, ne peut qu'être écartée.
16. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 7 mai 2024 doit être annulé et il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il statue sur la demande présentée par M. A....
Sur les frais de l'instance :
17. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200514 du 7 mai 2024 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Pollionnay et à la société Foncière 3.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.
La présidente-rapporteure,
M. Mehl-SchouderLa présidente-assesseure,
A.-G. Mauclair
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24LY01931 2