Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La communauté de communes Porte de DrômArdèche a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société d'ingénierie en ouvrages d'art et hydraulique (SIOAH) et la société Maïa Fondations à lui verser, solidairement ou conjointement, les sommes de 161 997,26 euros HT et de 7 500 euros en réparation des préjudices matériel et de jouissance ayant résulté des dommages occasionnés au perré et au quai à l'occasion des travaux d'implantation de deux ducs A... sur les berges du Rhône à Andance, et de condamner la société Maïa Fondations à lui verser la somme de 100 euros par jour à compter du 13 juin 2017 au titre des pénalités contractuelles de retard, l'ensemble de ces sommes étant assorties des intérêts de droit au taux légal, capitalisés, outre prise en charge des frais et honoraires d'expertise.
Par jugement n° 2004697 du 9 mars 2023, le tribunal a condamné in solidum la société Maïa Fondations et la SIOAH à verser à la communauté de communes Porte de DrômArdèche la somme de 133 183,20 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020, capitalisés à chaque échéance annuelle à compter du 16 juillet 2021 (article 1er), a condamné la société Maïa Fondations et la SIOAH à se garantir mutuellement de la moitié de la condamnation prononcée à l'article 1er (article 2), a condamné la société Maïa Fondations à verser à la communauté de communes Porte de DrômArdèche la somme de 43 907,16 euros au titre des pénalités contractuelles (article 3), a mis les frais de l'expertise judiciaire, taxés et liquidés à la somme de 19 403,88 euros pour l'expert et à la somme de 6 961,08 euros pour le sapiteur, pour moitié, respectivement, à la charge de la société Maïa Fondations et de la SIOAH (article 4), a mis à la charge de la société Maïa Fondations et de la SIOAH in solidum la somme de 1 500 euros à verser chacune à la communauté de communes Porte de DrômArdèche et à la compagnie nationale du Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 6).
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2023 et le 24 janvier 2025 (ce dernier non communiqué), la SIOAH, représentée par Me Burgy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande ;
2°) de rejeter la demande de la communauté de communes Porte de DrômArdèche ainsi que toutes les conclusions présentées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de limiter sa condamnation à 38 691 euros HT ;
4°) de condamner in solidum la société Maïa Fondations et la communauté de communes Porte de DrômArdèche à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, à hauteur de 80% pour la société Maïa Fondations et 10 % pour la communauté de communes ;
5°) de condamner la communauté de communes Porte de DrômArdèche aux dépens, dont distraction au profit de Laurent Burgy ;
6°) de condamner la communauté de communes Porte de DrômArdèche à lui verser le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article A. 444-32 du code de commerce ;
7°) de mettre à la charge de la communauté de communes Porte de DrômArdèche la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute de conception, dès lors qu'elle n'avait reçu aucune mission de conception et que la communauté de communes n'a réalisé ni ne lui a fourni aucune étude géotechnique portant sur le site ;
- elle n'a commis aucune faute d'exécution, dès lors que la société Maïa Fondations était seule chargée de cette mission ;
- à titre subsidiaire, la part de responsabilité retenue à son encontre doit se limiter à 10%, la société Maïa Fondations et la communauté de communes devant, compte tenu de leurs fautes respectives, assumer respectivement 80% et 10% de la condamnation ;
- il y a lieu de tenir compte d'un coefficient de vétusté, à hauteur de 50 % au minimum, compte tenu de la dégradation initiale du perré ;
- le montant du préjudice matériel doit être limité à 77 382 euros.
Par mémoires enregistrés le 13 février 2024 et le 2 mai 2024, la communauté de communes Porte de DrômArdèche, représentée par Me Delhomme, conclut au rejet de la requête et demande à la cour ;
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a arrêté le cours des pénalités contractuelles de retard au 9 mai 2018, rejeté la demande d'actualisation des prix, rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice de jouissance et limité le montant du préjudice indemnisé à 133 183,20 euros ;
2°) de condamner, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la SIOAH et la société Maïa Fondations à lui verser, solidairement ou conjointement, les sommes de 133 183,20 euros en réparation du préjudice matériel, 7 500 euros en réparation du préjudice de jouissance et 89 856,62 euros HT au titre du surcoût des travaux, de condamner la société Maïa Fondations à lui verser 100 euros par jour à compter du 13 juin 2017 et jusqu'au jour de l'arrêt, au titre des pénalités contractuelles de retard, ces sommes étant assorties des intérêts de droit au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de revaloriser le montant de l'indemnité allouée en appliquant à la somme de 52 785 euros HT l'indice INSEE " Index du bâtiment " entre le 20 septembre 2018 et le prononcé de l'arrêt ;
4°) de condamner la SIOAH et la société Maïa Fondations à supporter les frais d'expertise ;
5°) de mettre à la charge de la SIOAH et la société Maïa Fondations la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Maïa Fondations a commis une faute au regard de ses obligations contractuelles, dès lors qu'elle a réalisé les travaux sans précaution et sans alerter le maître d'œuvre et le maître de l'ouvrage sur les risques potentiels et qu'elle n'a pas atteint le résultat auquel elle s'était engagée ;
- la SIOAH a commis une faute de conception et manqué à son devoir de conseil du maître de l'ouvrage ;
- aucun manquement n'est imputable à la communauté de communes, dès lors qu'elle n'a pas refusé de réaliser une étude géotechnique, qui ne lui a pas été conseillée, et qu'elle ne peut se voir reprocher l'état du perré qui ne lui appartient pas et qui au demeurant était connu des constructeurs ;
- elle a droit au versement des pénalités de retard à compter du 13 juin 2017 jusqu'au jour de l'arrêt, sans qu'y fasse obstacle l'absence de décompte.
Par un mémoire enregistré le 28 mars 2024, la compagnie nationale du Rhône (CNR), représentée par Me Delcombel, conclut au rejet de la requête et de toutes les conclusions dirigées contre elle et demande à la cour de mettre à la charge des parties succombantes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de la SIOAH, qui a été radiée le 31 mai 2023 et non représentée par un mandataire ad hoc, est irrecevable ;
- aucune demande n'est formée à son encontre ;
- elle n'a commis aucun manquement.
Par mémoire enregistré le 3 avril 2024, la société Maïa Fondations, représentée par Me Vacheron, conclut au rejet de la requête et de toutes les conclusions dirigées contre elle et demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant :
- qu'il l'a condamnée à verser à la communauté de communes Porte de DrômArdèche la somme de 133 183,20 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter du 16 juillet 2021 ;
- qu'il l'a condamnée à garantir la SIOAH de la moitié de la condamnation prononcée ;
- qu'il l'a condamnée à verser à la communauté de communes Porte de DrômArdèche la somme de 43 907,16 euros au titre des pénalités de retard contractuelles ;
- qu'il a mis les frais de l'expertise judiciaire, taxés et liquidés à la somme de 19 403,88 euros pour l'expert et à la somme de 6 961,08 euros pour le sapiteur, pour moitié à sa charge, ainsi que 1 500 euros au titre des frais de l'instance.
2°) de condamner la SIOAH à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la SIOAH et de la communauté de communes Porte de DrômArdèche la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SIOAH a commis une faute dès lors qu'elle n'a pas opéré de sondages préalables ni sollicité la réalisation de tels sondages ;
- elle-même n'a pas commis de faute dès lors que les désordres, qui ont pour origine l'état du perré, sont imputables à la communauté de communes ;
- la communauté de communes n'est pas fondée à demander l'indemnisation de la finalisation des travaux, ni d'un préjudice de jouissance ;
- dès lors que la CNR est propriétaire du perré, il lui revient de conserver à sa charge les deux tiers des travaux de réparation ;
- elle ne peut en conséquence se voir condamnée à supporter plus d'un tiers du montant des réparations, soit 38 691 euros après application d'un coefficient de vétusté ;
- elle est fondée à être relevée et garantie par la SIOAH de toute condamnation prononcée à son encontre ;
- dès lors que le décompte général n'a pas été établi, la communauté de communes ne pouvait lui appliquer des pénalités de retard ;
- en tout état de cause, ces pénalités ne pouvaient être appliquées au-delà du 9 mai 2018, date de fin du contrat.
Par courrier du 18 février 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par la société Maïa Fondations, dans l'hypothèse où sa situation ne serait pas aggravée à l'issue de l'examen de l'appel principal.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- les conclusions de Mme B...,
- et les observations de Me Delhomme pour la communauté de communes Porte de DrômArdèche et celles de Me Debliquis pour la CNR.
Une note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2025, a été présentée pour la communauté de communes Porte de DrômArdèche.
Considérant ce qui suit :
1. Pour équiper les quais de la commune d'Andance, appartenant au domaine public fluvial de l'Etat dont la gestion a été concédée à la CNR, d'un dispositif permettant aux bateaux de plaisance de s'amarrer sur les rives du Rhône, la communauté de communes Porte de DrômArdèche a entrepris l'implantation en bordure du perré de deux ducs A.... La société SIOAH a été chargée de la mission de maîtrise d'œuvre, par bons de commande des 14 février 2013 et 25 octobre 2013 ainsi que par contrat du 8 septembre 2014. La réalisation des travaux a été confiée à la société Maïa Fondations par acte d'engagement du 21 juin 2016. Une première tentative d'enfoncement par vibro-fonçage des tubes formant le duc A... au pied du perré ayant échoué, la communauté de communes a demandé une nouvelle solution technique à l'entreprise, laquelle a proposé de réaliser des pré-trous avec un marteau avant fonçage des tubes, solution qui a donné lieu à la conclusion d'un avenant signé le 24 avril 2017. A la suite de l'implantation du premier duc A... selon cette méthode, la communauté de communes a constaté qu'une cavité s'était formée sous le perré formant soutènement du quai, provoquant un fort risque d'effondrement. Le second duc A... n'a pu être implanté, un profilé métallique HEB y ayant été substitué. La réception de l'ouvrage n'a pas été prononcée. À la demande de la communauté de communes Porte de DrômArdèche, un constat de l'état du perré et du quai a été dressé, le 18 août 2017, sur ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon. À la demande de la société Maïa Fondations, un expert judiciaire, qui s'est adjoint un sapiteur, a été désigné sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative par une ordonnance du juge des référés du 26 octobre 2017. Un rapport d'expertise a été remis, le 31 janvier 2020.
2. La communauté de communes Porte de DrômArdèche a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la SIOAH et la société Maïa Fondations à lui verser, solidairement ou conjointement, les sommes de 161 997,26 euros HT en réparation du préjudice matériel résultant des dommages occasionnés au perré et au quai et 7 500 euros en réparation du préjudice de jouissance, de condamner la société Maïa Fondations à lui verser des pénalités contractuelles de retard de 100 euros par jour à compter du 13 juin 2017, outre intérêts de droit au taux légal capitalisés et prise en charge des frais et honoraires d'expertise.
3. Par jugement du 9 mars 2023, le tribunal a condamné in solidum la société Maïa Fondations et la SIOAH à verser à la communauté de communes Porte de DrômArdèche la somme de 133 183,20 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2020, capitalisés à chaque échéance annuelle à compter du 16 juillet 2021 (article 1er), a condamné la société Maïa Fondations et la SIOAH à se garantir mutuellement de la moitié de la condamnation prononcée à l'article 1er (article 2), a condamné la société Maïa Fondations à verser à la communauté de communes Porte de DrômArdèche la somme de 43 907,16 euros au titre des pénalités contractuelles (article 3), a mis les frais et honoraires de l'expertise judiciaire, liquidés aux sommes de 19 403,88 euros et de 6 961,08 euros, pour moitié, respectivement, à la charge de la société Maïa Fondations et de la SIOAH (article 4), a mis à la charge de la société Maïa Fondations et de la SIOAH in solidum la somme de 1 500 euros à verser chacune à la communauté de communes Porte de DrômArdèche et à la CNR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 6).
4. La SIOAH relève appel de ce jugement. La communauté de communes Porte de DrômArdèche et la société Maïa Fondations présentent des conclusions d'appel incident et provoqué. La CNR conclut au rejet de la requête.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la CNR :
5. Aux termes de l'article L. 237-2 du code de commerce : " (...) La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci. / La dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, même après la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif par l'effet d'un jugement de liquidation judiciaire, une société demande la désignation par le tribunal de commerce d'un mandataire ad hoc à l'effet de la représenter pour engager ou poursuivre en son nom des actions devant les juridictions. Il s'ensuit que la perte de la personnalité morale d'une société en cours d'instance ne prive pas d'objet sa requête. Il appartient ainsi au juge soit d'y statuer dès lors qu'il estime que l'affaire est en l'état d'être jugée à la date à laquelle il est informé de cette perte, soit de surseoir à statuer pour permettre à la société de demander au tribunal de commerce la désignation d'un administrateur ad hoc pour la représenter dans l'instance.
6. Il résulte de l'instruction que la SIOAH a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 31 mai 2023, postérieurement à l'introduction de sa requête d'appel, le 9 mai 2023. A la date où la CNR a informé la cour de cette radiation, le 28 mars 2024, l'affaire était en état d'être jugée, dès lors que la communauté de communes Porte de DrômArdèche avait présenté des observations en défense. Dans ces conditions, la CNR n'est pas fondée à soutenir que la requête de la SIOAH serait irrecevable, faute pour celle-ci de disposer de la personnalité morale à la date d'introduction de sa requête.
Sur les conclusions de la SIOAH :
7. D'une part, aux termes de l'article 3 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " Les études d'esquisse ont pour objet : a) De proposer une ou plusieurs solutions d'ensemble, traduisant les éléments majeurs du programme (...) b) De vérifier la faisabilité de l'opération au regard des différentes contraintes du programme et du site ". Aux termes de l'article 4 du décret : " I. Les études d'avant-projet sommaire ont pour objet : (...) c) De proposer les dispositions techniques pouvant être envisagées ". Aux termes de l'article 8 : " I. Les études d'exécution permettent la réalisation de l'ouvrage (...) II. Lorsque les études d'exécution sont, partiellement ou intégralement, réalisées par les entreprises, le maître d'œuvre s'assure que les documents qu'elles ont établis respectent les dispositions du projet et, dans ce cas, leur délivre son visa ". Et aux termes de l'article 9 : " La direction de l'exécution du ou des contrats de travaux a pour objet : a) De s'assurer que les documents d'exécution ainsi que les ouvrages en cours de réalisation respectent les dispositions des études effectuées ; b) De s'assurer que les documents qui doivent être produits par l'entrepreneur, en application du contrat de travaux ainsi que l'exécution des travaux sont conformes audit contrat (...) e) D'assister le maître de l'ouvrage en cas de différend sur le règlement ou l'exécution des travaux ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 1.4 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché en litige : " Les travaux objet du présent marché consistent à réaliser deux ducs A... battus dans le perré en maçonnerie ou en pied de perré, pour l'amarrage et l'accostage de bateaux de type Freyssinet ". Aux termes de l'article 1.3 du CCTP : " (...) / Il n'a été réalisé aucun sondage géotechnique dans le cadre du présent marché. / Les études de projet concernant le présent marché ont été réalisées à partir des données géotechniques ayant permis la réalisation des ducs A... existants implantés à proximité des deux futurs ducs A... ".
9. Enfin, aux termes du bon de commande du 14 février 2013 portant sur une mission d'étude concernant la création d'ouvrages d'accostage et d'amarrage le long d'un perré sur les quais à Andance : " Deux solutions seront étudiées : Réalisation de deux ducs A... équipés de bollards d'amarrage. / Réalisation d'écarteurs fixés au perré et création de deux bollards d'amarrage implanté en crête de berge. / Phase : Avant-Projet : Visite du site, relevés géométriques du perré et des éléments nécessaires au projet et analyse des contraintes techniques liées au site et au Rhône. / (...) / Exploitation et analyse des données et documents disponibles (bathymétrie, topographie...) pour établir les contraintes techniques de réalisation et de phasage. / Etude des 2 solutions techniques en fonction des contraintes techniques (compris notes de calculs). / Etablissement du dossier d'AVP comprenant : détails estimatifs valorisés et plans pouvant être intégrés dans un PRO (...) ". Aux termes du bon de commande du 25 octobre 2013 : " (...) Phase N°2 : Projet de réalisation de deux ducs A... équipés de bollards d'amarrage le long d'un perré sur les quais à Andance. Après le choix de la solution technique, modification si nécessaire de l'avant-projet / (...) ".
10. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et, notamment, des bons de commande des 14 février 2013 et 25 octobre 2013 ainsi que du contrat du 8 septembre 2014, que la SIOAH a été chargée, non seulement des missions d'assistance au maître de l'ouvrage pour la passation des contrats de travaux, des études d'exécution et de la direction de l'exécution, mais également d'une étude de faisabilité, qui a d'ailleurs donné lieu à des travaux produits à l'instance par la société requérante elle-même, et d'une mission d'avant-projet comportant l'analyse des données disponibles de façon à déterminer les contraintes techniques liées au site et au Rhône et l'étude de solutions à déterminer en fonction de ces contraintes techniques. Il résulte également du rapport d'expertise, que la société, qui, contrairement à ce qu'elle soutient, était ainsi chargée de la mission de conception de l'ouvrage, s'est abstenue de s'assurer de la nature du milieu d'implantation des ducs A... et des contraintes liées à ce dernier et, notamment, de l'existence d'enrochements faisant obstacle à l'enfoncement des tubes. Elle s'est en outre abstenue, alors qu'elle en avait la charge, de conseiller au maître de l'ouvrage d'effectuer des recherches complémentaires afin de s'assurer de la faisabilité de l'option de fonçage simple. Enfin, elle a négligé d'avertir le maître de l'ouvrage des risques que comportait la solution du vibro-fonçage envisagée par l'entreprise après l'échec de la première tentative d'implantation et des précautions à prendre pour éviter de détériorer le perré, alors que son attention avait été attirée, par le rapport établi par la société SATIF en octobre 2016, sur la fragilité du perré. La circonstance que l'entreprise était chargée du relevé des ouvrages existant pour les études d'exécution, de la purge des obstacles et de la surveillance du perré, ne pouvait exonérer la SIOAH de ses propres obligations contractuelles. Par conséquent, la SIOAH n'est pas fondée à soutenir qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dans l'exercice de ses missions de maîtrise d'œuvre.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, alors applicable : " I. Le maître de l'ouvrage est la personne morale (...) pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre. Il lui appartient, après s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée, d'en déterminer la localisation, d'en définir le programme, d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle, d'en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d'œuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l'exécution des travaux ".
12. La communauté de communes Porte de DrômArdèche, en sa qualité de maître de l'ouvrage, avait uniquement pour charge, en vertu des dispositions citées au point 11, de s'assurer de la faisabilité de l'opération, à savoir l'implantation d'un moyen d'amarrage des bateaux en bord du Rhône. Si l'appelante invoque la méconnaissance par la communauté de communes de la norme NF P 94-500, cette norme, qui se borne à prévoir que les études géotechniques préalables doivent être financièrement prises en charge par le maître de l'ouvrage, n'exonère pas le maître d'œuvre de sa mission qui implique, notamment, qu'il conseille, en tant que de besoin, au maître de l'ouvrage d'effectuer de telles études préalables. La SIOAH ayant négligé d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur la nécessité de commander et de financer de telles études, elle n'est pas fondée à soutenir que la communauté de communes aurait commis une faute de nature à justifier qu'elle assume 10% du préjudice subi.
13. En troisième lieu, la faute résultant de l'inexécution par le titulaire de ses obligations contractuelles ouvre droit pour le maître de l'ouvrage à l'indemnisation de l'ensemble des travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme aux prévisions du marché.
14. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise, que l'inexécution par la SIOAH de ses obligations contractuelles a contraint la communauté de communes Porte de DrômArdèche à installer des clôtures de protection délimitant la zone surplombant le perré, qui menaçait de s'effondrer, pour un montant de 767,20 euros HT, à réaliser une inspection subaquatique du perré pour un montant de 7 831 euros HT et une campagne de détection de cavités souterraines pour un montant de 3 200 euros HT, à engager une mission de maîtrise d'œuvre d'exécution à hauteur de 9 100 euros HT et à réparer les cavités sous le perré pour un montant, tel qu'estimé par l'expert, de 62 513 euros HT. D'une part, il convient de déduire de ces dépenses, 2 400 euros correspondant à l'installation de barbacanes qui n'équipaient pas l'ouvrage originel. D'autre part, si la communauté de communes fait valoir que les travaux, réalisés en urgence, lui ont été facturés pour un montant de 112 285 euros, cette seule circonstance ne suffit pas à démontrer que le montant évalué par l'expert était sous-évalué. Doivent, enfin, être exclus les frais de constat d'huissier dont la nécessité n'est pas établie, le poste de finalisation de travaux relatif à la pose du second duc A..., lequel aurait dû être assumé par le maître d'ouvrage au titre de l'exécution du marché et le préjudice de jouissance qui n'est pas établi. Le surplus de la demande afférent aux frais de remise en l'état de l'ouvrage, n'est pas justifié. Dans ces conditions, le montant du préjudice subi par la communauté de communes se limite à 81 011,2 euros HT. Par suite, il y a lieu de ramener le montant de la condamnation prononcée par le tribunal, de 133 183,20 euros HT à 81 011,20 euros HT et de réduire, en conséquence, la condamnation solidaire mise à la charge de la société Maïa Fondations à la somme de 81 011,20 euros HT.
15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3.7 du CCTP du marché : " (...) le vibrofonçage n'est autorisé que si le matériel est à haute fréquence avec moment variable et du fait de son action ne puisse détériorer les maçonneries du perré. En cas de détérioration du perré, les réparations de ce dernier seront entièrement à la charge de l'entreprise (...) ".
16. Si le coût des travaux non prévus au contrat qui sont nécessaires pour réaliser un ouvrage conforme à sa destination doit rester à la charge du maître de l'ouvrage lorsque ces travaux apportent une plus-value à l'ouvrage par rapport à sa valeur prévue au marché, il résulte des stipulations citées au point 15 que l'entreprise de travaux devait assumer la charge de la remise en état du perré si ses propres opérations y portaient atteinte. Il résulte de l'instruction qu'en ayant recours, avec l'aval du maître d'œuvre, au marteau fond-de-trou, technique de forage à percussion destinée aux sols durs, la société Maïa Fondations a provoqué la formation de cavités et porté atteinte à la stabilité du perré, si bien qu'elle doit assumer la remise en état de ce dernier. Une telle circonstance fait obstacle à ce que soit constaté une quelconque plus-value au bénéfice du maître de l'ouvrage. Dans ces conditions, la SIOAH qui a concouru à la survenance de ce sinistre avec l'entreprise elle-même tenue à l'obligation d'une réparation intégrale, n'est pas fondée à demander l'application d'un coefficient de vétusté au montant de la condamnation déterminé au point 14.
17. En cinquième lieu, eu égard à l'importance des manquements constatés dans l'accomplissement de ses obligations, tant dans sa mission de conception de l'ouvrage et de suivi des travaux que dans celle de conseil auprès du maître de l'ouvrage, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que sa part de responsabilité dans la survenance des dommages devrait être inférieure au taux de 50 % retenu par le tribunal.
18. En dernier lieu, si la société requérante demande que soit mise à la charge de la communauté de communes Porte de DrômArdèche l'éventuel droit de recouvrement ou d'encaissement mis à la charge du créancier en application de l'article A 444-32 du code de commerce, elle ne produit aucun élément permettant d'établir que ce droit a été acquitté. Par suite, et en tout état de cause, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions de la société Maïa Fondations :
En ce qui concerne les conclusions d'appel incident :
19. Il résulte de l'instruction qu'alors qu'elle était tenue, en sa qualité de professionnelle normalement diligente, de prendre toute précaution afin d'éviter la détérioration du perré, dont la stabilité n'était pas atteinte en dépit de son état dégradé, la société Maïa Fondations a procédé aux travaux en ayant recours à une technique inadaptée qui a endommagé l'ouvrage. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir n'avoir commis aucune faute de nature à justifier sa condamnation. Eu égard à l'importance de cette faute, elle n'est pas davantage fondée à demander que la part de responsabilité de la SIOAH soit portée à 80 %.
En ce qui concerne les conclusions d'appel provoqué :
20. En demandant, d'une part, la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la communauté de communes Porte de DrômArdèche la somme de 43 907,16 euros au titre des pénalités contractuelles de retard, d'autre part, de condamner la CNR à assumer la charge des deux tiers de cette condamnation, et, enfin, de condamner la communauté de communes à la garantir de la condamnation prononcée à son encontre, la société Maïa Fondations a saisi la cour de conclusions d'appel provoqué. Toutefois, sa situation n'étant pas aggravée à l'issue de l'appel principal, ces conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les conclusions de la communauté de communes Porte de DrômArdèche :
En ce qui concerne les conclusions d'appel incident :
21. En premier lieu, la communauté de communes Porte de DrômArdèche soutient avoir subi un préjudice qu'elle qualifie de " surcoût des travaux " évalué à 89 856,62 euros. Toutefois, elle n'en établit pas la réalité en se bornant à renvoyer à un devis de 65 625 euros HT établi pour le renforcement d'un duc A... en septembre 2018, et à exposer une formule de calcul théorique de révision du préjudice évalué par l'expert. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la condamnation des constructeurs devrait être majorée de 89 856, 62 euros.
22. En deuxième lieu, la communauté de communes Porte de DrômArdèche, qui n'est ni propriétaire ni concessionnaire de la voirie, n'apporte aucun élément permettant d'établir l'existence du préjudice de jouissance dont elle se prévaut et qui serait lié à l'impossibilité pour les usagers d'accéder à une partie de la place durant les travaux. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la condamnation des constructeurs devrait être majorée de la somme de 7 500 euros.
23. En dernier lieu, les travaux de reprise ayant été réalisés, la communauté de communes Porte de DrômArdèche n'est pas fondée à soutenir que l'indemnisation devrait être actualisée par application au montant de la condamnation de l'indice INSEE du coût de la construction.
En ce qui concerne les conclusions d'appel provoqué :
24. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la communauté de communes Porte de DrômArdèche n'est pas fondée à demander la réformation du jugement en tant qu'il a limité le montant de la condamnation de la société Maïa Fondations à 133 193,20 euros.
25. En second lieu, aux termes de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 et rendu applicable au présent marché par l'article 3.1.2 du CCAP : " 20.1. En cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux (...), il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000 du montant hors taxes de l'ensemble du marché (...) 20.1.1. Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'œuvre (...) ". Et aux termes de l'article 4.3 du CCAP du marché : " Il est fait application de l'article 20 du C.C.A.G. Travaux (...) / Retard d'exécution / Conformément à l'article 20-1 du CCAG, au cas où les travaux ne seraient pas terminés dans le délai contractuel fixé, et sans mise en demeure préalable, sur simple confrontation de la date réelle de fin de travaux et de la date du délai contractuel d'exécution, il sera appliqué une pénalité de 1/1000ème par jour calendaire de retard du montant du marché, augmenté éventuellement des avenants. / Le montant global des pénalités n'est pas plafonné conformément à l'article 20-4 du CCAG (...) ".
26. Les pénalités prévues par les stipulations précitées ne sont applicables que si l'entreprise dispose des moyens matériels pour réaliser les travaux dans les conditions prévues par le contrat. Or, en ordonnant à la société Maïa Fondations, par courrier du 9 mai 2018, de replier son matériel, la communauté de communes Porte de DrômArdèche a elle-même fait obstacle à la poursuite des travaux et a nécessairement renoncé à infliger à l'entreprise des pénalités de retard. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le montant des pénalités de retard mis à la charge de la société Maïa Fondations par le tribunal a été limité à 43 907,16 euros sur la base d'un décompte arrêté au 9 mai 2018.
27. Il résulte de ce qui précède que la SIOAH et la société Maïa Fondations sont uniquement fondées à demander que le montant de leur condamnation solidaire soit ramené de 133 183,20 euros HT à 81 011,20 euros HT.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens de première instance :
28. En premier lieu, aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise (...) / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ". Le tribunal a mis les frais de l'expertise judiciaire, liquidés à la somme de 19 403,88 euros pour l'expert et de 6 961,08 euros pour le sapiteur, pour moitié, respectivement, à la charge de la société Maïa Fondations et de la SIOAH. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de réformer les modalités de cette prise en charge.
29. En second lieu, la société Maïa Fondations ayant la qualité de partie tenue aux dépens de première instance, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge la somme de 1500 euros à verser à la communauté de communes Porte de DrômArdèche et à la CNR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige d'appel :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SIOAH et de la société Maïa Fondations, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la communauté de communes Porte de DrômArdèche. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à la société SIOAH, d'une part, et à la société Maïa Fondations, d'autre part, en application de ces mêmes dispositions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la CNR.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2004697 du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Lyon est réformé en tant qu'il fixe le montant de la condamnation solidaire de la SIOAH et de la société Maïa Fondations à 133 183,20 euros HT.
Article 2 : Le montant de la condamnation solidaire prononcée à l'encontre de la SIOAH et de la société Maïa Fondations est ramené de 133 183,20 euros HT à 81 011,20 euros HT.
Article 3 : La communauté de communes Porte de DrômArdèche versera la somme de 1 500 euros à la SIOAH et à la société Maïa Fondations, chacune en ce qui la concerne, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Porte de DrômArdèche, à la société Maïa Fondations, à la société d'ingénierie en ouvrages d'art et hydraulique et à la compagnie nationale du Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au préfet de l'Ardèche, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01584