Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Azur Hélicoptère et son assureur, la société XL Insurance Company SE ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à verser à la société XL Insurance Company SE une somme de 66 140,84 euros et à la société Azur Hélicoptère une somme de 7 000 euros en réparation des conséquences dommageables des fautes imputables à M. A..., examinateur, durant un examen de vol sur hélicoptère le 13 septembre 2019.
Par un jugement n° 2201189 du 4 juillet 2023 le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 août 2023 et un mémoire enregistré le 17 octobre 2024, la société Azur Hélicoptère et son assureur, la société XL Insurance Company SE, représentées par la SELAS DS Avocats, agissant par Me Poisson, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201189 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner l'Etat à verser à la société XL Insurance Company SE une somme de 66 140,84 euros et à la société Azur Hélicoptère une somme de 7 000 euros en réparation des conséquences dommageables des fautes imputables à M. A..., examinateur, lors d'un examen de vol sur hélicoptère le 13 septembre 2019 ;
3 ) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon est irrégulier dés lors qu'il n'est pas suffisamment motivé s'agissant des critères permettant de considérer que la notion de collaborateur occasionnel de l'Etat n'était pas applicable en l'espèce ;
- la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) est responsable de l'organisation des examens pratiques et de la nomination des examinateurs pour la certification des pilotes en vue de l'obtention de leur licence et M. A..., examinateur de vol sur hélicoptère désigné par la DSAC, a participé de manière effective au service public de la sécurité aérienne ;
- les circonstances que M. A... ait été rémunéré et qu'il réalise une cinquantaine de prestations par an dans le cadre d'une activité libérale d'examinateur de vol est sans incidence sur sa qualité de collaborateur occasionnel de l'Etat ;
- il en est de même des circonstances selon lesquelles l'examinateur aurait souscrit une assurance le garantissant dans le cadre de cette activité et qu'il n'aurait pas exercé ses attributions pour le compte ou sous l'autorité de la DSAC ;
- l'enquête de police a démontré que l'accident résultait de la faute de l'examinateur qui n'a pas respecté les prescriptions de la note de service SL19-001 ; cette faute personnelle engage, à l'égard des tiers, la responsabilité de l'Etat ;
- la société XL Insurance Company, subrogée dans les droits de la société Azur Hélicoptère à hauteur des sommes versées à cette dernière à raison des dommages de l'hélicoptère, est fondée à solliciter une indemnisation de 66 140,84 euros ;
- la société Azur Hélicoptère est fondée à solliciter le montant de la franchise restée à sa charge, soit la somme de 7 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2024, la direction générale de l'aviation civile conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé en droit et en fait, par suite le moyen tiré de son irrégularité sera écarté ;
- si les examinateurs de vol sont soumis à la détention d'une autorisation administrative, lorsqu'ils testent les aptitudes d'un élève pilote, ils interviennent en toute indépendance et à titre privé ; c'est la raison pour laquelle ils doivent souscrire une assurance les garantissant notamment des dommages causés aux tiers dans l'exercice de leurs fonctions ;
- M. A... exerçait son activité d'examinateur de vol dans le cadre d'une activité privée exercée de manière régulière et sous statut d'autoentrepreneur ; il est rémunéré par l'élève pilote ;
- M. A... ne saurait être regardé comme étant intervenu en qualité de collaborateur occasionnel de l'Etat ;
- au surplus, aucune disposition législative ou réglementaire mentionnant que les examinateurs de vol agissent " au nom de l'Etat " et font passer " au nom de l'autorité " les épreuves pratiques et les contrôles de compétences n'était en vigueur le jour de l'accident ;
- en tout état de cause, le régime juridique visant à ce que l'Etat assume les éventuels dommages corporels subis par les examinateurs, ou les autres dommages causés aux tiers de leur fait, ne s'applique que dans l'hypothèse d'une substitution et d'une désignation expresse par l'autorité administrative de l'examinateur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par une ordonnance du 30 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2024 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 ;
- le règlement (UE) n° 1178/2011 de la commission du 3 novembre 2011 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel navigant de l'aviation civile conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du conseil ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Samain représentant les sociétés Azur Hélicoptère et XL Insurance Company SE.
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 septembre 2019, M. A..., examinateur de vol, a fait passer un examen pratique à un élève pilote en vue de l'obtention de la licence de pilote privé d'hélicoptère sur le site de l'aéroport de Lyon Brindas. Lors de l'examen et suite à une manœuvre de simulation d'une panne moteur, l'hélicoptère s'est écrasé au sol. Estimant que la responsabilité de l'Etat était engagée du fait de cet accident imputable à une faute de l'examinateur, la société Azur Hélicoptère, organisme de formation agréé locataire de l'hélicoptère accidenté, et son assureur, la société XL Insurance Company SE, ont présenté à la direction de la sécurité de l'aviation civile, par un courrier du 8 novembre 2021, une réclamation tendant à l'indemnisation des préjudices résultant des dommages causés à l'hélicoptère. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 18 décembre 2021. Par un jugement du 4 juillet 2023, dont la société Azur Hélicoptère et son assureur, la société XL Insurance Company SE, interjettent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser de leurs préjudices.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué du 4 juillet 2023, notamment des points 2 et 4 de ce jugement, que les premiers juges ont exposé les éléments de droit et de faits au regard desquels ils ont considéré que les sociétés requérantes n'étaient pas fondées à soutenir que M. A..., examinateur de vol, avait la qualité de collaborateur occasionnel du service public de l'Etat. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le jugement du 4 juillet 2023 est suffisamment motivé. Si les requérantes soutiennent que les éléments retenus par les premiers juges n'étaient pas de nature à justifier le rejet de la qualification de collaborateur du service public, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
Sur la responsabilité de l'Etat :
3. La direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) est l'autorité française compétente investie des responsabilités de certification et de surveillance des personnes et des organismes visés par le règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne dans les conditions prévues par le règlement (UE) n° 1178/2011 de la commission du 3 novembre 2011 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel navigant de l'aviation civile. A ce titre, elle délivre notamment les agréments aux organismes de formations des pilotes (ATO) et les certifications et autorisations des examinateurs de vol qui exercent leurs activités respectives à titre privé sous le contrôle de la DSAC conformément aux stipulations des règlements européens précités.
4. Aux termes du c) du paragraphe ARA FCL 205 du règlement (UE) n° 1178/2011 de la commission du 3 novembre 2011 : " L'autorité compétente établit des procédures permettant de désigner les examinateurs qui font passer les examens pratiques ". Selon l'article 1 1 du manuel du contrôle technique PN - Procédures " Examens ", dans sa version du 7 septembre 2018, rédigé pour l'application du règlement précité : " Pour les épreuves d'aptitude (...) PPL(...), l'ATO agréé par la DGAC (...) propose à la DSAC, préalablement à l'épreuve et avec un préavis suffisant (...) un examinateur pour réaliser le test (...). L'ATO (...) peut proposer un suppléant en cas d'indisponibilité de l'examinateur prévu (...) / Un accusé réception désignant l'examinateur est envoyé au candidat ou à l'ATO présentant le candidat. Celui-ci doit attendre cet accusé réception pour pouvoir effectuer son épreuve pratique. / Dans le cas où il est décidé de substituer l'examinateur proposé, le service gestionnaire pertinent désigne un autre examinateur et en informe le candidat. / Dans le cas d'épreuves pratiques pour la délivrance d'une qualification, l'ATO agréé par la DGAC sélectionne l'examinateur faisant passer l'épreuve en question. L'ATO a la responsabilité de s'assurer que l'examinateur possède les qualifications requises pour conduire l'épreuve ". Aux termes de l'article 2 1 suivant : " Dans le cadre d'un acte de surveillance (sur un PN, un ATO une compagnie etc.), la DSAC peut décider de procéder à la substitution de l'examinateur prévu pour un test relevant de la Part-FCL. Dans ce cas, l'examinateur substitué est désigné dans les meilleurs délais par la DSAC. L'examinateur de substitution reçoit une désignation officielle et écrite de la DSAC ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'examinateur est sélectionné par l'organisme de formation présentant un candidat à l'épreuve pratique, qui a la responsabilité du contrôle de la qualification de l'examinateur pour conduire cette épreuve. En sa qualité d'autorité de surveillance, la DSAC est destinataire de cette proposition et l'épreuve pratique envisagée ne peut avoir lieu avant notification de l'accusé de réception visée par cette autorité. Dans le cadre d'un acte de surveillance, conformément à la mission de contrôle qui lui incombe, la DSAC peut désigner un examinateur de substitution qui reçoit alors une désignation nominative, officielle et écrite.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment des mentions du formulaire d'inscription à l'épreuve d'aptitude pratique PPL du 29 août 2019, que la société Azur Hélicoptère, organisme de formation agréé, a sélectionné M. A... en qualité d'examinateur pour l'examen pratique prévu le 13 septembre 2019. Il ressort des mentions figurant sur l'accusé de réception du 12 septembre 2019, que la DSAC n'a pas fait usage de son pouvoir de substitution au regard de ce choix. En conséquence, contrairement à ce qui est soutenu par les requérantes, M. A... ne saurait être regardé comme ayant été désigné par la DSAC dans le cadre de l'exercice de sa mission de surveillance de la sécurité aérienne.
7. Par ailleurs, il est constant que M. A..., disposant d'une autorisation administrative d'examinateur de vol délivrée par la DSAC le 20 août 2020 en application du règlement (UE) n° 1178/2011, a exercé cette fonction dans le cadre de l'examen pratique du 13 septembre 2020 en qualité d'autoentrepreneur indépendant et était rémunéré à cette fin par l'élève pilote candidat à l'examen. Ainsi, il ne peut être regardé comme ayant exercé sa mission d'examinateur sous l'autorité et le contrôle de la DSAC, quand bien même sa désignation en qualité d'examinateur a été approuvé par cette dernière dans le cadre de la seule mission de surveillance de la sécurité aérienne qui lui incombe. Par suite, il ne peut être regardé comme un collaborateur occasionnel du service public dont la faute propre serait de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Azur Hélicoptère et son assureur la société XL Insurance Company SE ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de l'Etat.
9. Au regard de tout ce qui précède, la société Azur Hélicoptère, et la société XL Insurance Company SE ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Par voie de conséquences, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête des sociétés Azur Hélicoptère et XL Insurance Company SE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Azur Hélicoptère, à la société XL Insurance Company SE et au ministre chargé des transports.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre chargé des transports, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY02579