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03/04/2025 | FRANCE | N°24LY01172

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 03 avril 2025, 24LY01172


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



I/ Mme D... G... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 28 septembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.



Par un jugement n° 2309147 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.





II/ M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 28 septembre 2023 par lesquelles...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I/ Mme D... G... épouse F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 28 septembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.

Par un jugement n° 2309147 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

II/ M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 28 septembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.

Par un jugement n° 2309148 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 25 avril 2024 sous le n° 24LY01172, Mme D... G... épouse F..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2309147 du 30 janvier 2024 du tribunal administratif de Lyon et les décisions préfectorales du 28 septembre 2023 la concernant ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, l'ensemble dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Mme F... soutient que :

' la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait car l'état de santé de son enfant E... ne peut pas être effectivement pris en charge en Algérie ; cette décision porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre de son pouvoir de régularisation par la préfète ;

' la mesure d'éloignement, illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

' les décisions lui impartissant un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et désignant son pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Mme F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

II/ Par une requête enregistrée le 25 avril 2024 sous le n° 24LY01174, M. C... F..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2309148 du 30 janvier 2024 du tribunal administratif de Lyon et les décisions préfectorales du 28 septembre 2023 le concernant ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, l'ensemble dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

M. F... soutient que :

' la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait car l'état de santé de son enfant E... ne peut pas être effectivement pris en charge en Algérie ; cette décision porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre du pouvoir de régularisation de la préfète ;

' la mesure d'éloignement, illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

' les décisions lui impartissant un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et désignant son pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

' la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

' la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

' l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

' le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

' la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

' le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... F... et Mme D... F..., son épouse, ressortissants algériens nés respectivement en 1976 et 1985, sont entrés en France pour la dernière fois en septembre 2015 sous couvert de leurs passeports revêtus de visas court séjour, accompagnés de leurs fils A... et B.... Par décisions du 28 septembre 2023, la préfète du Rhône a opposé des refus à leurs demandes de délivrance de certificats de résidence portant la mention " vie privée et familiale " et " visiteur ", leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné leur pays de renvoi. M. et Mme F... relèvent appel des jugements du 30 janvier 2024 par lesquels le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation de ces décisions préfectorales du 28 septembre 2023.

2. Les requêtes n° 24LY01172 et 24LY01174 concernent un couple de ressortissants algériens et présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur les refus de séjour :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

4. M. et Mme F... sont parents de trois enfants, A... et B..., nés en Algérie respectivement en août 2012 et novembre 2014, et E..., née en février 2018 en France. Cette enfant présente une trisomie 21 associée à une encéphalopathie épileptique pharmacorésistante qui requiert un traitement antiépileptique par quadrithérapie, un suivi médical pluridisciplinaire et des séances de rééducation par kinésithérapie. Elle est prise en charge par un service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) depuis juin 2021. Dans un avis rendu le 16 juin 2023, que la préfète s'est approprié, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de l'enfant E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette enfant peut, en Algérie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, bénéficier effectivement d'un traitement approprié. M. et Mme F... quant à eux produisent un certificat médical du 16 octobre 2023 émanant d'un médecin neuropédiatre du SESSAD Simone Veil de Vénissieux, qui déclare que les prises en charges E... " ne peuvent pas être assurées à l'identique en Algérie et seraient une perte de chance pour elle ", un autre certificat médical du 8 novembre 2023 émanant d'une praticienne hospitalière neuropédiatre du service de neurologie pédiatrique de l'hôpital femme-mère-enfant, dépendant des Hospices civils de Lyon (HCL), qui affirme que " l'ensemble de ces prises en charge, relatives à sa pathologie ne peuvent pas être réalisées en Algérie ". Ils produisent également une très succincte attestation rédigée le 6 mars 2024 par un pharmacien algérien selon lequel trois médicaments antiépileptiques sur les quatre que comporte le traitement de l'enfant, à savoir Vimpat, Fycompa et Dyphante, ne seraient pas disponibles ni commercialisés en Algérie. Ces pièces médicales ne suffisent pas à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII concernant la disponibilité d'un traitement approprié en Algérie. Ensuite, une promesse d'embauche faite à M. F... concernant un emploi de chauffeur livreur et diverses attestations de soutien à M. et Mme F..., émanant de voisins, d'amis ou de proches, ne permettent pas de caractériser une particulière insertion du couple durant un séjour en France qui s'établirait à huit années. Enfin, si des membres des fratries de M. F... et de son épouse, ainsi que le père et un oncle de cette dernière, résident en France, le couple, pour y avoir vécu jusqu'aux âges, respectivement, de 39 ans et 30 ans, n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie, où vivent, notamment, les parents de M. F... et la mère de Mme F.... Concernant leurs deux autres enfants, B... et A..., scolarisés, en 2023/2024, le premier en première année de cours moyen d'école primaire, le second en classe de sixième de collège, rien ne fait obstacle à ce qu'ils poursuivent une scolarité en Algérie, où la famille pourrait se reconstituer. Dans ces conditions, la préfète du Rhône ne peut pas être regardée, quand elle oppose les refus de séjour en litige, comme portant une atteinte excessive au droit de M. et Mme F... au respect de leur vie privée et familiale ou comme méconnaissant l'intérêt supérieur de leurs trois enfants. Par suite, le moyen d'erreur de fait et les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations ci-dessus visées de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés. La préfète du Rhône n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation des intéressés, au regard de son pouvoir de régularisation.

Sur les autres décisions :

5. Eu égard à ce qui vient d'être dit sur la légalité des décisions portant refus de séjour, les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les mesures d'éloignement.

6. Pour les motifs exposés au point 4, et en l'absence d'arguments particuliers, ces mesures n'ont pas été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, et les trois enfants du couple n'étant pas séparés de leurs parents, ces mesures ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Il résulte de ce qui précède que les exceptions d'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement, articulées à l'encontre des décisions fixant un délai de départ volontaire de trente jours et de celles désignant le pays de renvoi des requérants, doivent être écartées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 24LY01172 de Mme F... est rejetée.

Article 2 : La requête n° 24LY01174 de M. F... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F..., à M. C... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01172-24LY01174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01172
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;24ly01172 ?
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