Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'office public de l'habitat (OPH) de l'Ain Dynacité a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'ordonner la liquidation du décompte final de la société Geodem, à titre subsidiaire, de condamner la société Geodem, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, à lui verser les sommes de 539 988,44 euros en réparation du préjudice subi à raison des malfaçons dans la réalisation de sa mission d'audit préalable et de diagnostic amiante et 18 113,55 euros à raison des frais d'expertise judiciaire.
La société Geodem a demandé la condamnation de l'OPH de l'Ain Dynacité à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice que la procédure lui a fait subir.
Par jugement n° 2009498 du 1er décembre 2022, le tribunal a rejeté la demande de l'OPH de l'Ain Dynacité (article 1er) ainsi que les conclusions reconventionnelles de la société Geodem (article 2), a mis les frais et honoraires d'expertise, liquidés à la somme de 18 113,55 euros, à la charge de la société Geodem à hauteur de 9 056,77 euros et a laissé le surplus à la charge définitive de l'OPH de l'Ain Dynacité (article 3).
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 février 2023 et le 8 novembre 2024, ce dernier non communiqué, l'OPH de l'Ain Dynacité, représenté par Me Baltassat, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 3 du jugement ;
2°) de condamner la société Geodem, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, à lui verser les sommes de 539 988,44 euros en réparation du préjudice subi à raison des malfaçons dans la réalisation de sa mission d'audit préalable et de diagnostic amiante et 18 113,55 euros à raison des frais d'expertise judiciaire ;
3°) de mettre à la charge de la société Geodem la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le délai de prescription quinquennale, seul applicable, n'ayant commencé à courir que le 13 septembre 2019, date de notification du décompte final, sa demande n'est pas prescrite ;
- en l'absence de réception des prestations, la responsabilité contractuelle de la société Geodem pouvait toujours être mobilisée ;
- le paiement des prestations ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle de la société Geodem puisse être engagée, dès lors que la prestation qui lui a été confiée, qui comporte la réalisation de prélèvements sur site, n'était pas uniquement une prestation d'étude et qu'elle a été payée au moyen de certificats de paiement d'acomptes et non de paiements partiels définitifs ;
- la société Geodem a manqué à ses obligations contractuelles en se refusant à réaliser les opérations de prélèvements d'une manière méthodique et organisée afin de permettre un diagnostic complet et rigoureux ;
- ces manquements n'ont pu être relevés qu'au stade de l'expertise, soit postérieurement au paiement des acomptes ;
- elle a subi un préjudice de 539 988,44 euros consistant dans 90 % des frais de prélèvements pour repérage d'amiante, qui étaient inexploitables ;
- la mesure d'expertise judiciaire ayant été utile, elle est fondée à en demander l'indemnisation à hauteur de 18 113,55 euros.
Par mémoire enregistré le 12 septembre 2024, la société Geodem, représentée par Me Perez, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'annuler l'article 2 du jugement ;
3°) de condamner l'OPH de l'Ain Dynacité à lui payer la somme de de 15 000 euros en réparation du préjudice qui lui est causé par la procédure, en application de l'article 1240 du code civil ;
4°) de mettre à la charge de l'OPH de l'Ain Dynacité la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le paiement par l'OPH des factures qu'elle avaient émises pour la rémunération de prestations d'études accomplies équivaut au décompte général définitif et mettait ainsi fin aux rapports contractuels ;
- le décompte général de 2019 a été établi postérieurement à l'expiration des délais de prescription, qu'il s'agisse du délai de prescription de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ou de celui de l'article 2224 du code civil ;
- la contestation de la facturation qu'elle a établie est tardive ;
- la condamnation provisionnelle prononcée par l'ordonnance du juge des référés du 9 septembre 2020 doit lui être restituée ;
- elle n'a commis aucune faute dès lors que la présence d'amiante est attestée et que ses études le mentionnaient ; les analyses qu'elle a prescrites étaient justifiées ; l'importance du nombre de prélèvements lui a été imposée par l'OPH et la DIRECCTE ;
- la demande tendant à sa condamnation à titre subsidiaire est prescrite en application de l'article 2224 du code civil ;
- l'OPH doit être condamné à lui verser la somme de 15 000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à sa réputation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- les conclusions de Mme A...,
- et les observations de Me Clément pour l'OPH de l'Ain Dynacité et de Me Perez pour la société Geodem.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'un projet de renouvellement urbain du quartier de la Forge dans la commune d'Oyonnax, l'office public de l'habitat (OPH) de l'Ain Dynacité a conclu avec la société Geodem, le 31 août 2009, un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour l'audit préalable de bâtiments et le diagnostic de l'amiante préalablement à la démolition de cent quarante-cinq logements situés au sein de trois immeubles sis 36, 38 et 40 rue Saint-Exupéry et 13 impasse Flaubert. Aux termes de l'article 4 de l'acte d'engagement, le marché devait être réglé par un prix global et forfaitaire de 11 250 euros, auquel s'ajoutait un bordereau de prix unitaires pour les sondages, prélèvements et analyses. La société Geodem a adressé à l'OPH de l'Ain Dynacité dix-huit factures pour un montant total de 599 987,20 euros en règlement de prestations qui ont conduit à la remise de rapports de repérages, en juillet 2011, faisant état de la présence d'amiante dans les enduits de plâtre et la peinture, dans des proportions très importantes. La commission d'experts constituée afin de déterminer une méthodologie de désamiantage a prescrit un désamiantage par robotisation pour les enduits de plâtre des murs. Cependant, les mesures d'empoussièrement d'air réalisées lors d'un chantier test n'ayant pas confirmé la présence d'amiante dans ces enduits, l'OPH de l'Ain Dynacité a sollicité la désignation d'un expert judiciaire, en vue de confirmer la présence d'amiante dans les locaux et d'indiquer si les normes en vigueur, et notamment la norme NF X 46-020 de décembre 2008 relative au repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante, avaient été respectées. L'expert a remis son rapport le 14 mai 2016. Après avoir vainement demandé à la société Geodem d'établir le projet de décompte final de son marché, l'OPH lui a notifié le décompte général par un courrier du 13 septembre 2019 présentant un solde en sa faveur de 594 630,31 euros. L'OPH de l'Ain Dynacité a demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation de la société Geodem à lui verser 539 988,44 euros TTC, après déduction de la provision de 54 641,77 euros accordée par une ordonnance du juge des référés du tribunal du 9 septembre 2020, en règlement du solde du marché ou, subsidiairement, sur le fondement de la responsabilité contractuelle. La société Geodem a demandé la condamnation de l'OPH de l'Ain Dynacité à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices. Par jugement du 1er décembre 2022, le tribunal a rejeté la demande de l'OPH de l'Ain Dynacité (article 1er) ainsi que les conclusions reconventionnelles de la société Geodem (article 2), a mis les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 18 113,55 euros, à la charge de la société Geodem à hauteur de 9 056,77 euros et a laissé le surplus à la charge définitive de l'OPH de l'Ain Dynacité (article 3). L'OPH de l'Ain Dynacité relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande. La société Geodem conclut au rejet de la requête et présente, à titre incident, des conclusions tendant à la condamnation de l'OPH à réparer le préjudice que la procédure lui a fait subir.
Sur les conclusions de l'OPH de l'Ain Dynacité :
En ce qui concerne l'exception de prescription opposée par la société Geodem :
2. Aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 2241 du même code : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ", l'article 2242 du même code disposant que : " l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ", tandis qu'aux termes de l'article 2239 de ce code : " La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. / Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ". Il résulte de ce qui précède que la demande adressée à un juge de diligenter une expertise interrompt le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance et que, lorsque le juge fait droit à cette demande, le même délai est suspendu jusqu'à la remise par l'expert de son rapport au juge.
3. Il résulte de l'instruction que l'OPH de l'Ain Dynacité a eu connaissance des faits à l'origine de sa demande le 14 novembre 2013, date à laquelle, ayant obtenu les résultats de l'analyse des prélèvement effectués lors des chantiers test faisant état de l'absence d'amiante, il a sollicité de la société Geodem la communication des fiches d'accompagnement détaillées de ses prélèvements ainsi que la réalisation de contre-analyses. Contrairement à ce qu'elle soutient, la société Geodem, en tant que personne privée, ne peut se prévaloir de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Le délai de prescription quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil, seul applicable à la demande de l'OPH de l'Ain Dynacité, qui a couru à compter du 14 novembre 2013, a été interrompu le 1er avril 2014, date à laquelle l'OPH a demandé au tribunal administratif de Lyon l'organisation d'une expertise. Le nouveau délai de même durée, engagé par cette demande, a été suspendu du 14 mai 2014, date à laquelle le juge des référés a désigné un expert, au 14 mai 2016, date à laquelle l'expert a remis son rapport, et par la saisine, par l'OPH, du comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Lyon, le 30 novembre 2016, jusqu'au 9 mars 2018, date à laquelle le comité a émis son avis. Le délai de prescription n'était, par suite, pas expiré lorsque l'OPH a introduit sa demande au tribunal, le 29 décembre 2020. Il s'ensuit que la société Geodem n'est pas fondée à soutenir que l'action de l'OPH de l'Ain Dynacité était prescrite lorsqu'il a saisi le tribunal.
En ce qui concerne la déchéance des droits opposée par la société Geodem tirée du caractère définitif du décompte :
4. La société Geodem fait valoir que le marché a été soldé par l'OPH de l'Ain Dynacité qui a réglé les vingt-et-une factures qu'elle a émises entre le 20 novembre 2009 et le 24 avril 2013 et que, les relations contractuelles ayant pris fin avec le règlement des factures, l'OPH ne peut plus rechercher sa responsabilité contractuelle.
5. D'une part, selon l'article 2 de l'acte d'engagement conclu entre l'OPH de l'Ain Dynacité et la société Geodem, le marché a pour objet une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage afin de réaliser l'audit préalable de bâtiments et effectuer un diagnostic étendu d'amiante avant démolition. Selon l'article 6.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), sont applicables, dans l'ordre d'énoncé, ce CCAP, le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles issu du décret du 26 décembre1978 (CCAG-PI) et le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG-Travaux), dans sa version issue du décret du 21 janvier 1976. Enfin, selon l'article 6.3 du CCAP : " Les pièces constitutives du marché prévalent, en cas de contradiction ou de différences, dans l'ordre où elles sont mentionnées ci avant ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 9.1 du CCAP du marché : " Le délai de global de paiement est de : QUARANTE JOURS (40) à compter de la réception de la demande de paiement par le prestataire, dans les conditions et formes déterminées par l'article 13 du CCAG - Travaux. Le point de départ du délai global de paiement est la date d'exécution des prestations lorsqu'elle est postérieure à la date de réception de la demande de paiement ; Le point de départ du délai global de paiement du solde est la date d'acceptation du décompte général et définitif ". Aux termes de l'article 13 du CCAG-Travaux : " 13.31. Après l'achèvement des travaux, l'entrepreneur, concurremment avec le projet de décompte afférent au dernier mois de leur exécution ou à la place de ce projet, dresse le projet du décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées (...) 13.41. Le maître d'œuvre établit le décompte général qui comprend : Le décompte final défini au 34 du présent article ; L'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel (...) ; La récapitulation des acomptes mensuels et du solde. Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. 13.42. Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : Quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final. Trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde ". Et aux termes de l'article 12 du CCAG-PI : " 12.3. Paiement pour solde et paiements partiels définitifs. 12.31. Après réception, selon les stipulations du chapitre V, des prestations faisant l'objet du marché (...), le titulaire doit adresser à la personne responsable du marché le projet de décompte correspondant aux prestations fournies. Le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché ; si celle-ci modifie le projet de décompte présenté par le titulaire, elle lui notifie le décompte retenu. Si le projet de décompte, malgré une mise en demeure formulée par la personne responsable du marché, n'a pas été produit dans un délai de trois mois à partir de la réception des prestations, la personne publique est fondée à procéder à la liquidation sur la base d'un décompte établi par ses soins. Celui-ci est notifié au titulaire. 12.32. Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte. A l'occasion de la notification du montant du solde et des paiements partiels définitifs, le titulaire n'est admis à présenter aucune réclamation sur les pénalités, sur les révisions ou actualisations de prix pour lesquelles il a donné son acceptation ou qu'il est réputé avoir acceptées à l'occasion de la notification de décomptes ".
7. Les stipulations précitées du CCAG-PI n'impliquent pas que la validation du projet de décompte final soit formalisée par une décision explicite lorsque le maître d'ouvrage auquel le titulaire a transmis son projet de décompte ne le modifie pas et procède au versement des sommes correspondantes. Toutefois, l'article 9.1 du CCAP applicable au présent marché, qui prévaut sur le CCAG-PI dès lors qu'il est énoncé avant ce dernier dans la liste des documents contractuels, prévoit, en renvoyant à l'article 13 du CCAG-travaux, que le titulaire du marché établit un projet de décompte final et qu'en retour, le pouvoir adjudicateur lui notifie le décompte général. Or, il ne résulte pas de l'instruction que les factures établies par la société Geodem ni qu'aucun autre document adressé par cette société au maître de l'ouvrage, aurait mentionné qu'ils constituaient le décompte général du marché tel que prévu par le CCAP. Par suite, la société Geodem n'est pas fondée à se prévaloir du caractère définitif du décompte qui aurait résulté du paiement de ses factures par l'OPH de l'Ain Dynacité en 2011 pour soutenir que sa responsabilité contractuelle ne peut plus être engagée.
En ce qui concerne le bien-fondé de la demande :
8. Un maître d'ouvrage délégué doit, dans l'exercice de sa mission définie par la convention de mandat qui le lie au maître d'ouvrage, accomplir les diligences que son mandant est en droit d'attendre d'un professionnel ayant accepté cette mission.
9. Aux termes de l'article 2.1 du CCAP : " Le candidat retenu aura donc pour mission de réaliser : - un audit préalable des bâtiments à déconstruire ; - un diagnostic étendu d'amiante avant déconstruction ". L'article III du cahier des charges applicable à ce marché est relatif au contenu de la mission. Aux termes de l'article III. 2. 1 de ce cahier des charges " Diagnostic étendu d'amiante " relatif à la méthodologie d'intervention : " Lors de la réunion de cadrage, l'entretien entre le donneur d'ordre et l'opérateur de repérage devra permettre à ce dernier, avant son intervention et si possible après visite des bâtiments, de préciser sa prestation (liste des matériaux à repérer, compléments éventuels à apporter au diagnostic des flocages, calorifugeages et faux-plafonds, modalités d'intervention et nature du rapport de repérage remis à la fin de l'intervention). (...) Ce diagnostic doit présenter une cartographie complète des bâtiments comportant le repérage des prélèvements (n° du prélèvement et référence du rapport d'analyse), l'indication en cas d'analyse positive des zones homogènes amiantées avec indication de la nature du produit amianté (...) ".
10. Aux termes de l'article III. 2. 3 de ce cahier des charges, relatif aux modalités de repérage : " Le prestataire est seul juge, sous sa propre responsabilité, du choix méthodologique des actions de repérage auxquelles il procède. Dans un premier temps, il recherche et constate de visu la présence de matériaux et produits qui correspondent aux composants ou parties de composants listés en annexe 1 de l'arrêté du 2 janvier 2002 et qui sont susceptibles de contenir de l'amiante. (...) L'inspection des ouvrages doit être exhaustive. Le repérage peut nécessiter des sondages destructifs ou des démontages particuliers. (...) Il examine tous les locaux qui composent le bâtiment. Il définit les zones présentant les similitudes d'ouvrage afin d'optimiser les investigations à conduire en réduisant le nombre de prélèvement qui seront transmis pour analyse. Dans un second temps, et pour chacun des ouvrages ou composants repérés, en fonction des informations dont il dispose et de sa connaissance des matériaux et produits utilisés, il atteste, le cas échéant, la présence d'amiante. En cas de doute, il détermine les prélèvements et analyse de matériaux nécessaires pour conclure ".
11. Aux termes de l'article III. 2 4 du même document, relatif aux Prélèvements et analyses : " Lorsqu'un produit ou matériau est considéré comme " étant susceptible de contenir de l'amiante ", le prestataire ne peut conclure à l'absence d'amiante sans avoir recours à une analyse. En cas de doute sur la présence d'amiante, le prestataire détermine les prélèvements et analyses de matériaux nécessaires pour conclure sur la présence éventuelle d'amiante. Il est précisé que les prélèvements doivent être effectués sur toute l'épaisseur des flocages, calorifugeages et faux plafonds. Le prestataire veille à la traçabilité des échantillons prélevés : ils sont repérés de manière que les ouvrages dans lesquels ils ont été prélevés puissent être identifiés. Il est rappelé que cette opération de prélèvement doit suivre la démarche précisée dans la norme NF X 46-020 et doit être expliquée au donneur d'ordre avant sa réalisation. Le prestataire se charge de faire effectuer les analyses par un laboratoire accrédité selon les dispositions légales en vigueur ".
12. Enfin, le paragraphe 4.4.5.3 Mission " Démolition " et mission " Travaux " de la norme NF X 46-020 prévoit que : " Dans le cadre d'une mission " Démolition ", les sondages doivent être réalisés dans toute l'épaisseur de la partie du composant concerné, en distinguant chaque couche rencontrée ", et selon l'article 3.10 : " Un prélèvement permet de dissocier les différentes couches pour les examiner et pouvoir les analyser séparément ".
13. Il résulte de l'instruction, et, notamment, du rapport d'expertise, que, lors des prélèvements qu'elle a effectués dans le cadre de sa mission de repérage de la présence d'amiante, la société Geodem s'est abstenue de distinguer, comme les spécifications précitées du cahier des charges le lui imposaient, les différentes couches de revêtement prélevées, et s'est bornée à relever, dans le diagnostic remis le 7 octobre 2011, de façon générale, la présence d'amiante dans les peintures et enduits, alors que l'identification exacte du matériau contenant de l'amiante était soumise aux différents protocoles contractuels, plus ou moins invasifs, de désamiantage. Ainsi, si la société a, ainsi qu'elle en avait la charge, pu indiquer la présence d'amiante dans les locaux examinés, ses investigations n'ont pas permis de déterminer, dans chacun de ces locaux, le matériau infecté ni, par voie de conséquence, de définir la méthode de désamiantage devant être adoptée, alors que, selon l'article IV. 1 du cahier des charges, le rapport rendu à l'issue du diagnostic amiante devait permettre la rédaction du cahier des clauses techniques particulières du futur marché de maîtrise d'œuvre. Il s'ensuit qu'en procédant à son diagnostic en méconnaissance des attentes du maître de l'ouvrage, telles que son marché les avait décrites, la société Geodem a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
14. Toutefois, si l'OPH de l'Ain Dynacité soutient que la faute de la société Geodem lui a causé un préjudice caractérisé tant par des frais d'analyse exposés auprès d'un laboratoire extérieur, que par l'inutilité de 90 % des prélèvements facturés par la société Geodem, il résulte de l'instruction que ces prélèvements ont permis de confirmer la présence d'amiante dans les locaux et n'ont ainsi pas été effectués en vain. La circonstance que la société Geodem n'a pas distingué, lors de ces prélèvements, la couche de matériau dont l'échantillon prélevé est issu a uniquement conduit l'OPH à effectuer des travaux de désamiantage plus complexes, et, notamment, à procéder à l'enlèvement des enduits, alors que s'il avait pu être déterminé que l'amiante n'était présente que dans les couches superficielles, les travaux de désamiantage auraient pu être moins onéreux. Toutefois, l'OPH de l'Ain Dynacité ne demande pas l'indemnisation du surcoût résultant de ces travaux. Il s'ensuit que l'OPH de l'Ain Dynacité n'est pas fondé à demander l'indemnisation des prélèvements effectués par la société Geodem.
Sur les frais d'expertise :
15. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...) / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
16. Dans les circonstances particulières de l'affaire, l'expertise ayant confirmé les lacunes de la société Geodem dans la réalisation de ses missions contractuelles, l'OPH de l'Ain Dynacité est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a mis à sa charge la moitié des frais et honoraires d'expertise. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement en tant qu'il a mis à sa charge ces frais, liquidés à la somme de 9 056,77 euros, et de porter à 100 % la part des frais d'expertise assumée par la société Geodem.
Sur les conclusions incidentes de la société Geodem :
17. Si la société Geodem soutient que la demande de l'OPH de l'Ain Dynacité est à l'origine d'un préjudice lié à l'atteinte portée à sa réputation, elle n'établit pas l'existence d'un tel préjudice, les articles de presse qu'elle produits, relatifs aux travaux de désamiantage, ne mentionnant pas son nom.
Sur les frais liés au litige :
18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Geodem la somme que demande l'OPH de l'Ain Dynacité au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la société Geodem soient mises à la charge de l'OPH de l'Ain Dynacité, qui n'est pas la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2009498 du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il met à la charge de l'OPH de l'Ain Dynacité la somme de 9 056,77 euros au titre des frais et honoraires d'expertise.
Article 2 : La part des frais et honoraires d'expertise supportée par la société Geodem est portée à 100 %.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat de l'Ain Dynacité et à la société Geodem.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY00406