Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 janvier 2024 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2401236 du 17 mai 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2024 sous le n° 24LY01724, M. C... E..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2401236 du 17 mai 2024 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon et les décisions préfectorales du 9 janvier 2024 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, l'ensemble dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
M. E... soutient que :
' la décision de refus de séjour n'est pas motivée en fait, n'a pas été précédée d'un examen réel et sérieux de sa situation et de sa demande, a été prise en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre par le préfet de son pouvoir de régularisation, ceci alors qu'il entre dans le champ d'application de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, ainsi qu'au regard de ses conséquences sur sa situation ;
' la mesure d'éloignement, illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
' les décisions lui impartissant un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et désignant son pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
M. E... a obtenu l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 31 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
' la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
' la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
' l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
' le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
' la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
' le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2025.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., ressortissant algérien né en 1984, est entré en France en août 2019, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour espagnol, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs nés en 2013 et 2018. Sa demande d'asile ayant été rejetée, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, avec délai de départ volontaire de trente jours, décisions prises le 2 juillet 2021 par le préfet de la Loire. Cette même autorité a prononcé une nouvelle mesure d'éloignement, cette fois-ci sans délai de départ volontaire, assortie d'une interdiction de retour d'un an, par des décisions du 13 décembre 2023, annulées le 19 décembre suivant par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon. Par des décisions du 9 janvier 2024, prises dans le délai d'un mois que lui avait imparti cette magistrate pour procéder au réexamen de la situation de M. E..., le préfet de la Loire a refusé d'admettre ce dernier au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 17 mai 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions préfectorales du 9 janvier 2024.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, le préfet de la Loire a, par l'arrêté en litige du 9 janvier 2024, comme il lui était loisible de le faire et sans devoir être saisi d'une demande en ce sens de l'intéressé ni devoir lui délivrer de récépissé ou d'autorisation provisoire de séjour, examiné la situation de M. E... dans le cadre de son pouvoir de régularisation et il a refuséde l'admettre au séjour et de lui délivrer le certificat de résidence prévu par les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. L'arrêté préfectoral comporte les éléments de fait, relatifs à la situation personnelle et familiale du requérant, qui fondent ce refus, décision par suite motivée. Il ne ressort pas de cette motivation ni des pièces du dossier que le préfet aurait manqué de procéder à un examen préalable réel et sérieux de la situation de M. E..., au vu des éléments dont il disposait, que le requérant pouvait compléter sans attendre d'y être invité par les services préfectoraux. La circonstance que le préfet ne mentionne pas d'éléments relatifs à l'activité professionnelle de M. E..., qui, selon le requérant, auraient été portés à sa connaissance dans le cadre de la contestation des décisions du 13 décembre 2023, n'est pas de nature à révéler un tel défaut d'examen. Ce moyen doit par conséquent être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
4. L'activité professionnelle salariée de " technicien fibre " qu'a exercée M. E... de février à août 2023 puis à partir de janvier 2024, ne suffit pas à qualifier une particulière insertion par le travail du requérant durant son séjour en France dont la durée s'établissait, à la date de l'arrêté en litige, à quatre ans et quatre mois. M. E..., séparé de son épouse, elle-même en situation irrégulière sur le territoire français, n'est pas dépourvu d'attaches en D... où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. Ses filles A... et B..., nées en D... respectivement en août 2013 et en février 2018, scolarisées, en 2023/2024, l'une en 2ème année de cours moyen, l'autre en grande section de maternelle, pourront poursuivre une scolarité dans le pays d'origine de leurs parents et y participer à des activités extrascolaires. Dans ces conditions, le préfet de la Loire ne peut pas être regardé, quand il oppose le refus de séjour en litige, comme portant une atteinte excessive au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale. Il n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur des enfants du requérant. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le préfet n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, soit au regard des effets de sa décision sur la situation de M. E..., soit dans l'exercice de son pouvoir de régularisation. A cet égard, le requérant ne peut pas utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les autres décisions :
5. Eu égard à ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision portant refus de séjour, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement.
6. M. E... et son épouse séjournent irrégulièrement en France et sont tous deux sous le coup de mesures d'éloignement, qu'ils doivent exécuter en regagnant, avec leurs enfants mineurs, D.... L'obligation faite à M. E... de quitter le territoire français n'a donc pas pour effet de le séparer de ses enfants. Il s'ensuit que cette mesure n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
7. Il résulte de ce qui précède que les exceptions d'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement, articulées à l'encontre de la décision impartissant à M. E... un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et de celle désignant son pays de renvoi doivent être écartées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01724