Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 15 juin 2023 du préfet de la Côte-d'Or lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant la Géorgie comme pays de destination.
Par un jugement n° 2302068 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Grenier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 mai 2024 et l'arrêté du 15 juin 2023 du préfet de la Côte-d'Or ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise sans examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui accordant un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2025, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties des jours des audiences des 13 février et 10 mars 2025, le dossier ayant été renvoyé à l'issue de la première audience ;
Le rapport de Mme Soubié, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien entré régulièrement sur le territoire français le 30 juillet 2019, a sollicité le 19 décembre 2022 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 juin 2023, le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. Par un jugement dont il relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...). ".
3. M. B... souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale nécessitant des séances de dialyse trois fois par semaine et de diverses pathologies cardiovasculaires, neurologique et cutanée. Dans son avis du 30 mars 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a considéré que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Géorgie, il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié qui doit être poursuivi durant douze mois.
4. Pour s'écarter de cet avis et estimer que M. B... pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, le préfet de la Côte-d'Or s'est référé à une fiche " MedCOI II " datant de 2019, à un document intitulé " Model List of Essential Drugs of Georgia - (Based on WHO Recommendations) " émanant du ministère géorgien du travail, de la santé et des affaires sociales, daté de 2007, ainsi qu'à un courrier du ministère géorgien de la santé du 22 février 2021 et ses annexes. Il ressort de la fiche " MedCOI " mise à jour en 2014 et des autres documents produits par le préfet que le traitement par hémodialyse est réalisé en Géorgie et que des médicaments pouvant soigner les pathologies de l'intéressé sont accessibles dans ce pays ou peuvent légalement être apportés ou importés pour un usage individuel après autorisation. Toutefois, au vu des médicaments mentionnés dans le dossier médical soumis au collège des médecins de l'OFII, les documents produits par le préfet, émanant des autorités géorgiennes et au demeurant non traduits en français, ne permettent pas d'établir la disponibilité effective en Géorgie à la date de l'arrêté contesté de l'ensemble du traitement médical suivi par M. B... ou de molécules équivalentes. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque et de la décision portant refus de titre de séjour, ainsi que de celle portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de celle fixant le pays de renvoi.
6. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Côte-d'Or délivre à M. B... une carte de séjour temporaire en application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, sans qu'il y ait lieu à ce stade d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Grenier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Grenier. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2302068 du tribunal administratif de Dijon du 7 mai 2024 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 15 juin 2023 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Grenier, conseil de M. B..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Grenier.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
M. Moya, premier conseiller,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02854
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