Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Bureau d'Application des Techniques d'Isolation (BATI) a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 137 191,66 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en paiement des prestations qu'elle a réalisées en qualité de sous-traitante du titulaire du marché public de travaux passé pour la restructuration de la cité scolaire A... à Bourg-en-Bresse ou, subsidiairement, en réparation de son préjudice ayant résulté de l'absence de paiement de ces prestations.
Par jugement n° 2005018 du 2 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 30 mars 2023, mémoire enregistré le 11 septembre 2024 et mémoires récapitulatifs enregistrés les 21 et 22 novembre 2024, la société BATI, représentée par Me Vacheron, agissant depuis l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 1er février 2024 par ses liquidateurs judiciaires la SELARL Marie Dubois et la SELARL AJUP, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 64 497,79 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
3°) de mettre à la charge de la région Auvergne-Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ayant été agréée par le maître d'ouvrage, elle bénéficie du droit au paiement direct des prestations exécutées pour la tranche ferme du corps d'état n° 9, quand bien même le montant réclamé dépasserait le plafond fixé par l'acte spécial de sous-traitance ;
- subsidiairement, la région Auvergne-Rhône-Alpes a commis une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle, dès lors qu'elle avait connaissance de sa présence sur le chantier en tant que sous-traitante et n'a pas mis en œuvre les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 en mettant l'entrepreneur en demeure de remplir ses obligations déclaratives afin que le montant réel des travaux réalisés dans le cadre de son contrat de sous-traitance soit intégré dans l'acte spécial de sous-traitance.
Par mémoires enregistrés les 25 juillet 2023, 15 octobre 2024 et 20 décembre 2024, la région Auvergne-Rhône-Alpes, représentée par Me Guimet, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Savouré,
- les conclusions de Mme B...,
- les observations de Me Maurice pour la société BATI, et celles de Me Quiviger pour la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Considérant ce qui suit :
1. Pour la restructuration de la cité scolaire J.M. A... à Bourg-en-Bresse, la région Rhône-Alpes, devenue région Auvergne-Rhône-Alpes, a confié par acte d'engagement du 17 avril 2013 un marché public de travaux à un groupement dont le mandataire était la société SRC Floriot qui, placée en liquidation judiciaire, a été substituée par la société SC Floriot en vertu d'un avenant du 28 mai 2019. La société SRC Floriot a adressé au maître de l'ouvrage une déclaration de sous-traitance pour la tranche ferme du lot n° 9 façade-bardage-vêture à la société BATI pour un montant de 831 145 euros, laquelle a été acceptée, le 11 avril 2014. Si le contrat de sous-traitance conclu entre la société SRC Floriot et la société BATI, le 14 avril 2014, portait sur une rémunération de 929 792,66 euros, il limitait à 831 145 euros le montant du paiement direct du maître de l'ouvrage, le surplus devant être acquitté par la société SRC Floriot par billet à ordre à 45 jours. La société SRC Floriot, ultérieurement placée en liquidation judiciaire, n'a pas procédé au paiement convenu. Après avoir demandé vainement au maître d'ouvrage de payer la somme de 137 191,66 euros que le titulaire du marché lui devait, la société BATI a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande de condamnation de la région Auvergne-Rhône-Alpes en invoquant le droit au paiement direct que lui ouvrirait sa qualité de sous-traitante agrée ou, subsidiairement, la faute quasi-délictuelle à ne pas avoir exigé du titulaire une modification de son agrément. La société SC Floriot s'étant acquittée des sommes de 42 422,18 euros, le 26 novembre 2021 et de 30 135,53 euros, le 21 décembre 2022, la société BATI interjette appel du jugement par lequel ce tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande à concurrence du reliquat, soit 64 497,79 euros.
Sur le paiement direct du sous-traitant :
2. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, alors en vigueur : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ". Aux termes de l'article 114 du code des marchés publics, alors en vigueur : " L'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement sont demandés dans les conditions suivantes : 1° Dans le cas où la demande de sous-traitance intervient au moment du dépôt de l'offre (...), le candidat fournit au pouvoir adjudicateur une déclaration mentionnant : (...) c) Le montant maximum des sommes à verser par paiement direct au sous-traitant (...) 2° Dans le cas où la demande est présentée après le dépôt de l'offre, le titulaire remet (...) au pouvoir adjudicateur (...) une déclaration contenant les renseignements mentionnés au 1°. / (...) L'acceptation du sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement sont alors constatés par un acte spécial signé des deux parties (...) ".
3. En vertu des dispositions précitées, seul l'acte spécial engage, dans les limites et selon les conditions qu'il prévoit, le maître d'ouvrage au paiement direct d'un sous-traitant. N'est pas opposable à ce maître d'ouvrage, le contrat de sous-traitance auquel il n'est pas partie.
4. Il ressort de l'acte spécial signé par le représentant de la Région, le 11 avril 2014, que la société BATI n'a été agréée, pour la tranche ferme du marché, qu'à concurrence de 831 145 euros, cette somme lui ayant été intégralement versée. Il ne résulte de l'instruction ni que les travaux dont la société BATI demande le paiement, notamment ceux afférents aux situations n° 27 à 30, correspondraient à des prestations supplémentaires nécessaires à la livraison des parties d'ouvrage comprises dans l'acte spécial ni que le pouvoir adjudicateur ait entendu relever le plafond des prestations dont il avait accepté la sous-traitance. La société BATI ne saurait par ailleurs se prévaloir du montant mentionné au titre de la tranche conditionnelle, qui n'a pas été affermie. Par suite, et sans égard à la rémunération stipulée dans le contrat de sous-traitance qui la liait à la société SRC Floriot, la société BATI n'est pas fondée à demander à la région Auvergne-Rhône-Alpes le versement d'un supplément de 64 497,79 euros au titre du paiement direct.
Sur la responsabilité quasi-délictuelle :
5. Il résulte des articles 3, 5, 6 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et de l'article 114 du code des marchés publics alors applicables qu'il incombe au maître d'ouvrage, lorsqu'il a connaissance de l'exécution, par le sous-traitant, de prestations excédant celles prévues par l'acte spécial et conduisant au dépassement du plafond des sommes à lui verser par paiement direct, de mettre en demeure le titulaire du marché ou le sous-traitant de prendre toute mesure utile pour mettre fin à cette situation ou pour la régulariser, à charge pour le titulaire du marché, le cas échéant, de solliciter la modification de l'acte spécial.
6. Si la société BATI fait valoir qu'elle a demandé à la région Rhône-Alpes, le 11 octobre 2019, le paiement de la somme en litige en l'informant du montant du contrat de sous-traitance, à cette date, l'intégralité des travaux en cause avaient été réalisés et réceptionnés. Ainsi, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la région Rhône-Alpes ait disposé pendant le chantier d'information lui laissant supposer que la requérante réalisait des prestations excédant l'acte spécial, elle ne saurait être regardée comme ayant commis une faute engageant sa responsabilité. Par suite, elle ne peut être tenue d'indemniser cette-dernière des conséquences de la défaillance du titulaire du marché.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société BATI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais du litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société BATI le versement à la région Auvergne-Rhône-Alpes de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Région, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société BATI de la somme qu'elle demande sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société BATI est rejetée.
Article 2 : La société BATI versera à la région Auvergne-Rhône-Alpes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés AJUP et Marie Dubois, en leurs qualités de mandataires judicaires de la société BATI et à la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
M. Savouré, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 mars 2025.
Le rapporteur,
B. Savouré
Le président de la chambre,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01144