Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 avril 2023 par lequel le maire de Guilherand-Granges a accordé un permis de construire à la société Immobilière Valrim en vue d'une démolition et de la construction de dix logements sur un terrain situé ..., ainsi que la décision du 28 juillet 2023 rejetant son recours gracieux.
Par une ordonnance n° 2308370 du 24 juin 2024, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lyon a donné acte du désistement de cette demande et, par l'article 2, a mis à la charge de Mme C... la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Guilherand-Granges et la somme de 1 000 euros à verser à la société Immobilière Valrim, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 août et 6 décembre 2024, Mme C..., représentée par Me Chareyre, demande à la cour d'annuler l'article 2 de l'ordonnance du 24 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon mettant à sa charge des sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de chacun des deux défendeurs une somme de 500 euros au titre de la présente instance, sur le fondement de ce même article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la seule contestation des frais mis à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut aboutir à la remise en cause de l'autorisation de construire et n'est, par suite, pas soumise aux formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- elle ne peut être considérée comme étant une partie perdante, son désistement n'étant intervenu, après le premier mémoire en défense et avant la clôture de l'instruction, qu'en raison de l'intervention, en cours d'instance, d'un permis de construire, qui modifie le projet pour prendre en compte les vices qu'elle a soulevés dans sa demande d'annulation et qui lui a d'ailleurs été notifié par le pétitionnaire ; le montant auquel elle a été condamnée est également disproportionné ;
- elle avait intérêt à agir contre le permis de construire, eu égard à l'importance du projet et à la suppression de la végétation et alors qu'elle est voisine immédiate, et les défendeurs ont, par suite, soulevé inutilement une fin de non-recevoir à ce titre.
Par un mémoire, enregistré le 24 octobre 2024, la commune de Guilherand-Granges, représentée par Me Matras, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable, à défaut d'accomplissement des formalités de notification de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- à titre subsidiaire, les moyens ne sont pas fondés ; à cet égard la commune a engagé des frais pour se défendre et le tribunal n'a pas fait usage des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, ni n'a reconnu l'illégalité du permis de construire en litige, et il n'était pas soutenu dans son mémoire en désistement qu'il serait intervenu du fait de l'intervention du permis de construire modificatif.
Par un mémoire, enregistré le 5 novembre 2024, la société Immobilière Valrim, représentée par Me Blanc, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le permis accordé en cours d'instance, délivré spontanément et sans intervention du juge, n'a fait que modifier le projet architectural, sans entendre régulariser le permis de construire initial ;
- l'intéressée s'est désistée, sans en donner les motifs, et a ainsi succombé ; par ailleurs la société avait soulevé en première instance le défaut d'intérêt à agir de la requérante et le caractère infondé de la demande qu'elle avait introduite ;
- le montant alloué ne peut être regardé comme disproportionné, la société ayant engagé un montant de 4 578 euros d'honoraires d'avocat pour se défendre.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure,
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,
- les observations de Me Chareyre, pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 avril 2023 par lequel le maire de Guilherand-Granges a accordé un permis de construire à la société Immobilière Valrim en vue d'une démolition et de la construction de dix logements collectifs et deux villas jumelées, sur un terrain situé ..., cadastré section D..., ainsi que la décision du 27 juillet 2023 rejetant son recours gracieux. Un permis " modificatif " a été délivré le 2 février 2024. Par une ordonnance n° 2308370 du 24 juin 2024 prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lyon a, dans son article 1er, donné acte du désistement de sa demande et, dans son article 2, mis à la charge de Mme C... la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Guilherand-Granges et la somme de 1 000 euros à verser à la société Immobilière Valrim, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme C... demande à la cour d'annuler l'article 2 de cette ordonnance du 24 juin 2022 mettant à sa charge des sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. L'article R. 600-1 du code de l'urbanisme vise, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle. La requête d'appel qui tend à l'annulation du seul article 2 de l'ordonnance du tribunal administratif se prononçant sur les frais non compris dans les dépens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, n'est, par suite, pas soumise aux formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
3. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
4. La circonstance qu'un requérant se désiste de son recours ne fait pas obstacle à ce que le juge soit saisi par les défendeurs de conclusions tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens et il appartient, dans tous les cas, au juge d'apprécier, en fonction des circonstances de l'espèce, s'il y a lieu d'y faire droit.
5. Il résulte par ailleurs de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue spontanément en cours d'instance, le juge donne acte du désistement des conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant soutenait qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre.
6. En premier lieu, Mme C... est propriétaire d'une parcelle cadastrée section B... supportant une maison d'habitation. Sa propriété jouxte le tènement constitué des parcelles assiettes des projets de construction, cadastrées section AZ 172, 288p et 290p et ayant fait l'objet d'une division, qui supportait une maison d'habitation et des annexes qui seront démolies mais dont l'ensemble restait très largement végétalisé. Elle invoque une vue directe et une atteinte au cadre de vie, le projet autorisé par le permis en litige portant sur dix logements collectifs et deux villas jumelées pour une surface de plancher de 789,56 m². Mme C... fait ainsi état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance et à la localisation du projet de construction justifiant que lui soit reconnu un intérêt pour agir contre la décision contestée. La société bénéficiaire ne peut dès lors sérieusement soutenir que Mme C... devait être regardée comme partie perdante dans le litige devant le tribunal administratif en raison de son défaut d'intérêt à agir contre ce permis de construire.
7. En second lieu, si le permis " modificatif " du 2 février 2024 délivré en cours d'instance devant le tribunal administratif ne précise pas expressément entendre régulariser le projet initial, il ressort d'une lecture combinée des pièces du dossier et de la chronologie dans laquelle s'inscrivait la demande de permis modificatif que les modifications qu'il apporte au projet avaient pour objectif de répondre aux insuffisances, omissions et méconnaissances de dispositions d'urbanisme invoquées par Mme C... dans sa demande tendant à l'annulation du permis de construire initial.
8. Dans ces conditions, et alors même qu'elle n'a pas expressément indiqué dans son désistement qu'il était motivé par l'intervention de ce permis, Mme C... soutient à bon droit qu'elle n'était pas la partie perdante pour l'essentiel.
9. Par l'effet dévolutif, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les demandes de mises à la charge des sommes exposées et non comprises dans les dépens présentées par la commune de Guilherand-Granges et la société Immobilière Valrim devant le tribunal administratif sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
10. Mme C... est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lyon l'a condamnée, dans l'article 2 de l'ordonnance du 24 juin 2024, à verser les sommes de 1 000 euros à la commune de Guilherand-Granges et de 1 000 euros à la société Immobilière Valrim et à en demander l'annulation dans cette mesure.
Sur les frais de l'instance :
11. Il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par la commune de Guilherand-Granges, la société Immobilière Valrim et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 24 juin 2024 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées en première instance par la commune de Guilherand-Granges et la société Immobilière Valrim tendant à ce que des sommes soient mises à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées dans l'instance d'appel par Mme C..., la commune de Guilherand-Grange et la société Immobilière Valrim au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la commune de Guilherand-Granges et à la société Immobilière Valrim.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.
La présidente-rapporteure,
M. Mehl-SchouderLa présidente-assesseure,
A.-G. Mauclair
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne à la préfète de l'Ardèche en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02463